29.
C’est donc à cette charité que nous vous engageons principalement, mes frères, non seulement entre vous, mais à l’égard de ceux qui sont dehors, soit des païens , qui ne croient pas encore au Christ, soit de nos frères séparés, qui confessent avec nous le même chef, mais qui se divisent de corps. Plaignons, mes bien-aimés, plaignons ces derniers comme des frères; car ils sont vraiment nos frères, qu’ils le veulent ou non. Ils ne cesseront d’être nos frères qu’en cessant de dire à Dieu : « Notre Père1 ». Le Prophète n dit de quelques-uns : « A ceux qui vous disent : Vous n’êtes point nos frères, répondez : Et vous, vous êtes nos frères2 ». Voyez de qui il pouvait parler ainsi : était-ce des païens? non, car nous ne les appelons pas nos frères selon les Ecritures et dans le langage de l’Eglise. Etait-ce des Juifs qui ne croient pas en Jésus-Christ? Lisez saint Paul, et vous verrez que quand il emploie le mot frères sans y rien ajouter, il veut désigner les chrétiens. « Un frère ou une sœur », dit-il en parlant du mariage, « n’ont plus d’engagement en pareil cas3 ». Ceux qu’il appelle frère et soeur, sont un chrétien et une chrétienne. Il dit encore: « Quant à toi, pourquoi juger un frère, et toi , pourquoi condamner un frère4 ?»Et ailleurs : « C’est vous qui faites le tort, vous qui causez la perte, et cela à l’égard de vos frères5 ». Donc ceux qui nous disent: Vous n’êtes pas nos frères, nous traitent comme des païens. C’est pour cela aussi qu’ils veulent nous baptiser, en alléguant que nous n’avons pas ce qu’ils donnent. Ils sont donc conséquents dans leur erreur en nous reniant pour leurs frères. Mais pourquoi le Prophète nous dit-il: « Quant à vous, dites-leur : Vous êtes nos frères », sinon parce que nous reconnaissons en eux ce que nous ne donnons pas de nouveau? Pour eux donc, ne point reconnaître notre baptême, c’est nier que nous soyons leurs frères; et nous, en ne réitérant point leur baptême et en y reconnaissant le nôtre, nous leur disons: Vous êtes nos frères. Qu’ils nous disent: Pourquoi nous cherchez-vous et que voulez-vous de nous?Répondons: Vous êtes nos frères. Qu’ils nous disent : Retirez-vous de nous;nous n’avons rien de commun avec vous. Mais nous, au contraire, nous avons avec vous ceci de commun: que nous confessons un même Christ, et que sous un nième chef nous devons être un même corps. Mais, dit cet infortuné, pourquoi me chercher si je suis perdu? Quelle absurdité! quelle extravagance! pourquoi me chercher si je suis perdu! Mais, au contraire, pourquoi te chercherais-je si tu n’étais perdu? Si je suis perdu, me dit-il encore, de quelle sorte suis-je ton frère? De sorte que l’on me dise de toi: « Ton frère était mort, il est ressuscité; il était perdu et le voilà retrouvé (Luc, XV, 32 ) ». Nous vous conjurons donc, ô mes frères, par les entrailles de la charité, dont le lait nous alimente, dont le pain nous fortifie, je vous en conjure par Jésus-Christ Notre-Seigneur et par sa divine bonté! Il est temps d’avoir pour ces infortunés une charité sans bornes, une miséricorde surabondante, et de prier Dieu pour eux; afin qu’il mette la sagesse dans leur esprit, et le repentir dans leur coeur, et que ces malheureux voient enfin qu’ils n’ont rien à opposer à la vérité : il ne leur reste que la faiblesse de la rancune, faiblesse d’autant plus grande qu’elle se croit de plus grandes forces. Je vous conjure de répandre ce qu’il y a de plus exquis dans votre charité, sur ces infirmes, sur ces hommes d’une sagesse charnelle, d’un sens brut et sans culture, qui célèbrent les mêmes mystères, non point avec nous sans doute, mais enfin les mêmes, qui répondent amen comme nous, non point avec nous, mais comme nous. Dans votre charité priez Dieu pour eux. Dans notre concile, nous avons fait pour eux ce que le temps ne me permet pas de vous exposer aujourd’hui. Nous vous invitons à vous trouver, et plus fervents et en plus grand nombre, demain dans l’église de Tricliarum; nos frères absents apprendront de vous qu’ils doivent s’y trouver.