6.
« Il s’est tenu à l’entrée de toute voie coupable1 ». Qu’est-ce à dire : « Il s’est tenu? » Il a persévéré dans le mal. C’est pourquoi il est dit de l’homme juste « qu’il ne s’est point arrêté dans la voie des pécheurs2 ». De même que l’un ne s’est point arrêté, l’autre s’est tenu. « Il ne repousse aucun mal ». C’est là sa fin, le fruit qu’il vient recueillir ; s’il lui est impossible de s’exempter de tout mal, que du moins il le prenne en haine. Car si tu en avais la haine, à peine te surprendrait-il dans quelque acte mauvais. Il est vrai que le péché habite un
corps mortel; mais que nous dit l’Apôtre? « Que le péché ne règne donc plus dans votre corps mortel pour vous assujettir à ses convoitises3 ». Quand commencera-t-il à n’y plus habiter? Lorsque s’accomplira en nous ce qu’il nous dit ailleurs « Quand ce qui est corruptible en nous aura revêtu l’incorruptibilité, et quand ce corps mortel sera revêtu d’immortalité4 ». Avant cela il y a dans notre corps un attrait pour le mal; mais il y a un attrait supérieur dans les douceurs de la parole de sagesse et des préceptes de Dieu. Surmonte donc le péché et la volonté de le commettre; hais le péché et l’injustice, afin de t’unir à Dieu dans une commune réprobation. Dans cette union d’esprit à la loi de Dieu, tu obéis à cette loi selon l’esprit. Et si ta chair t’assujettit encore à la loi du péché5, parce que tu ressens quelques délectations dans la chair, elles deviendront nulles quand tu n’auras plus à combattre. Il y a une différence entre n’avoir plus à combattre, parce que l’on jouit d’une paix vraie et continuelle, et combattre encore, mais vaincre; entre combattre et être vaincu, et ne plus combattre, mais se laisser entraîner. Il y a des hommes qui ne combattent plus; tel est celui dont il est parlé ici. Il ne hait point le mal, dit le Prophète; comment combattre ce qu’il ne hait point? Il est donc entraîné par sa malice, sans résister nullement. D’autres commencent par combattre; mais comme ils présument de leurs forces, Dieu veut leur montrer que c’est lui seul qui peut vaincre dans l’homme qui se soumet à lui, et ils sont vaincus dans le combat; et quand ils ont commencé à pratiquer une certaine justice, ils deviennent orgueilleux et se brisent. Ceux-là combattent, mais ils succombent. Quel est celui qui combat sans être vaincu? Celui qui dit: «Je vois dans mes membres une autre loi contraire à la loi de l’esprit ». Voilà un athlète; mais comme il ne présume point de ses forces, il sera victorieux. Que dit-il ensuite? « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort? La grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur6 ». Il met son espoir dans celui qui lui ordonne de combattre, et il surmonte son ennemi avec le secours de celui qui commande la lutte. Quant à l’autre, « il n’a point de haine pour le mal».