3.
Où pouvait doue lever les yeux cet homme qui s’élève, sinon vers le lieu où il tend et où il désire arriver? Car il s’élève de la terre au ciel. Voilà ici-bas la terre que nous foulons aux pieds, voilà bien haut le ciel que nous voyons de nos yeux ;et en nous élevant nous chantons : « Je lève mes yeux vers vous, ô Dieu qui habitez dans les cieux». Où sont donc les échelles ? il y a de si grands intervalles entre le ciel et la terre, une telle séparation, de si vastes espaces ; nous voulons y monter, et ne voyons aucune échelle. Sommes-nous dans l’erreur, en chantant ce cantique des degrés, c’est-à-dire ce cantique de l’ascension? C’est monter au ciel que penser à Dieu, qui a placé les degrés dans notre coeur. Qu’est-ce que monter par le coeur? S’avancer vers Dieu. De même que lâcher pied c’est tomber et non descendre; de même avancer c’est monter, si toutefois l’on avance sans orgueil, si l’on s’élève de manière à ne point tomber; car, s’avancer avec orgueil, c’est monter pour tomber. Mais pour ne point s’enorgueillir, que faut-il faire ? Lever les yeux vers Celui qui habite dans les cieux, et non les lever sur soi-même. Tout orgueilleux se considère lui-même et se croit quelque chose de grand, dès lors qu’il est l’objet de ses complaisances. Mais, se complaire en soi-même, c’est là le délire; car il faut être fou pour mettre en soi ses complaisances. Celui qui plaît à Dieu peut seul être satisfait de soi-même. Or, qui est-ce qui plaît à Dieu? Celui dont Dieu fait les délices. Dieu ne saurait se déplaire : qu’il te plaise donc, afin que tu lui .sois agréable. Mais: Dieu ne saurait te plaire qu’à la condition que tu te déplairas à toi-même. Et si tu te déplais, détourne de toi tes regards. A quoi bon les arrêter sur toi? En te considérant bien, tu trouveras en toi quelque chose qui te déplaira, et tu diras à Dieu: « Mon péché est toujours devant mes yeux1», Que ton péché soit sous tes yeux, et non sous les yeux de Dieu; et toi, au contraire, ne sois point l’objet de tes regards, mais des regards de Dieu. De même que nous demandons à Dieu de ne détourner point de nous sa face, de même nous lui demandons de la détourner de nos péchés ; car telle est la double prière qu’on lui fait dans les psaumes: « Ne détournez point de moi votre visage ». Ainsi dit le psaume, ainsi disons-nous. Et le même interlocuteur qui dit: « Ne détournez point de moi votre face », vois ce qu’il dit ailleurs: « Détournez votre face de mes péchés». Si donc tu veux qu’il détourne sa face de tes péchés, commence par détourner de toi-même ton visage, sans toutefois le détourner de tes péchés. Car, si tu n’en détournes pas ta face, tu entreras en colère contre ces mêmes fautes. Mais ne pas détourner sa face de ses propres fautes, c’est les reconnaître, c’est les avouer, et alors Dieu les pardonne.
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Ps. L, 5. ↩