8.
Pourquoi, dira cette Jérusalem, louer de concert le Seigneur, et moi Sion, pourquoi louer mon Dieu? Sion n’est qu’une avec Jérusalem. Ces deux noms tiennent à deux causes différentes : Jérusalem signifie vision de la paix, et Sion contemplation. Voyez si ces deux noms désignent autre chose que des spectacles; que les païens ne s’applaudissent point alors de leurs spectacles, comme si nous n’avions point les nôtres. Quelquefois, quand on ferme le théâtre ou l’amphithéâtre, et qu’il sort de ces gouffres une foule d’hommes corrompus qui ont l’esprit tout occupé de vains fantômes, repaissant leur mémoire de souvenirs non-seulement inutiles, mais pernicieux, s’applaudissant de ces plaisirs qui ont une douceur, mais douceur empoisonnée ; ils voient, et même souvent, passer les serviteurs de Dieu qu’ils reconnaissent ou bien à leurs vêtements, ou bien à leur maintien, ou même à leur figure, et ils disent en eux-mêmes : Combien ces gens sont malheureux ! que n’ont-ils pas perdu aujourd’hui! Prions Dieu, mes frères, de récompenser leur bienveillance; car ils prennent cela pour un bien. C’est par bonté qu’ils nous plaignent; mais celui qui aime l’iniquité, hait son âme1. Et s’il hait son âme, comment pourrait-il aimer la mienne? Toutefois, c’est par une bienveillance et perverse, et vaine, et futile, si l’on peut appeler cela bienveillance, qu’ils nous plaignent de perdre ce qu’ils aiment. Prions à notre tour, afin qu’ils ne perdent point ce que nous aimons. Voyez quelle est cette Jérusalem que le Prophète exhorte à louer Dieu, ou plutôt dont il prédit la louange. Ce ne sera point quand nous verrons Dieu, et quand nous l’aimerons, quand nous le louerons, que le Prophète aura besoin d’en gager, de stimuler cette ville à louer le Seigneur; mais les Prophètes nous parlent de la sorte, afin de nous porter à goûter, autant que possible, en cette chair fragile, ces joies futures des bienheureux, et en jetant dans nos oreilles le trop plein de leur âme, d’allumer en nous l’amour de cette cité divine. Que nos désirs soient donc fervents; loin de nous tout coeur tiède.
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Ps. X, 6. ↩