7.
Il y a donc une autre explication : d'est que les cinq maris signifient les cinq sens dus corps l'ail qui nous est donné pour recevoir la lumière visible et distinguer les couleurs et les formes des corps ; l'oreille, pour percevoir les voix et toutes les nuances des sons; les narines, pour respirer les odeurs agréables ; le goût, pour sentir le doux et l'amer et juger de toutes les saveurs ; et en cinquième lieu, le toucher qui, s'étendant à tout le corps, distingue le chaud et le froid, le mou et, le dur, l'uni et' l'âpre, en un mot tout ce qui tombe sous le tact. Or le premier âge de l'homme est sous l'empire de ces cinq sens charnels, en vertu de la loi de notre nature mortelle. Depuis le péché du premier père cette nature est ainsi constituée, que, n'ayant pas encore, recouvré la lumière de l'esprit, asservis parles sens corporels, nous vivons d'une vie toute charnelle sans aucune connaissance de la vérité. Tel est nécessairement l'enfant au -berceau, tel aussi l'enfant qui n'a pas encore atteint l'âge de raison. Et comme ces sens qui dominent le premier âge, sont naturels et l'oeuvre de Dieu même; on leur donne à juste titre le nom de maris, parce qu'ils sont légitimes, et que ce n'est point l'erreur par son vice propre, mais la nature façonnée par Dieu, qui nous les a. procurés. Cependant tout homme parvenu à l'âge de raison cesse de les prendre pour guides, dès qu'il a pu comprendre la vérité ; dès lors il a pour mari l'esprit raisonnable, auquel il assujettit les sens, en rendant son corps esclave ; l'âme alors n'est plus asservie à cinq maris, c'est-à-dire aux cinq sens, mais elle possède son légitime époux, le Verbe divin, auquel elle s'unit et s'attache, puis que l'esprit de l'homme s'attache au Christ, vu que le Christ est le chef de l'homme 1, et, dans cette union spirituelle, elle jouit de la vie éternelle sans plus craindre la séparation. En effet, qui pourra nous séparer de l'amour du Christ 2.
Mais comme cette femme partageait l'erreur d'un siècle livré aux vaines superstitions, après le temps des cinq sens charnels qui dominent, comme nous l'avons dit, le premier âge, le Verbe de Dieu ne l'avait point épousée, mais elle était unie au démon dans un commerce adultère. Voilà pourquoi le Seigneur, voyant qu'elle était charnelle c'est-à-dire qu'elle avait les goûts de la chair, lui dit : « Va, appelle ton mari et viens ici; » c'est-à-dire renonce â l'affection charnelle qui te domine maintenant et t'empêche de comprendre ce que je dis, « et appelle ton mari, » c’est-à-dire sois ici présente par l'esprit d'intelligence. En effet l'esprit de l'homme est en quelque sorte le mari de l'âme, puisqu'il gouverne l'affection charnelle comme une épouse. Ce n'est pas cet Esprit-Saint, qui vit immuable avec le Père et le Fils et se donne sans retour aux âmes pures, c'est l'esprit de l'homme dont l'Apôtre dit: « Personne ne sait ce qui est dans l'homme, sinon l'esprit de l'homme ; » tandis que l'Esprit-Saint est l'Esprit de Dieu, dont le même Apôtre dit : « Personne ne sait ce qui est en Dieu, si ce n'est l'Esprit de Dieu 3. » Donc quand l'esprit de l'homme est présent, c'est-à-dire attentif, et qu'il se soumet pieusement à Dieu, l'homme comprend les choses qu'on lui dit dans l'ordre spirituel. Mais quand l'erreur diabolique domine l'âme, et que l'intelligence est, pour ainsi dire, absente, l'homme devient adultère. Ainsi appelle ton;mari, » veut dire fais appel à l'esprit qui est en toi, par lequel l'homme peut comprendre les choses spirituelles quand la lumière de la vérité l'éclaire; qu'il soit présent quand je te parle, afin que tu puisses recevoir l'eau spirituelle. Et comme elle répondait : « Je n'ai pas de mari, » le Sauveur reprend : « Tu as bien dit : car tu as eu cinq maris; » en d'autres termes, les cinq sens de la chair qui t'ont gouvernée dans le premier âge; et celui que tu as maintenant n'est pas ton mari, parce que tu n'as pas l'Esprit qui comprend Dieu, et avec lequel tu peux avoir une union légitime ; mais tu es sous l'empire de l'erreur du démon, qui te souille par un commerce adultère.