5.
Tu dois aussi songer qu'il n'est pas d'homme qui ne puisse avoir, quand même on ne la verrait pas, quelque bonne qualité que tu n'as pas encore, et qui lui donne sur toi un avantage incontestable. Cette pensée est très-propre à refouler et à dompter l'orgueil. Parce qu'il y a en toi quelque bien manifeste, éclatant, ne t'imagine pas qu'un autre n'en puisse avoir qui soit caché, qui soit même d'une plus grande -valeur et l'élève au dessus de toi à ton insu. Car l'Apôtre ne nous commande ni l'erreur ni l'adulation, quand il nous dit : « Rien par esprit de contention ni par vaine gloire, mais par humilité d'esprit, croyant les autres au dessus de soi 1. » Il ne faut pas non plus que ce sentiment ne soit qu'apparent ; nous devons réellement croire qu'il peut y avoir dans un autre quelque mérite secret qui lui donne la supériorité sur nous, bien que notre mérite apparent semble nous placer au dessus de lui. Ces pensées, en abattant l'orgueil et en excitant la charité, font que l'on supporte les fardeaux de ses frères, non seulement avec patience, mais avec un très grand plaisir. Or il ne faut jamais juger un inconnu, et on ne tonnait que par l'amitié. Et si nous supportons avec plus de courage les défauts de nos amis, c'est que leurs bonnes qualités nous charment et nous captivent.
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Phil. II, 8. ↩