13.
« Leurs mains sont pleines d’iniquités, leurs droites souillées de présents 1 ». Les présents ne sont pas seulement la richesse, l’or, l’argent, les objets précieux ; et tous ceux qui les reçoivent, ne les reçoivent pas en présents pour cela. L’Eglise en reçoit quelquefois, et même Pierre en reçut, le Seigneur en reçut, il eut une bourse, et l’argent qu’on y jetait, Judas le dérobait 2. Qu’est-ce que recevoir des présents? Celui qui juge d’une manière inique, non-seulement par amour de l’or ou de l’argent, ou d’autres richesses, mais par vaine gloire, reçoit un présent, et un présent des plus vains. Il a ouvert la main pour recevoir le témoignage d’une langue étrangère, et il a perdu le témoignage de sa conscience, Donc « leurs mains sont pleines d’iniquités, et leurs droites souillées de présents». Vous voyez, mes frères, qu’ils sont sous l’oeil de Dieu, ceux dont les mains ne sont point entachées d’iniquités, dont la droite n’est pas souillée de présents; ils sont sous l’oeil de Dieu, et ne peuvent dire qu’à lui seul: Vous le savez, Seigneur; à lui seul ils peuvent dire: « Ne perdez pas mon âme avec les impies, et ma vie avec les hommes sanguinaires » ; lui seul peut voir qu’ils ne reçoivent aucun présent. Ainsi, mes frères, deux hommes ont à vider un différend devant un serviteur de Dieu; chacun ne voit de justice que dans sa cause. S’il croyait sa cause injuste, il n’aurait point recours au juge. L’un se croit dans la justice, l’autre aussi. On se présente au juge. Avant la sentence, chacun dit: Nous acceptons votre arbitrage, à Dieu ne plaise que nous rejetions votre sentence! Pour vous, que dites-vous? prononcez selon vos vues, seulement, prononcez : Anathème à moi si je cherche à contredire. Tous deux aiment le juge avant la sentence. Toutefois, cette sentence à prononcer condamnera l’un des deux, et nul ne sait qui sera condamné. Si le juge veut plaire à tous deux, il reçoit en présent la louange des hommes. Et ce présent qu’il accepte, voyez quel présent il lui fait perdre. Il reçoit une parole qui fait du bruit et qui passe, il perd la parole que l’on répète, qui ne passe point; car la parole de Dieu se dit toujours, sans passer jamais ; et la parole de l’homme s’évanouit, à mesure qu’on la profère. Il perd ce qui est immuable, pour avoir ce qui est futile. Mais s’il n’a que Dieu en vue, il prononcera une sentence contre l’un d’eux, tenant ses regards sur Dieu, qu’il écoute en jugeant ainsi. Quant à celui que condamne cette sentence, peut-être ne pourrait-il la faire cesser, surtout s’il n’est point du ressort du droit ecclésiastique, mais des lois des princes, ils ont la déférence envers l’Eglise a rendu lotis ses jugements irrévocables; mais s’il ne peut faire cesser la sentence, loin de jeter les veux sur lui-même, il les tourne aveuglément vers le juge, qu’il déchire de tout son pouvoir. Il a voulu, dit-il, plaire à mon adversaire, il a favorisé le riche, il en a reçu des présents, il a craint de le blesser. Il accuse donc son juge d’avoir reçu des présents. Qu’un pauvre ait une affaire contre un riche, et que l’on prononce en faveur du pauvre; le riche tient le même langage. Il a reçu des présents. Quels présents peut faire un pauvre? Il a vu, dit-il, sa pauvreté, il a craint le blâme s’il jugeait au désavantage du pauvre, et voilà qu’il a étouffé la justice et porté une sentence contre la vérité. Si donc ces récriminations sont inévitables, comprenez que Dieu seul voit ceux qui reçoivent les présents et ceux qui les rejettent, et que devant lui seulement, ceux qui les refusent, peuvent dire : « Pour moi, j’ai marché dans l’innocence, délivrez-moi, prenez moi en pitié, mon pied est demeure dans la voie droite (Ps. XXV, 11, 12 ) ». Sans doute, j’ai pu être ébranlé par les scandales et les efforts de ceux qui se récriaient avec une téméraire audace contre mon jugement, mais « mon pied est demeuré dans le sentier droit ». Pourquoi, dans le chemin droit? parce qu’il avait dit plus haut: « J’espère dans le Seigneur, et je ne serai point ébranlé 3 ».