22.
« Ils s’égareront pendant le jour, et personne parmi eux ». Le jour, c’était encore Notre-Seigneur Jésus-Christ. De là cette parole: « Marchez tant que vous avez la lumière1». Mais ceux qui doivent errer pendant le jour, ce sont les imparfaits qui sont en lui. Eux encore n’ont vu qu’un homme dans Notre-Seigneur Jésus-Christ; ils ont cru que la divinité n’était point cachée en lui, et que loin d’être un Dieu caché, il était simple. ment ce qu’il paraissait; voilà ce qu’ils ont cru. Pierre, en effet, et nous parlons de lui surtout parce que nous trouvons en lui un exemple de cette faiblesse qui ne doit point nous faire désespérer, Pierre, quand Jésus demanda ce que les hommes disaient de lui, répondit: « Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant ». Et le Seigneur ajouta : « Tu es heureux, Simon fils de Jona, car ni la chair ni le sang ne t’ont révélé ceci, mais mon Père qui est dans les cieux ». Pourquoi heureux? Parce que Pierre l’a proclamé fils de Dieu. Mais au même endroit, et dans la suite du discours, le Seigneur vint à parler de sa passion qui approchait. Or, le même Pierre qui l’avait proclamé Fils de Dieu, craignit qu’il ne mourût comme fils de l’homme. Car le Christ était Fils de Dieu et fils de l’homme tout ensemble:
Fils de Dieu par cette nature divine qui le rendait égal à Dieu ; fils de l’homme par cette forme de l’esclave2 qui le rendait inférieur à son Père3. Il devait bientôt souffrir dans cette forme de l’esclave. Pourquoi donc Pierre craignait-il que la nature de Dieu ne pérît avec la nature de l’esclave, et n’espérait-il pas au contraire que la nature de l’esclave ressusciterait avec la nature divine? A « Dieu ne plaise», lui dit-il, « Seigneur, veillez sur nous ». Et le Seigneur, de cette même voix dont il l’avait appelé bienheureux : «Arrière, Satan », lui dit-il, « tu ne comprends pas ce qui est de Dieu, mais ce qui est des hommes4 ». Parce qu’il avait dit
«Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant», il entendit cette réponse : « Ni le sang ni la chair ne te l’ont révélé, mais mon Père qui est dans le ciel » ; c’est par là que tu es Pierre, que tu es bienheureux. Maintenant que sa réponse ne venait point de la révélation du Père, mais de la faiblesse de la chair, il est appelé Satan. « Tu ne comprends pas ce qui est de Dieu, mais ce qui est des hommes ». Ainsi dit le Christ, mes frères; il avait vécu au milieu d’eux, il avait commandé aux vents5, il avait devant eux marché sur les flots6, sous leurs yeux encore il avait ressuscité un mort de quatre jours7, sous leurs yeux il avait opéré de si grandes merveilles, et néanmoins ils furent saisis de crainte au moment de sa passion, comme s’ils eussent perdu celui en qui ils auraient mis une vaine confiance. Mais « c’est pendant le jour qu’ils doivent s’égarer, et personne parmi eux ». Personne, pas même celui quia dit: « Avec vous jusqu’à la mort». Le Christ avait dit en effet : « Voici l’heure que vous me laisserez seul, et que chacun ira de son côté. Mais je ne suis point seul, car mon Père est avec moi8 ». Son Père était avec lui, et il était avec son Père; comme son Père était en lui, et lui en son Père; et son Père et lui ne sont qu’un9; et ses disciples craignent à sa mort. Pourquoi, sinon parce qu’ils ont erré pendant le jour, et que nul n’est en eux? « Ils s’égareront pendant le jour, et nul n’est en eux ».
