CHAPITRE XIII. JEAN-BAPTISTE ET SES PRÉCEPTES DE MORALE. JÉSUS-CHRIST ET SES COMMANDEMENTS.
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Le point que j'examine encore en ce moment, c'est toujours de savoir s'il faut, comme le pensent nos adversaires, enseigner à ceux qui sont baptisés les règles de la vie chrétienne et se contenter d'inculquer la foi aux catéchumènes. S'il en était ainsi, Jean-Baptiste, sans parier des nombreux passages déjà cités, aurait-il tenu ce langage à ceux qui se présentaient à son baptême: « Race de vipères, qui vous a appris à fuir devant la colère qui vous menace! Faites donc de dignes fruits de pénitence 1; » et le reste du passage qui roule non sur la foi mais sur les bonnes oeuvres. Aussi quand les soldats vinrent lui demander: « Que ferons-nous? » il ne leur dit pas : en attendant croyez et faites-vous baptiser; plus tard vous apprendrez ce qu'il faut l'aire. Non: il commence parles avertir, en véritable précurseur, de préparer, la voie au Seigneur qui allait descendre dans leur coeur, et il leur répond : « N'employez ni la violence ni la fraude contre personne, et contentez-vous de votre paie. » Même réponse aux publicains qui lui demandaient ce qu'ils devaient faire: « N'exigez rien au-delà de ce qui vous a été ordonné 2. » En ne rapportant que ces traits, l'Evangéliste, dont le dessein n'était pas de citer tous les articles du catéchisme, fait clairement entendre que le devoir du catéchiste est de faire des leçons et des exhortations morales à ceux qu'il dispose au baptême. Je suppose même qu'ils eussent répondu à Jean : Nous ne ferons pas de dignes fruits de pénitence, nous voulons persévérer Dans nos violences, nos fraudes, notre usure, et qu'une pareille déclaration ne l'eût pas empêché de les baptiser; dans cette hypothèse, on ne saurait encore conclure, au point où la discussion est arrivée, que l'instruction qui doit apprendre au catéchumène à bien vivre, ne doit pas être subordonnée au temps où il doit recevoir le baptême. Jean-Baptiste en effet instruit les publicains et les soldats au moment de les baptiser.
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D’ailleurs, pour ne pas rappeler d'autres passages, quelle est la réponse du Seigneur à ce riche qui lui demandait quel bien il devait faire pour acquérir la vie éternelle? La voici, qu'ils la repassent dans leur esprit: « Si tu veux entrer dans la vie, garde les commandements. — Quels commandements? Lui dit-il. » Le Seigneur lui rappela alors les commandements de la Loi: « Tu ne tueras point, tu ne commettras point d'adultère,» et le reste. Le riche ayant répondu qu'il avait gardé ces commandements dès sa jeunesse, le Seigneur ajouta le précepte qui renferme la perfection évangélique, celui de vendre tous ses biens et de les convertir en aumônes aux pauvres, afin d'avoir un trésor dans le ciel et de s'attacher au Seigneur qui lui parlait 3. C'est à nos adversaires de prendre garde que ce personnage n'a pas été invité à croire et à se faire baptiser, seul moyen d'après eux d'acquérir la -vie éternelle, mais qu'il a été instruit des règles de conduite que la foi seule apprend à suivre docilement. Nous ne voulons pas en effet conclure du silence que le Seigneur a gardé sur la nécessité d'inculquer la foi, qu'il faut se borner à instruire des règles de la morale ceux qui aspirent à se sauver. Le dogme et la morale sont liés par un rapport indissoluble, comme je l'ai déjà dit, car l'amour de Dieu ne peut exister chez celui qui n'aime pas le prochain, ni l'amour du prochain chez celui qui n'aime pas Dieu. Aussi l'Ecriture mentionne-t-elle tantôt.un précepte moral, tantôt un dogme, au lieu de formuler la doctrine dans son ensemble, afin de faire comprendre que l'un ne va pas sans l'autre. En effet, croire en Dieu, c'est s'obliger à accomplir les commandements de Dieu, et pour accomplir les commandements de Dieu il faut nécessairement croire en lui.