24.
S’ils sont prédestinés, il faut qu’ils soient appelés. « Car il a appelé ceux qu’il a prédestinés1». Comment sont-ils appelés, et tirés de la langueur de ce corps dont ils font partie, pour recouvrer la santé? Comment sont-ils appelés? Ecoute l’Evangile: « Ce ne sont point « les justes, mais les pécheurs, que je suis venu appeler à la pénitence2». Cette prédestina. lion, quand il est neige encore, porte l’homme à connaître sa torpeur, à confesser son péché; cette vocation l’amène à la pénitence. Dieu dès lors, « qui donne la laine comme la neige », pour s’en faire un vêtement, appelle aussi à la pénitence, et « répand les frimas comme la cendre». Qui donc répand les frimas comme la cendre? Celui qui donne la neige comme la laine. Il appelle à la pénitence les prédestinés, car ceux qu’il a prédestinés, dit l’Apôtre, il les a aussi appelés. Or, la cendre est le symbole de la pénitence. Ecoute celui qui appelle à la pénitence, dans les, reproches qu’il fait à quelques villes : « Malheur à toi, Corozaïn ! « Malheur à toi, Bethsaïda! Car si les prodiges accomplis au milieu de vous avaient été accomplis autrefois dans Tyr et dans Sidon, elles auraient fait pénitence dans le cilice et dans la cendre3». C’est donc lui qui répand les frimas comme la cendre. Qu’est-ce à dire, qu’il répand les frimas comme la cendre? Quand on appelle un homme à connaître Dieu , et qu’on lui dit : Goûte la vérité, il commence à vouloir goûter cette vérité, mais il n’y suffit point, il se voit dans une obscurité qu’il ne remarquait point auparavant. Ce frimas ou brouillard t’apprend d’abord que tu ne sais rien, afin de t’apprendre ce qu’il faut savoir, et de te montrer que tu es trop faible pour comprendre ce qu’il est nécessaire de. connaître. Car si, nonobstant ce brouillard, tu as la présomption de croire que tu sois quelque chose, l’Apôtre te dira: « Quiconque se flatte de savoir quelque chose, ne sait pas même comment il doit savoir4» Tu n’as donc rien compris encore, tu es encore dans le brouillard. Mais il ne t’abandonne pas, celui qui allume pour toi le flambeau de sa chair. Pour ne pas errer dans le brouillard, suis-le par la foi. Mais parce que tu essaies de voir sans en être capable encore, repens-toi de tes péchés ; voilà que le brouillard est répandu comme la cendre. Conçois enfin un repentir de ton obstination coutre Dieu, conçois un vif regret d’avoir suivi tes voies dépravées. Tu sens combien il est difficile d’arriver à la vision bienheureuse; et il te deviendra salutaire, ce brouillard que Dieu répand comme la cendre. Tu es encore un brouillard, mais comme la cendre; car les pénitents se roulent dans la cendre, témoignant ainsi, mes frères, qu’ils ressemblent à cette poussière, et disant à leur Dieu: « Je ne suis que cendre ». On lit en effet quelque part dans l’Ecriture: « Je me suis méprisé, et j’ai rougi de moi, en me comparant à la boue et à la cendre5 ». Telle est l’humilité du pénitent. Quand Abraham parle à son Dieu, et qu’il veut qu’on lui découvre l’embrasement de Sodome: « Je ne suis », dit-il, « que terre et que cendre6 ». N’est-ce point toujours cette humilité que l’on retrouve dans les grandes âmes et dans les saints? Donc le Seigneur répand le brouillard comme la cendre; pourquoi? « Parce qu’il appelle ceux qu’il a prédestinés7, lui qui n’est point « venu pour appeler à la pénitence les justes, mais les pécheurs8 ».