3.
Pourquoi, néanmoins, le Prophète ne dit-il pas: Donnez-moi; mais: « Enseignez-moi?» Comment enseigner la douceur, si elle ne se donne point ? Il en est beaucoup en effet qui savent ce qui ne leur est point agréable; ils en ont la connaissance, mais n’y trouvent aucune douceur. Car on ne saurait apprendre la douceur, si l’on ne trouve de la douceur à l’apprendre. Il en est de même de la discipline, qui est une peine propre à nous corriger; elle ne s’apprend que quand on l’éprouve; c’est-à-dire que ce n’est ni l’attention, ni la lecture, ni la réflexion qui nous la donne, mais l’expérience. Pour ce qui est de la science, dont le Prophète nous parle en troisième lieu quand il dit: « Enseignez-moi », ce n’est qu’en nous instruisant que Dieu nous la donne. Qu’est-ce en effet qu’instruire, sinon donner la science ? Ce sont là deux choses tellement corrélatives, que l’une ne saurait exister sans l’autre. Nul en effet n’est instruit s’il n’apprend, et nul n’apprend si on ne l’instruit. Et dès lors qu’un disciple n’est point capable de comprendre ce que son maître enseigne, le maître ne saurait dire : Je lui ai enseigné, mais il n’a rien appris; il peut dire au contraire : J’ai dit ce qu’il fallait dire, mais il n’a pas appris, parce qu’il n’a pu rien percevoir, rien saisir, rien comprendre. Car le disciple aurait appris, si le maître l’eût instruit. Aussi, quand le Seigneur veut nous instruire, il nous donne d’abord l’intelligence, sans laquelle un homme ne saurait apprendre ce qui tient à la doctrine d’en haut; c’est pour cela que le Prophète va dire à Dieu : « Donnez-moi l’intelligence, afin que j’apprenne vos commandements1 ». Aussi bien, quand un homme en veut instruire un autre, il peut dire ce que le Sauveur après sa résurrection disait à ses disciples; mais il ne saurait faire ce qu’il fit : l’Evangile nous dit en effet: « Alors il leur ouvrit l’esprit afin qu’ils comprissent les Ecritures, et il leur dit2». Nous lisons dans l’Evangile ce qu’il leur dit alors; mais s’ils comprirent ses paroles, c’est qu’il leur ouvrit l’esprit qui comprend. Dieu donc nous apprend la douceur en nous inspirant un charme secret; il nous enseigne la discipline, en nous ménageant l’affliction; il nous enseigne la science, en nous donnant la connaissance. Mais il y a des choses que nous apprenons seulement pour les connaître, d’autres pour les faire, et quand Dieu nous les enseigne, il le fait de telle sorte que nous sachions ce qu’il faut savoir, en nous découvrant la vérité, et que nous fassions ce qu’il faut faire, en nous inspirant la douceur. Car ce n’est pas en vain que le Prophète lui dit: « Enseignez-moi, afin que j’accomplisse votre volonté3». Enseignez-moi de telle sorte que je l’accomplisse, non content de la savoir. Car cette volonté saintement accomplie, c’est le fruit que nous devons rendre au laboureur qui nous cultive. Mais l’Ecriture nous dit ensuite : « Le Seigneur donnera la douceur, et notre terre donnera son fruit4 ». Quelle est cette terre, sinon celle dont il est dit à celui qui donne la douceur: « Mon âme est pour vous une terre sans eau ».