6.
Après nous avoir fait connaître la grâce de Dieu, qui seule nous délivre du péché où nous fait tomber la connaissance de la loi, le Prophète continue par cette prière: « Que votre crainte soit comme des aiguillons qui percent ma chair1 ». C’est ainsi qu’ont traduit les Latins, pour donner plus d’expression à ce que les Grecs ont exprimé en un seul mot, katheloson . D’autres l’ont rendu par confige, percez, sans ajouter clavis, «avec des clous»; et dès lors en voulant rendre le mot grec par un seul mot latin, ils ont affaibli la pensée; car dans le mot confige, les clous ne sont point rendus, tandis qu’il est impossible de séparer de ces aiguillons le mot katheloson, que l’on ne saurait dès lors exprimer en latin sans ces deux mots confige clavis, percez de clous. Qu’est-ce à dire, sinon comme le demandait saint Paul: « A Dieu ne plaise que je me glorifie, sinon en la croix de Jésus-Christ Notre-Seigneur, par qui le monde est crucifié pour moi, et moi pour le monde2? » Et encore: « Je suis », dit-il, « attaché à la croix avec le Christ, je vis, non pas moi, mais le Christ vit en moi3 ? » Qu’est-ce à dire encore, sinon qu’elle n’est plus en moi cette justice qui venait de la loi, et cette loi m’a rendu prévaricateur; mais c’est la justice de Dieu, c’est-à-dire celle qui me vient de Dieu4, et non de moi? C’est ainsi que ce n’est pas moi, mais le Christ qui vit en moi : « Lui qui nous a été donné de Dieu, comme notre sagesse, notre justice, notre sanctification, notre rédemption, afin que selon qu’il est écrit : Que celui qui se glorifie le fasse dans le Seigneur5 ». C’est lui qui dit encore : « Ceux qui sont au Christ ont crucifié leur chair, avec ses passions et ses convoitises6 ». Or, ici il est dit qu’ils ont crucifié leur chair, et dans notre psaume le Prophète prie Dieu qu’il la perce lui-même de sa crainte, comme avec des aiguillons; afin que nous comprenions que tout le bien que nous faisons doit être attribué à la grâce de Dieu, « qui opère en nous le vouloir et le faire, selon sa bonne volonté7 ».