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Works Augustine of Hippo (354-430) Méthode pour enseigner aux catéchumènes les éléments du Christianisme
Premier partie
Chapitres 1-10

CHAPITRE X.

DE L’ENNUI ET DE SES CAUSES : PREMIER MOYEN D’ Y REMÉDIER.

  1. Tu attends peut-être ici un discours qui puisse te servir de modèle et où j’applique les règles que je viens de te retracer. Avant de te satisfaire, dans la mesure des forces que Dieu me donnera, je dois t’enseigner, selon ma promesse, l’art difficile de charmer. Je m’étais engagé à formuler les règles nécessaires pour instruire le catéchumène qui vient solliciter [68] le titre de chrétien; j’ai rempli, je crois, mon engagement. Tu ne dois pas exiger de moi comme une dette, que je joigne dans ce traité l’exemple à la théorie; si je le fais, ce sera un surcroît; mais, puis-je donner le surcroît avant d’avoir payé ma dette intégralement? Tu t’es plaint à moi d’un défaut d’élévation et de chaleur qui, à t’entendre, gâtait toutes tes instructions aux catéchumènes. Je suis convaincu que ce défaut ne tient ni au manque d’idées sur des sujets dont tu possèdes à fond toutes les ressources, ni à la disette d’expressions; il vient d’un secret ennui, provoqué par différentes causes.

D’abord nous trouvons plus de charme et de beauté dans les muettes conceptions de notre esprit, et, comme je l’ai déjà remarqué, nous avons de la répugnance à faire passer notre idéal dans des sons qui ne le peignent qu’imparfaitement; puis, lors même que nos expressions ne nous déplairaient pas, nous aimons mieux écouter ou lire des discours qui sont plus beaux que les nôtres et ne nous coûtent ni effort ni inquiétude, que d’improviser en appropriant notre langage au goût d’autrui, sans savoir si nous réussirons à voir les paroles couler à souhait ou produire sur les esprits une heureuse impression; d’ailleurs, comme les notions qu’il faut inculquer aux esprits novices nous sont très-familières et ne peuvent guère contribuer à notre avancement, nous nous voyons avec peine obligés d’y revenir sans cesse : notre esprit, fier de ses petites forces, ne trouve plus de charme à s’arrêter sur des vérités élémentaires et qui semblent réservées à l’enfance. L’orateur est encore refroidi par l’air glacé d’un auditeur qui reste immobile, soit parce qu’il ne ressent aucune émotion, soit parce qu’il ne laisse pas voir dans son attitude que l’orateur l’éclaire ou le touche. Sans être passionnés pour la gloire humaine, nous songeons que la parole, dont nous sommes les ministres, est celle de Dieu ; plus nous aimons notre auditeur, plus nous désirons le voir captivé par les vérités que nous lui présentons pour le sauver; notre insuccès nous afflige, et, dans le cours même de notre entretien, nous sentons notre ardeur s’affaiblir et s’éteindre, comme si elle s’épuisait en efforts superflus. Il arrive encore qu’on nous arrache à un devoir plus attrayant ou même plus impérieux que nous aurions aimé à accomplir: la recommandation d’une personne à qui nous ne voulons pas déplaire, une prière aussi pressante qu’impossible à décliner nous oblige à instruire un catéchumène; nous entreprenons avec dépit une tâche qui exige le plus grand sang-froid, en déplorant la nécessité où nous sommes d’interrompre la suite de nos occupations et de ne pouvoir suffire à tout;ce malaise se communique à notre discours, qui, sortant d’un fond aride de tristesse, ne peut jaillir avec abondance. Enfin, c’est quelquefois au moment même qu’un scandale nous afflige et nous consterne, que l’on vient nous dire: Voici une personne qui veut embrasser le christianisme, viens l’entretenir. Quand on nous parle ainsi, on ne connaît pas le chagrin intérieur qui nous dévore, et, si nous sommes réduits à ne pas découvrir notre peine, nous entreprenons à contre-coeur de satisfaire au désir exprimé; en passant par les replis d’un coeur sur lequel la tristesse répand ses feux et ses vapeurs, la parole perd son éclat et sa grâce. Voilà les causes de découragement qui troublent la sérénité de notre esprit : avec l’aide de Dieu, nous devons chercher les moyens de les combattre, afin de voir notre coeur s’épanouir, notre âme s’échauffer, et de mettre notre bonheur à remplir en paix un devoir sacré: « Car Dieu aime celui qui donne avec joie1».

  1. Sommes-nous abattus, en songeant que l’auditeur est incapable de s’élever jusqu’à nos conceptions, et que nous sommes réduits à quitter les crimes de la pensée, pour nous appesantir sur les lentes expressions qui n’en sont qu’un lointain reflet; à tirer de nos lèvres, sous la forme de périodes longues et compliquées, une idée que l’intelligence saisit et dévore par une intuition rapide? En voyant dans le langage une image si infidèle de la pensée, aimerions-nous mieux nous taire que de parler ?Réfléchissons alors à l’exemple que nous a laissé Celui dont nous devons suivre les traces2: car, quel que soit l’intervalle qui sépare le langage de l’intuition, il y a une différence plus profonde encore entre la chair périssable et celui qui est égal à Dieu. Or, « quoique étant dans la forme substantielle de Dieu, il s’est anéanti lui-même, en prenant la figure d’un esclave… ; il s’est rendu obéissant jusqu’à la mort de la croix3». Pourquoi donc « s’est-il rendu faible avec les faibles, sinon pour gagner les faibles4? »

Ecoute son imitateur s’écrier ailleurs: « Soit que nous paraissions passer les bornes en nous louant, c’est pour Dieu; soit que nous parlions de nous avec modération, c’est pour vous. Car l’amour de Jésus-Christ nous presse, considérant qu’un seul est mort pour tous 5». Et comment aurait-il été prêt à se sacrifier pour les âmes, s’il avait eu de la répugnance à se pencher vers leur oreille? Il s’est donc rendu petit parmi nous, comme une nourrice pleine de tendresse pour ses enfants6. Trouverait-on du plaisir à tronquer, à mutiler les mots, si un pareil jargon n’était inspiré par la tendresse?

Cependant on est heureux de rencontrer un petit enfant pour babiller avec lui. Une mère aime mieux triturer des aliments et les faire passer de sa bouche dans celle de son enfant, que de se rassasier elle-même de mets plus substantiels. Ayons donc toujours devant les yeux cette poule de l’Evangile, qui cache ses petits sous ses plumes tremblantes et, d’une voix fatiguée, rappelle sa bégayante couvée: malheur au poussin orgueilleux qui fuit ses tendres ailes ! il devient la pâture des oiseaux de proie7. L’élévation de la pensée pure a sans doute un vif attrait: mais n’y a-t-il pas aussi un grand charme à songer que, plus la charité sait s’abaisser avec complaisance, plus elle a de force pour se répandre dans le coeur où la ramène le témoignage qu’on se rend intérieurement, de n’aspirer qu’au salut éternel des âmes vers qui l’on s’abaisse?


  1. II Cor. IX, 7. ↩

  2. I Pet. II, 21. ↩

  3. Phil. II, 6, 8. ↩

  4. I Cor. IX, 22. ↩

  5. II Cor. V, 13, 14. ↩

  6. I Thess. II, 7. ↩

  7. Matt. XXIII, 37. ↩

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De catechizandis rudibus Compare
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Méthode pour enseigner aux catéchumènes les éléments du Christianisme
On the Catechising of the Uninstructed Compare
Vom ersten katechetischen Unterricht (BKV) Compare
Vom ersten katechetischen Unterricht (SKV 7) Compare
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On the Catechising of the Uninstructed - Introductory Notice

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