10.
Cependant les hommes s’en vont, ils écoutent ce proverbe vulgaire, tandis que les proverbes de Dieu les endorment. Quel est ce proverbe qu’ils écoutent ? Mieux vaut tiens, que tu l’auras. Insensé, que tiens-tu donc? Mieux vaut tenir, dis-tu; tiens donc, mais de manière à ne point perdre ; et dis alors Mieux vaut tenir. Mais si tu ne tiens pas de la sorte, pourquoi ne pas tenir ce que tu ne saurais perdre ? Que tiens-tu? De l’or. Tiens-le donc bien, et qu’on ne te l’enlève pas malgré toi. Mais si ton or t’entraîne où tu ne veux pas aller, et qu’alors un larron plus fort en cherche un moins fort que lui, te voilà sous la griffe de l’aigle, parce que tu as tout d’abord pris un lièvre; tu as fait ta proie d’un moins fort, et tu deviens la proie d’un idus fort, Voilà ce que ne voient point les hom mes, tant la cupidité les aveugle. Chose étonnante, mes frères, que ne voient q u’avec horreu r ceux qui la considèrent ! Le plus fort cherche le plus faible, et n’a d’autre raison de l’opprimer que le bien qu’il peut lui enlever; il voit dans quelles tortures il le met, sans autre motif que les richesses que celui-ci possède, et il s’approprie ce bien qu’il voit être pour l’autre la cause de ses douleurs. Il ne considérait rien de tout cela pendant qu’il le persécutait. Cet homme s’enfuyait, il était dans l’angoisse, il était dans la crainte, il ne savait où se cacher; et pourquoi endurait-il ces maux, sinon parce qu’il avait des richesses? Qu’il t’apprenne du moitis ce que tu dois faire ; car ce bien qui a été son tourment, et pour lequel tu l’as persécuté, va te tourmenter aussi, par la crainte qu’un autre persécuteur ne le ravisse. Tu considères combien cet homme est riche ; mais si tu le poursuis parce qu’il est riche, crains à Ion tour de t’enrichir, de peur d’être la proie d’un autre. Tout cela est donc vain. Cherches-en la fin, tu ne verras que ténèbres ; cherche la cause, et tu ne trouveras rien.