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Contre le mensonge. À consentius
22.
Quant au saint roi David, on pourrait dire avec plus de raison qu'il n'aurait pas dû se fâcher, même contre un ingrat qui rendait le mal pour le bien; et à supposer que la colère l'eût gagné puisqu'il était homme , qu'elle ne devait pas néanmoins lui faire prononcer un serment qu'il ne pouvait accomplir sans cruauté ni violer sans parjure. Mais pour ce juste placé au milieu des fureurs impudiques des habitants de Sodome, qui aurait eu le courage de lui dire: Quand même tes hôtes, des étrangers que tu as forcés à entrer chez toi par un excès d'humanité, seraient saisis par ces impudiques et subiraient des violences qui ne s'infligent qu'à des femmes, ne crains rien, ne t'inquiète pas, ne t'effraie pas, ne frémis pas, ne tremble pas ? Quel homme, fût-ce même le complice de ces vils débauchés, eût osé tenir ce langage à ce pieux observateur des lois de l'hospitalité ? Mais on aurait eu évidemment toute raison de lui dire : Fais ton possible pour éviter un mal que tu dois réellement craindre; mais que la crainte ne te domine pas jusqu'à te mettre dans l'alternative d'être ou l'auteur du crime que tes filles commettront si elles consentent aux vues des Sodomites; ou l'auteur de la violence qu'elles subiront, si elles n'y consentent pas. Ne commets pas toi-même un grand péché, pour en éviter un plus grand de la part des autres, car quelque distance qu'il y ait entre ton péché et le leur, l'un est le tien et l'autre t'est étranger.
A moins que pour disculper ce juste, on ne se mette dans l'embarras et qu'on ne dise: Comme il vaut mieux souffrir l'injure que de la faire et que ces étrangers l'eussent subie, et non commise ; cet homme juste, en vertu de son droit paternel, a mieux aimé voir l’outrage retomber sur ses filles que sur ses hôtes; il savait qu'en ce cas elles ne pécheraient pas, parce qu'elles subiraient, sans pécher elles-mêmes, un péché auquel elles ne donneraient aucun consentement. Ensuite ce ne sont pas elles qui se sont offertes au déshonneur, elles femmes, en place d'hommes, de ces hôtes; elles eussent craint de se rendre coupables, non en subissant passivement une violence étrangère, mais en y donnant un consentement volontaire. Le père non plus n'a point permis sur sa propre personne l'outrage de la part de ceux auxquels il ne voulait point livrer ses hôtes, quoique le crime eût été moindre sur un que sur deux; mais il résistait de tout son pouvoir, pour ne point se souiller lui-même par aucune espèce de consentement, et si la passion furieuse l'eût emporté sur ses forces physiques, cependant en refusant son assentiment, il fût resté innocent du péché d'autrui. Et si ses filles eussent résisté, il n'eût point été coupable en elles, parce qu'il n'eût été cause que d'une violence passive de leur part et non d'une faute volontaire; à peu près comme s'il eût offert à ces scélérats de tuer ses serviteurs au lieu de ses hôtes. Du reste, un maître a-t-il de tels droits sur son serviteur qu'il puisse le livrer à la mort, quoiqu'innocent, pour épargner à son ami, également innocent et devenu son hôte, les mauvais traitements de quelques malfaiteurs ? c'est une question que je ne discuterai pas, parce qu'elle demanderait de trop longs développements. Mais du moins on peut dire en toute assurance que David ne devait point jurer de faire ce qu'il devait plus tard reconnaître illicite. D'où il résulte que nous ne devons pas imiter tout ce que nous lisons de la conduite des saints et des justes; et nous pouvons voir quelle étendue et quelle portée ont ces paroles de l'Apôtre : « Mes frères, si un homme est tombé par surprise dans quelque faute, vous qui êtes spirituels, instruisez-le en esprit de douceur, regardant à toi-même, de peur que toi aussi tu ne sois tenté1 » Or ces chutes par surprise ont lieu quand on ne voit pas sur l'heure même ce qu'il faut faire, ou qu'on le voit et qu'on succombe, en sorte que le péché se commet faute de voir la vérité, ou par l'effet de la faiblesse humaine.
Gal. VI, 1. ↩
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Against Lying
22.
And to holy David indeed it might more justly be said, that he ought not to have been angry; no, not with one however ungrateful and rendering evil for good; yet if, as man, anger did steal over him, he ought not to have let it so prevail, that he should swear to do a thing which either by giving way to his rage he should do, or by breaking his oath leave undone. But to the other, set as he was amid the libidinous frenzy of the Sodomites, who would dare to say, "Although thy guests in thine own house, whither to enter in thou by most violent humanity hast compelled them, be laid hold upon by lewd men, and being deforced be carnally known as women, fear thou not a whit, care for it not a whir, have no dread, no horror, no trembling?" What man, even a companion of those wretches, would dare to say this to the pious host? But assuredly it would be most rightly said, "Do what thou canst, that the thing be not done which thou deservedly fearest: but let not this fear of thine drive thee to do a thing which if thy daughters be willing that it be done unto them, they will through thee do wickedness with the Sodomites, if unwilling, will through thee from the Sodomites suffer violence. Commit not thou a great crime of thine own, while thou dreadest a greater crime of other men; for be the difference as great as thou wilt between thine own and that of others, this will be thine own, that other men's." Unless perchance in defending this man one should so crowd himself into a corner, as to say, "Since to receive a wrong is better than to do one, and those guests were not about to do but to suffer a wrong, that just man chose that his daughters should suffer wrong rather than his guests, acting upon his rights as his daughters' lord; and he knew that it would be no sin in them if the thing were done, because they would but bear them which did the sin, not consenting unto them, and so without sin of their own. In fine, they did not offer themselves (albeit better females than males) to be carnally known instead of those guests, lest they should be rendered guilty, not by the suffering of others' lust, but by consenting of their own will: nor yet did their father permit it to be done unto himself, when they essayed to do it, because he would not betray his guests to them, (albeit there had been less of evil, if it were done to one man than to two;) but as much as he could he resisted, lest himself also should be defiled by any assent of his own, though even if the frenzy of others' lust had prevailed by strength of body, it would not have defiled him so long as he consented not. Now as the daughters sinned not, neither did he sin in their persons, because he was not making them to sin, if they should be deforced against their will, but only to bear them that did the sin. Just as if he should offer his slaves to be beaten by ruffians, that his guests might not suffer the wrong of beating." Of which matter I shall not dispute, because it would take long to argue, whether even a master may justly use his right of power over his slave, so as to cause an unoffending slave to be smitten, that his unoffending friend may not be beaten in his house by violent bad men. But certainly, as concerning David, it is no wise right to say that he ought to have sworn to do a thing which afterwards he would perceive that he ought not to do. Whence it is clear that we ought not to take all that we read to have been done by holy or just men, and transfer the same to morals, but hence too we must learn how widely that saying of the Apostle extends, and even to what persons it reaches: "Brethren, if a man be overtaken in a fault, ye which are spiritual restore such an one in the spirit of meekness, considering thyself also, lest thou be tempted." 1 The being overtaken in a fault happens, either while one does not see at the time what is right to be done, or while, seeing it, one is overcome; that is, that a sin is done, either for that the truth is hidden, or for that infirmity compelleth.
Gal. vi. 1 ↩