6.
Mais revenons à ce passage de l’Evangile qu’on vient de lire et qui se rapporte au verset que nous expliquons: « Notre bouche u a été remplie de joie, et notre langue d’allégresse »; nous cherchons quelle est cette bouche, quelle est cette langue. Que votre charité veuille bien écouter. On reprochait au Sauveur que ses disciples mangeaient sans avoir lavé leurs mains. Le Sauveur fit une réponse péremptoire, et, appelant la foule « Ecoutez », leur dit-il, « et comprenez que ce n’est point ce qui entre dans la bouche qui souille l’homme, mais bien ce qui en sort1». Qu’est-ce à dire? Quand le Sauveur dit: « Ce qui entre dans la bouche »; il ne parle que de la bouche du corps. C’est par là qu’entre la nourriture, et la nourriture ne souille point l’homme car « tout est pur pour les hommes purs2» ; et « toute créature de Dieu est bonne, et il ne faut rien rejeter de ce que l’on reçoit avec actions de grâces3». C’était une figure chez les Juifs, que cette impureté de certaines créatures4. Mais quand la lumière est venue, les ombres disparaissent, nous ne sommes plus enchaînés par la lettre, mais vivifiés par l’Esprit; et les chrétiens n’ont pas été assujétis au joug des observances légales qui pesaient sur les Juifs, puisque le Seigneur a dit: « Mon joug est doux, mon fardeau est léger5 ». « Tout est pur pour ceux qui sont purs », dit encore l’Apôtre; « quant aux hommes impurs et aux infidèles, « pour eux rien n’est pur, mais leur raison et leur conscience sont impures et souillées6 ». Qu’entend par là saint Paul? Pour l’homme qui est pur, le pain et la chair de pourceau sont purs; mais pour l’homme qui ne l’est point, ni le pain ni la chair de pourceau ne le sont non plus. « Rien n’est pur pour l’homme impur et infidèle ». Pourquoi rien n’est-il pur? « C’est que leur pensée et leur conscience sont souillées »; et si rien n’est pur à l’intérieur, rien ne saurait l’être à l’extérieur. Dès que rien ne saurait être pur au dehors pour les hommes dont l’intérieur est impur, purifie en toi l’intérieur, si tu veux que l’extérieur soit pur. Là est cette bouche qui sera remplie de joie même pendant son silence. Car si tu es dans la joie même en silence, ta bouche crie vers le Seigneur. Mais examine d’où vient la joie. Si elle te vient du monde, tu ne jetteras devant Dieu que les cris d’une joie impure; si ta joie vient de la rédemption, ainsi qu’il est dit dans le psaume: « Quand le Seigneur a délivré Sion de la captivité, nous avons été comme ceux que l’on a consolés », alors ta bouche est pleine de joie, et ta langue d’allégresse ; ta joie est évidemment une joie d’espérance, une joie agréable à Dieu. C’est par cette joie, c’est par cette bouche intérieure que notre coeur se nourrit et s’abreuve : elle est pour l’entretien du coeur, comme la bouche extérieure pour l’entretien du corps. C’est de là en effet qu’il est dit : « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu’ils seront rassasiés7 ».