23.
Pour nous que le froid du corps a ralentis, qui ployons sous la chaîne de cette vie corruptible, n’avons-nous donc nulle espérance d’avoir notre part à ce Verbe qui court jusqu’à la vitesse ? Ou même nous aurait-il délaissés, quand le poids du corps nous entraîne si bas? N’est-ce point ce même Verbe qui nous a prédestinés avant notre naissance en un corps lourd et mortel? C’est donc celui qui nous a prédestinés qui a donné à la terre la neige, ou nous-mêmes. Arrivons à ces versets obscurs du psaume; déroulons ces voiles qui les couvrent, puisque votre avidité pour la parole de Dieu s’accroît à mesure que nous vous parlons. Nous voici donc lents sur la terre, et en quelque sorte gelés ici-bas. Il en est de nous comme de la neige, qui gèle dans les hauteurs et descend en bas ; de même, à mesure que la charité se refroidit1, la nature humaine descend sur cette terre, et sous l’enveloppe d’un corps tardif devient semblable à la neige. Mais dans cette neige il y a des fils prédestinés de Dieu. Car Dieu « donne la neige comme la laine». Qu’est-ce à dire: comme la laine? C’est-à-dire qu’il doit tirer parti de cette neige qu’il a donnée, de ces hommes froids et lents d’esprit qu’il a prédestinés. La laine est la matière d’un vêtement; en voyant la laine on comprend qu’elle est destinée à vêtir. Donc parce que Dieu a prédestiné ceux qui pour un temps sont froids et rampent sur la terre, qui n’ont point encore la ferveur de l’esprit de charité (car le Prophète encore ici parle de prédestination), Dieu a fait de ces hommes une laine dont il se fera un vêtement C’est donc avec raison que, sur la montagne, les vêtements du Christ brillèrent comme la neige2. La robe du Christ devint blanche comme la neige, comme si déjà il se fût fait une robe de cette neige qu’il a donnée comme la laine, ou de ceux qui languissaient encore, quoique prédestinés. Mais attendez quelque peu; vois ce qui suit: Parce qu’il les a donnés comme la laine, il s’en fait un vêtement. On dit en effet de l’Eglise qu’elle est la robe du Christ, comme on dit qu’elle est le corps du Christ; de là cette parole de l’Apôtre: « Afin de faire paraître devant lui une Eglise pleine de gloire, sans tache et sans ride3». Oui, qu’il montre devant lui une Eglise pleine de gloire, sans tache et sans ride; qu’il se fasse une robe de cette laine, qu’il a prédestinée quand elle était neige encore. De ces hommes encore incrédules, froids et pesants, qu’il se fasse un vêtement, un vêtement de cette laine; afin qu’il en lave les taches et la purifie par la foi; et pour en effacer les rides, qu’il l’étende sur la croix. « Il donne la neige comme la laine ».