10.
Voici encore ce que ,j'ai écrit là dessus dans le livre intitulé: De la foi, de l'espérance et de la charité, et que j'ai adressé à votre frère Laurent, mon fils bien-aimé. « D'après quelques-uns, ceux qui ne renoncent pas au nom du Christ, ceux qui ont reçu le baptême dans son Eglise et n'en sont séparés ni par le schisme ni par l'hérésie, quoiqu'ils mènent la conduite la plus criminelle, qu'ils ne l'expient point par le repentir, ne la rachètent point par l'aumône, mais y persévèrent obstinément jusqu'au dernier jour de leur vie: ceux-là seront sauvés par le feu, par un feu qui durera longtemps, à raison de l'étendue de leurs crimes et de leurs désordres, mais qui ne sera point éternel. Ceux qui pensent ainsi, me semblent, quoique catholiques, se laisser aveugler et séduire par une bienveillance tout humaine: car si on consulte l'Ecriture sainte, elle donne une réponse bien différente. J'ai écrit sur cette question un livre intitulé: De la foi et des oeuvres, où avec l'aide de Dieu, j'ai &montré, autant que je l'ai pu, que la foi qui sauve est celle que l'apôtre saint Paul caractérise suffisamment quand il dit: « Car dans le Christ Jésus ni la circoncision, ni l'incirconcision ne servent de rien ; mais la foi qui agir par la charité 1. » Si elle fait le mal, ou ne fait pas le bien, il est hors de doute, selon l'apôtre saint Jacques, « qu'elle est morte en elle-même. » Le même apôtre dit encore : « Que servira-t-i1 à quelqu'un de dire qu'il a la foi, s'il n'a point les oeuvres ? Est-que la foi pourra le sauver?» Pourtant si la foi seule peut sauver un homme souillé de crimes, et si c'est ainsi qu'il faut entendre le texte du bienheureux Paul : « Il sera sauvé, « mais comme par le feu, » la foi peut donc sauver sans les oeuvres, et alors ce que dit saint Jacques, son frère dans l'apostolat, deviendra faux, aussi bien que ce qu'il dit lui-même dans ce passage. « Ne vous abusez point: Ni les fornicateurs, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les efféminés, ni les abominables, ni les voleurs, ni les avares, ni les médisants, ni les ivrognes, ni les rapaces ne posséderont le royaume de Dieu. » Si en effet ceux qui persévèrent dans ces crimes doivent être sauvés pour avoir cru au Christ, comment seraient-ils exilés du royaume des cieux?
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Gal. V, 6. ↩