3.
Et voulez-vous savoir où vous devez chanter ce nouveau cantique ? Voyez où s’accomplit et comment s’accomplit ce que va dire le Psalmiste; voyez si c’est dans toute la terre, ou seulement dans une partie du monde, et vous jugerez mieux ensuite à qui appartient le nouveau cantique. Vous savez déjà ce que je viens de citer d’un autre psaume: « Chantez au Seigneur un cantique nouveau ». Et pour vous montrer qu’il y a dans ce cantique nouveau un fruit de la charité et de l’unité, le Prophète ajoute : « Que toute la terre chante au Seigneur». Que nul ne se sépare, que nul ne se divise; si tu es froment, supporte la paille jusqu’à ce qtl’elle soit vannée. Pourquoi veux-tu sortir de l’aire? Fusses-tu le plus noble froment, si tu es en dehors de l’aire, les oiseaux te trouveront et t’amasseront1. Ajoute à cela que sortir de l’aire et t’envoler prouve que tu n’es que paille, et à cause de cette légèreté, le vent est venu t’enlever de dessous les pieds des boeufs. Ceux, au contraire, qui sont le bon grain, souffrent qu’on les foule: ils se réjouis. sent d’être le froment, gémissent parmi la paille, attendent celui qui doit vanner, qu’ils regardent comme le Rédempteur. « Chantez au Seigneur un nouveau cantique; sa louange est dans l’Eglise des saints ». Or, cette Eglise des saints est l’Eglise du froment répandu dans le monde entier, et semé dans le champ du Seigneur qui est le monde comme nous l’expose Jésus-Christ, quand il nous dit, à propos du semeur, « qu’un homme sema du bon grain dans son champ, et que l’ennemi vint et y sema de l’ivraie; et les serviteurs dirent au père de famille: N’avez-vous pas semé de bon grain dans votre champ? d’où vient donc qu’il y a de l’ivraie? Il répondit: C’est l’ennemi qui a fait cela ». Ils voulaient cueillir l’ivraie, mais il les en empêcha en disant: « Laissez croître l’un et l’autre jusqu’à la moisson, et au temps de la moisson je dirai aux moissonneurs : « Cueillez tout d’abord l’ivraie, et liez-la en bottes, pour la brûler; quant au froment, mettez-le en réserve sur mon grenier ». Les disciples lui demandèrent ensuite : « Exposez -nous le sens de cette parabole de l’ivraie». Il leur en expliqua toutes les parties, afin que nul n’attribue à ses propres lumières l’intelligence qu’il en peut avoir, mais bien à ce Maître céleste qui l’a exposée. Que nul ne vienne dire qu’il l’a expliquée comme il l’a voulu. Si le Seigneur eût expliqué la parabole d’un Prophète, quand lui-même disait par leur bouche tout ce qu’ils disaient, qui oserait dire qu’il ne devait point donner lui-même cette explication? A plus forte raison, quand il donne le sens d’une parabole que lui-même a proposée, qui oserait contredire une vérité aussi évidente? En expliquant cette parabole, le Sauveur nous dit donc : « Celui qui sème le bon grain, c’est le Fils de l’Homme », se désignant ainsi lui-même. « Le bon grain, ce sont les fils du royaume », c’est-à-dire l’assemblée des saints; « l’ivraie, ce sont les fils de l’iniquité. Le champ, c’est le monde2 ». Or, voyez, mes frères, que le bon grain est semé dans le monde entier, et que dans le monde entier il y a de l’ivraie. N’y a-t-il dans une partie que le bon grain, et que l’ivraie dans l’autre partie? Nullement; partout est le bon grain, et partout est le froment. Le champ du Seigneur c’est le monde, et non l’Afrique seulement. Il n’en est point de ce champ du Seigneur comme des autres terres, dont les unes, comme la Gétulie, rapportent soixante et cent pour un; les autres, comme la Numidie, seulement dix pour un. Partout Dieu récolte cent pour un , ou soixante, ou trente ; vois seulement ce que tu veux être, si tu prétends être ce grain que récolte le Seigneur. Cette Assemblée des saints est donc I’Eglise catholique; et l’Assemblée des saints ne saurait être l’Eglise des hérétiques. Cette Eglise des saints est celle que Dieu a prédite avant qu’elle fût visible, et qu’il veut rendre visible en la mettant sous nos yeux. L’Eglise des saints était jadis dans les livres, aujourd’hui elle est dans les nations : jadis on lisait seulement que l’Eglise des saints existerait, aujourd’hui on le lit encore, et, de plus, on voit qu’elle existe. On croyait en elle quand elle n’existait que dans les livres, aujourd’hui qu’on la voit, on lui résiste. « Sa louange est dans l’assemblée des saints».
