2.
Quant à ceux qui ont divisé les psaumes en cinq livres, ils ont suivi en cela l’indication des psaumes qui finissent par ces mots: Fiat, fiat1. Mais quand j’ai voulu pénétrer les raisons de cette division, je n’ai pu y par. venir; parce que ces cinq parties ne sont point égales entre elles, ni par la quantité de la matière, ni même par le nombre des psaumes, qui serait alors de trente. Et si chacun de ces cinq livres doit se terminer par fiat, fiat, on pourrait avec raison demander pourquoi le dernier de tous ne finit pas de même. Pour nous, conformément à l’autorité canonique des saintes Ecritures, où nous lisons: « Il est écrit dans le livre des Psaumes2 », nous ne reconnaissons qu’un livre des psaumes. Je comprends que ce sentiment soit le véritable, et comment l’autre pourrait l’être aussi, sans qu’il y eût contradiction. D’après la coutume des Ecritures des Hébreux, il est possible, en effet, qu’un livre divisé en plusieurs autres, ne soit regardé que comme un seul; ainsi on ne parle que d’une Eglise, bien qu’elle soit divisée en plusieurs Eglises, et d’un ciel unique, bien qu’il soit composé de plusieurs. Il n’est pas à croire qu’en disant : « Mon secours vient du Seigneur qui a fait le ciel et la terre3», le Prophète ait voulu omettre un des cieux. Et quand l’Ecriture nous dit: « Dieu donna au firmament le nom de ciel4 »; quand elle assure qu’il y a des eaux au-dessus du firmament, c’est-à-dire du ciel, elle ne ment point, bien qu’elle dise ailleurs: « Et que toutes les eaux qui sont par-dessus les cieux louent le Seigneur5», sans dire au-dessus du ciel. On dit aussi: la terre, bien qu’elle soit composée de plusieurs, et chaque jour nous disons indifféremment orbis terrae, ou orbis terrarum, le globe de la terre, ou le globe des terres. Quoique, dans le langage ordinaire, cette expression : « Il est écrit dans le livre des Psaumes », semble dire qu’il n’y a qu’un seul livre, néanmoins on peut répondre que cette manière de parler:
« dans le livre des Psaumes », signifie dans l‘un des cinq livres. Mais cette manière de parler est tellement inusitée, ou du moins tellement rare, que ce texte : « Comme il est écrit dans le livre des Prophètes6 », a fait croire que les douze Prophètes ne forment qu’un seul livre. Il en est encore qui ne regardent que comme un livre unique tous les livres de l’Ecriture, parce qu’ils forment une admirable et divine unité, et. que cette parole : « Il est écrit, au commencement du u livre, que je dois faire votre volonté7 », doit nous faire comprendre que le Père a créé le monde par le Fils, puisque cette création est placée au commencement de toute Ecriture dans le livre de la Genèse. Ou plutôt parce que cette parole paraît une prophétie, rapportant moins les faits que prédisant l’avenir, puisqu’il n’est pas dit « que j’aie fait », mais « afin que je fasse », ou que je fisse votre volonté »; et dès lors cette parole devrait se rapporter à une autre parole consignée aussi dans les premières lignes du même livre: « Ils seront deux dans la même chair8» ; profond mystère, selon l’Apôtre, dans le Christ et dans l’Eglise9. On pourrait
voir encore le livre des Psaumes désigné dans cette parole : « Au commencement du livre, il est écrit de moi que je fasse votre volonté ». Car on lit ensuite : « Mon Dieu, je l’ai voulu, votre loi est dans le milieu de mon coeur10 ». Or, on voit une prophétie de Jésus-Christ dans le premier psaume placé à la tête du livre : « Bienheureux l’homme qui ne s’est point laissé aller au conseil des impies, qui ne s’est point arrêté dans le sentier des pécheurs, ni assis dans la chair de pestilence, mais dont la volonté s’affermit dans la loi du Seigneur, et qui méditera cette loi le jour et la nuit11 ». Ce qui reviendrait à cette parole : « Mon Dieu, je l’ai voulu, et votre loi est au milieu de mon cœur ». Quant à cette autre parole : « J’ai annoncé votre justice dans une grande assemblée12», elle se rapporte naturellement à celle-ci : « Ils seront deux dans une même chair13».