7.
« Parce que c’est toi qui as frappé tous ceux qui s’élevaient contre moi sans motif (II Cor. XIII, 3 ) ». N’arrangeons point les paroles, de manière à ne former qu’un même verset: « Lève-toi, Seigneur, sauve-moi, ô mon Dieu, voilà que tu as frappé tous ceux qui s’élevaient contre moi sans motif ». Si le Seigneur l’a sauvé, ce n’est point parce qu’il a frappé ses ennemis, il ne les a frappés au contraire qu’après l’avoir sauvé. Ces paroles appartiennent donc à ce qui suit, de manière à former ce sens : « Voilà que tu as frappé ceux qui s’élevaient contre moi sans motif, tu as brisé les dents des pécheurs (Ps. III, 9 ) » : c’est-à-dire, c’est en brisant les dents des pécheurs, que tu as frappé mes adversaires. C’est en effet le châtiment des adversaires qui a brisé leurs dents , ou plutôt anéanti et comme réduit en poussière les paroles des pécheurs qui déchiraient le Fils de Dieu par leurs malédictions: ces dents seraient alors des malédictions, dans le même sens que l’Apôtre a dit: « Si vous vous mordez les uns les autres, prenez garde que vous ne vous détruisiez les uns les autres (Gal. V, 15 ) ». Ces dents des pécheurs peuvent se dire encore des princes des pécheurs, qui usent de leur autorité pour retrancher quelque membre de la société des bons et l’incorporer avec les méchants. A ces dents sont opposées les dents de 1’Eglise, qui s’efforce d’arracher à l’erreur des païens et des dogmes hérétiques, les vrais croyants, et de se les unir, à elle qui est le corps du Christ. C’est encore avec ces dents qu’il fut recommandé à Pierre de manger des animaux mis à mort (Act. X, 13 ), c’est- à-dire de faire mourir chez les Gentils ce qu’ils étaient, pour les transformer en ce qu’il était lui-même. Enfin, ces mêmes dents ont fait dire à l’Eglise: « Tes dents sont comme un troupeau de brebis qui montent du lavoir; nulle qui ne porte un double fruit, ou qui demeure stérile (Cant. IV, 2 ; VI, 5 ) ». Belle image de ceux qui instruisent, et qui vivent selon les préceptes qu’ils donnent; qui accomplissent cette recommandation : « Que vos oeuvres brillent aux yeux des hommes, afin qu’ils bénissent votre Père qui est dans les cieux (Matt. V, 16 ) ». Cédant à l’autorité de ces prédicateurs, les hommes croient au Dieu qui parle et qui agit en eux, se séparent du siècle selon lequel ils vivaient, pour devenir membres de l’Eglise. Des prédicateurs qui obtiennent de semblables résultats, se nomment avec raison des dents semblables aux brebis que l’on vient de tondre, parce qu’ils ont déposé le fardeau des terrestres soucis, qu’ils montent du lavoir, ou du bain du sacrement de baptême, qui les a purifiés de toute souillure, et qu’ils engendrent un double fruit. Ils accomplissent en effet les deux préceptes dont il est dit: « Ces deux préceptes renferment la loi et les Prophètes (Ibid. XII, 40 ) »; car ils aiment Dieu de tout leur coeur, de toute leur âme, de tout leur esprit, et le prochain comme eux-mêmes. Nul chez eux n’est stérile puisqu’ils fructifient ainsi pour Dieu. En ce sens donc nous devons entendre : « Tu as brisé les dents des pécheurs », puisque tu as anéanti les princes des pécheurs en frappant ceux qui gratuitement s’élevaient contre moi. Le récit de l’Evangile nous montre en effet que les princes persécutaient Jésus, et que la multitude le traitait avec honneur.