XXXIV.
Auguste, le fondateur de votre empire, ne permettait pas même qu'on le nommât seigneur: c'est le privilège de la divinité. Je consentirais cependant à lui déférer ce titre, pourvu que ce ne soit pas dans le même sens que je le donne à Dieu. Je ne suis point l'esclave de César. Mon unique seigneur, c'est le Dieu tout-puissant, le Dieu éternel, le maître de César, comme le mien. D'ailleurs, il est le père de la patrie; comment en serait-il le seigneur? Un nom qui respire la bonté et l'amour n'est-il pas préférable à un nom qui ne rappelle que des idées de puissance? Voyez les chefs de famille! ils en sont appelés les pères plutôt que les seigneurs. Le nom de dieu convient bien moins encore à l'empereur. Ce n'est qu'à la plus honteuse comme à la plus funeste flatterie qu'il appartient de le lui décerner. Tandis que vous avez un empereur, irez-vous saluer de ce titre quelqu'un de ses sujets? Par ce sanglant et impardonnable outrage, n'attireriez-vous pas la vengeance de l'empereur sur votre tête, peut-être même sur la tête de celui que vous auriez honoré de ce nom? Commencez par respecter la divinité, si vous voulez ménager à l'empereur sa protection! Cessez d'appeler dieu celui qui ne peut se passer de Dieu! Si cette basse et sacrilège adulation ne rougit pas de son imposture, qu'elle redoute les sinistres présages: c'est conspirer contre la vie de César que de le consacrer dieu avant son apothéose.