25.
La première espèce, l'espèce capitale, celle qu'il faut éviter et fuir avant tout, c'est le mensonge en matière d'enseignement religieux; en aucun cas, on ne doit s'y prêter. Le second, c'est celui qui blesse injustement, celui qui nuit à quelqu'un sans servir à personne. Le troisième sert à l'un, nuit à l'autre, et n'empêche point la souillure du corps. Le quatrième n'a d'autre but que de dire faux et de tromper : c'est le mensonge tout pur. Le cinquième tend à plaire et à jeter de l'agrément dans le discours. Après ces cinq catégories qu'il faut absolument éviter et condamner, vient le sixième : le mensonge qui sert à quelqu'un et ne nuit à personne; comme par exemple quand quelqu'un connaissant le lieu où est cachée une somme qu'on voudrait prendre injustement, répond à qui s'en informe qu'il n'en sait rien. Le sixième ne nuit à personne et profite à quelqu'un, avec la différence que l'on est interrogé parle juge; comme par exemple si l'on ment pour ne pas trahir un homme destiné à la mort, non-seulement un homme juste et innocent, mais un criminel, par la raison que c'est un point de la doctrine chrétienne qu'on ne doit désespérer du salut de personne ni fermer à personne la voie du repentir. Nous avons traité assez longuement ces deux dernières espèces, qui prêtent matière à de grandes controverses et nous avons dit ce que nous en pensons, dans le but d'encourager les forts, les fidèles, les hommes et les femmes amis de la vérité, à les éviter et à supporter avec générosité et courage tous les inconvénients qui peuvent en résulter. La huitième espèce est le mensonge qui ne nuit à personne et sert à détourner de quelqu'un une souillure corporelle, mais seulement celle que nous avons indiquée plus haut. Car les Juifs regardaient comme une souillure de manger sans se laver les mains1. Que si on veut y en voir une, elle n'est cependant pas telle qu'on doive mentir pour l'éviter. Mais si le mensonge est de nature à faire tort à quelqu'un, dût-il d'ailleurs sauver un homme de ce genre de souillure que tout le monde abhorre et déteste; si on peut mentir quand l'injure qu'il cause est autre que l'espèce d'impureté dont il est question : c'est une autre affaire; car alors il ne s'agit plus du mensonge, mais bien de savoir s'il est permis, même en dehors de tout mensonge, de faire tort à quelqu'un pour détourner d'un tiers ce genre d'ignominie. Je ne le crois pas du tout, même quand on ne parlerait que de torts peu considérables, comme le vol d'un boisseau de blé dont il a été parlé plus haut, et quoiqu'il soit fort embarrassant de décider si nous ne devrions pas causer un dommage de ce genre, dans le cas où il serait possible d'exempter à ce prix d'un odieux attentat celui qui en serait menacé. Mais, je le répète, c'est là une autre question.
Revenons maintenant au point que nous voulions traiter, à savoir : s'il faut mentir lorsque le mensonge est la condition indispensable pour nous sauver d'un attentat contre la pudeur ou de quelque autre horrible souillure, quand d'ailleurs ce mensonge ne fera de tort à personne.
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Matt. XV, 2, 20. ↩