39.
« Mais », dira-t-on, « c'est pour les parfaits qu'est la nourriture1 ». On permet en effet aux infirmes bien des choses qui ne sont pas du goût de la pure vérité. — Permis de dire cela, à celui qui ne redoute point les conséquences de la moindre concession faite au mensonge. Cependant on ne peut en aucun cas permettre que le mensonge aille jusqu'au parjure et au blasphème; il n'y a pas de prétexte possible pour s'autoriser à commettre le parjure, ou, ce qui est plus affreux encore; à blasphémer Dieu. Car, pour blasphémer en mentant, on n'en blasphème pas moins. Autrement on pourrait dire que le parjure n'existe pas, puisqu'il n'y a pas de parjure sans mensonge. En effet, comment se parjurer en disant la vérité? De même personne ne peut blasphémer par la vérité. Sans doute le faux serment est moins répréhensible quand on ignore que ce que l'on jure est faux et qu'on le croit vrai ; comme Saul était plus excusable de blasphémer, parce qu'il le faisait par ignorance2. Si le blasphème est pire que le parjure, c'est que par le parjure on prend Dieu à témoin d'une chose fausse , et par le blasphème on dit une chose fausse de Dieu lui-même. Or le parjure et le blasphème sont d'autant moins excusables qu'on sait mieux, qu'on est mieux convaincu que ce que l'on affirme par le parjure ou par le blasphème est faux. Donc celui qui,prétend qu'on doit mentir pour le salut ou la vie temporelle d'un homme, est à une grande distance du chemin du salut et de la vie éternelle, s'il va jusqu'à dire qu'on petit, dans ce cas, jurer par Dieu ou blasphémer Dieu.