16.
Faut-il encore excepter certains mensonges qu'on ne doit point faire, même au risque de subir ces violences? Si cela est, on ne saurait dire que rien de ce qu'on fait pour éviter ces souillures n'est péché, puisqu'il y aurait certains mensonges qu'on ne pourrait dire sans se rendre plus coupable qu'un subissant les outrages en question. En effet si on cherche quelqu'un pour attenter à sa pudeur, et qu'il soit possible de le cacher à l'aide d'un mensonge, qui osera prétendre qu'on ne doive pas dire ce mensonge ? Mais s'il ne peut échapper qu'au prix d'un mensonge qui blesse la réputation d'un autre, qu'en accusant faussement un tiers du genre d'impureté qu'on veut faire subir au premier; par exemple si on nomme un homme chaste et étranger à toute espèce de crime de ce genre et qu'on dise : adresse-toi à lui, et il te procurera quelque chose de mieux pour assouvir ta passion, car c'est son goût et il s'y connaît, et que par là on puisse préserver celui qui était cherché en premier lieu : je ne sais s'il serait permis de blesser ainsi par un mensonge la réputation d'un homme pour sauver de l'outrage le corps d'un autre homme. Jamais on ne doit mentir en faveur de quelqu'un, quand c'est au détriment d'un tiers, bien que le dommage causé par le mensonge soit moindre que celui qu'on préviendrait en mentant. Il ne faut pas prendre de force le pain d'un homme plus vigoureux pour le donner à un plus faible, ni battre de verges un innocent malgré lui, pour faire éviter la mort à un autre. Il en serait autrement s'ils y consentaient; en ce cas, on ne leur ferait plus injure.
Mais est-il permis de détourner un attentat honteux du corps d'un homme, en accusant faussement un autre du même crime, même du consentement de celui-ci? c'est une grave question, et je ne sais s'il serait facile de prouver qu'il soit plus juste d'accuser faussement d'un tel crime celui qui consent à subir cette calomnie, que de faire subir ce déshonneur au corps d'un homme qui ne veut pas y consentir.