2.
« Or toutes ces vertus doivent être recherchées pour elles-mêmes, et sans vues d'intérêt. Il n'entre pas dans notre but de le démontrer; ce serait d'ailleurs nous écarter de la brièveté qu'exige la simple exposition des règles. Quant aux choses qui leur sont opposées, comme la lâcheté l'est à la force, l'injustice à la justice, il faut aussi les éviter pour elles-mêmes ; et non-seulement celles-là, mais encore celles qui semblent rapprochées des vertus, bien qu'elles en soient très-éloignées. C'est ainsi que si la défiance est un vice pour être opposée à la confiance; l'audace n'en est pas moins un, bien qu'elle ne soit point opposée à la confiance, « qu'elle l'avoisine même. De cette manière, auprès de chaque vertu on trouvera un vice, ou ayant un nom connu, comme l'audace qui rapproche de la confiance, l'obstination voisine de la persévérance, et la superstition de la religion, ou n'ayant pas de nom déterminé: toutes choses que nous rangerons également parmi celles qu'il faut éviter comme contraires au bien. Mais en voilà assez sur cette espèce d'honnête qu'il faut rechercher absolument et pour soi.Maintenant il est bon de parler de l'espèce à laquelle l'utile vient s'adjoindre, et à qui nous (435) donnons cependant encore le nom d'honnête. Il y a donc beaucoup de choses qui nous attirent par leur dignité propre ou par les fruits qu'elles produisent. Telles sont la gloire, le rang, la grandeur, l'amitié. La gloire est une grande renommée accompagnée de louanges. Le rang est une autorité honnête, entourée d'une sorte de culte, d'honneur et de respect. La grandeur est la puissance, ou la majesté ou une grande abondance de quelques biens. L'amitié consiste à vouloir du bien à quelqu'un, dans l'intérêt même de celui qu'on aime, avec retour de sa part. Comme il s'agit ici des causes civiles, nous parlons des fruits de l'amitié, en même temps que de l'amitié pour montrer qu'on peut aussi les rechercher, et pour ne pas encourir le blâme de ceux qui pourraient croire que nous parlons de toute espèce d'amitié. En effet les uns pensent qu'on ne doit rechercher que son propre intérêt dans l'amitié, les autres qu'on doit la rechercher pour elle-même, d'autres enfin veulent l'un et l'autre. Nous examinerons ailleurs laquelle de ces trois opinions est la plus conforme à la vérité 1. »
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Cicér. De l'inv. l. II, 34-39. ↩