LXXVIII. — De la beauté des statues.
Cet art souverain du Dieu tout-puissant, par lequel il a tout tiré du. néant et qu'on appelle aussi sa Sagesse, agit dans les artistes et leur fait faire de beaux et harmonieux ouvrages ; quoiqu'ils travaillent, non pas avec rien, mais avec du bois, du marbre, de l'ivoire ou d'autres matériaux de ce genre, devenus dociles sous leur main. La raison pour laquelle ils ne peuvent rien faire avec rien, c'est qu'ils agissent à l'aide du corps. Mais les proportions, l'accord des lignes qu'ils impriment par leur corps sur un corps, ils les reçoivent par leur intelligence de cette souveraine Sagesse, qui les a gravés elle-même, avec un art bien plus parfait, sur ce vaste cops de l'univers qu'elle a tiré du néant, et qui renferme les corps des animaux déjà formés de quelque chose, c'est-à-dire d'éléments matériels, mais d'une manière plus excellente et plus parfaite que dans les figures et les imitations reproduites par les artistes. On ne trouve pas en effet dans une statue tous les détails du corps humain; cependant tout ce qu'on y en trouve, vient, par la main de l'ouvrier, de cette souveraine Sagesse, qui forme le corps humain lui-même d'après les lois de la nature.
Il ne faut. cependant pas trop estimer ceux qui' fabriquent ou aiment de tels ouvrages; parce que leur âme, préoccupée des objets de moindre importance qu'elle façonne matériellement à l'aide de son corps, s'attache trop peu à la souveraine Sagesse, de qui elle tient ces talents. Et ces talents même, elle en use mal, en les exerçant au dehors; car, affectionnant les objets sur lesquels elle les applique, elle néglige Celui qui en est le type intérieur et immuable, et devient plus vaine et plus faible. Quant à ceux qui ont rendu un culte à de tels ouvrages, ce qui fait comprendre à quel point ils se sont écartés de la vérité, c'est que, quand même ils eussent adoré les animaux, assurément plus parfaits que leurs images, nous dirions encore: Est-il rien de plus misérable ?