22.
Quoi donc ! si un homicide cherche asile chez un chrétien, ou que celui-ci connaisse le lieu de sa retraite et qu'il soit interrogé par celui qui cherche le meurtrier pour le mener au supplice: devra-t-il mentir ?Mais alors le mensonge ne couvre-t-il pas un péché, puisque celui pour qui on ment a commis un crime horrible ? Dira-t-on qu'on ne s'informe pas du péché, mais seulement de la retraite du coupable? Alors ce serait un mal de cacher un péché et non de cacher un pécheur ? Oui, sans doute, répondra-t-on . car ce n'est pas en évitant le supplice, mais en le méritant qu'on se rend coupable. Or c'est un point de doctrine qu'il ne faut désespérer de la conversion de personne, ni fermer à qui que ce soit la voie du retour, soit : mais si tu es conduit devant le juge et qu'il te demande où le coupable s'est réfugié; diras-tu : Il n'est pas là, où tu sais qu'il est ? diras-tu : Je n'en sais rien, je ne l'ai pas vu, quand tu sais et que -tu as vu ? Rendras-tu un faux témoignage, et tueras-tu ton âme pour arracher un homicide à la mort ? Ou bien mentiras-tu jusqu'à ce qu'on te mène devant le juge, et diras-tu la vérité quand celui-ci t'interrogera, afin de ne pas être faux témoin? Tu tueras donc un homme en trahissant sa retraite. Or l'Ecriture déclare aussi le traître détestable. Serait-ce qu'on n'est pas un traître, quand on répond la vérité aux questions d'un juge, et qu'on l'est quand on dénonce volontairement un criminel condamné à mort ? Mais si tu connais la retraite d'un juste, d'un innocent, condamné à mort par une autorité supérieure, et que tu sois interrogé là-dessus par un juge qui n'a pas fait la loi, mais est chargé de l'exécuter, le mensonge que tu diras en faveur de cet innocent cessera-t--il d'être faux témoignage, parce que celui qui t'interroge n'est pas ici le vrai juge, mais le simple exécuteur du jugement ? Et si c'est l'auteur même de la loi qui interroge, ou tout autre juge inique qui veut faire périr un innocent? que feras-tu? seras-tu faux témoin, ou traître? Celui qui dénonce de lui-même à un juge juste la retraite d'un homicide; et celui qui, interrogé par un juge injuste indique la retraite d'un innocent qu'on veut faire mourir et qui s'est confié à sa discrétion, né l'est-il plus? Balanceras-tu, hésiteras-tu entre le crime de faux témoignage et celui de trahison ? Eviteras-tu décidément l'un et l'autre en gardant le silence, ou en déclarant que tu ne diras rien ? Et pourquoi alors ne pas le faire avant de paraître devant le juge, et éviter ainsi même le mensonge ? En évitant le mensonge, tu éviteras aussi le faux témoignage, soit que tout mensonge soit faux témoignage ou non ; mais en évitant le faux témoignage tel que tu l'entends, tu n'éviteras pas tout mensonge. Combien n'y a-t-il pas plus de force, plus de vertu à dire : je ne trahirai ni ne mentirai !