36.
Quant au faux témoignage, défendu par le Décalogue, on ne saurait en aucune façon prétendre qu'on peut le porter devant celui à qui l'on parle, pourvu que l'on garde en son cœur l'amour de la vérité. En effet quand on ne s'adresse qu'à Dieu, il suffit que le coeur reste fidèle à la vérité ; mais quand on parle à l'homme, il faut que la bouche du corps énonce aussi la vérité; parce que l'homme ne lit pas dans le coeur. Mais à ce sujet, il n'est pas déraisonnable de demander devant qui se joue le rôle de témoins. Ce n'est pas devant tous ceux à qui nous parlons, mais devant ceux qui doivent utilement ou nécessairement connaître ou croire la vérité par notre entremise: comme le juge, par exemple, qui doit éviter l'erreur dans ses jugements, ou celui qui reçoit l'enseignement religieux et qui a à craindre soit de se tromper en matière de la foi, soit d'être livré au doute, en vertu de l'autorité même de son maître. Mais quand un homme t'interroge dans le but de savoir de toi une chose qui ne le regarde pas, ou qu'il n'a aucun intérêt à connaître, ce n'est plus un témoin, mais un traître qu'il cherche. En lui répondant par un mensonge, tu échapperas peut-être à la qualification de faux témoin, mais non à celle de menteur.
Après avoir réservé qu'il n'est jamais permis de porter un faux témoignage, on demande s'il est quelquefois permis de mentir. Que si tout mensonge est un faux témoignage, il faut voir s'il n'y aurait pas compensation, par exemple, quand on le porte pour éviter un plus grand mal; comme le précepte écrit dans la loi : « Honore ton père et ta mère1 », est mis de côté quand il se trouve en présence d'un devoir plus important. C'est ainsi que le Seigneur lui-même défend à celui qu'il appelle à annoncer le royaume de Dieu, de rendre les honneurs de la sépulture à son père2.