CHAPITRE VIII. IL EST ÉVIDENT QUE L'APÔTRE PARLE DU TRAVAIL MANUEL.
9. Plus clairement encore l'Apôtre enchaîne les affirmations qui vont suivre, et d'avance il clôt absolument tous les faux-fuyants du doute. « Si nous avons jeté parmi vous, dit-il, les semences des choses spirituelles, est-ce donc merveille que nous recueillions de vos biens charnels1 ? » Or, quelles sont les choses spirituelles semées par l'Apôtre, sinon la parole et le saint mystère du royaume des cieux? Et quels sont les biens charnels qu'il prétend avoir droit de moissonner, sinon ces biens corporels que le ciel nous accorde pour notre vie présente et les besoins de notre chair? Oui, voilà son dû, et voilà aussi ce qu'il déclare n'avoir ni demandé ni accepté des Corinthiens, de peur de créer quelque obstacle à l'Evangile de Jésus-Christ. En faut-il davantage pour nous convaincre que, s'il a travaillé pour gagner sa nourriture, ce travail fut vraiment un ouvrage corporel, visiblement exécuté par les mains de son corps? En effet, s'il n'avait demandé qu'au travail spirituel le vivre et le couvert, je veux dire, s'il avait reçu le nécessaire par les offrandes de ses chers prosélytes, il aurait bien mauvaise grâce à leur dire : « Si d'autres usent de ce pouvoir à votre égard, pourquoi ne pourrions-nous pas en user plutôt qu'eux ? Mais nous n'avons point usé de ce pouvoir; au contraire, nous préférons tout endurer pour n'apporter aucun obstacle à l'Evangile de Jésus-Christ2 ». Quel est ce pouvoir dont l'Apôtre affirme n'avoir point usé, sinon le droit que Dieu lui avait accordé sur les fidèles, de recueillir une part de leurs biens charnels pour entretenir en lui cette vie même que nous passons dans notre chair?
Ce pouvoir, d'ailleurs, n'appartenait pas exclusivement à ceux qui furent les premiers à leur annoncer l'Evangile; il s'étendait aussi aux prédicateurs qui visitèrent plus tard leur église et y prêchèrent. Aussi, après avoir dit : « Si nous avons jeté chez vous les semences des biens spirituels, est-ce donc merveille à nous de recueillir vos biens charnels? » L'Apôtre ajoute : « Si d'autres usent de ce pouvoir à votre égard, pourquoi pas nous, plutôt qu'eux? » Et après avoir indiqué la nature de ce pouvoir donné à tous, il continue : « Mais nous n'avons point usé de ce pouvoir; et nous préférons tout endurer pour n'apporter aucun obstacle à l'Evangile de Jésus-Christ3 ».
Maintenant, que nos adversaires nous expliquent comment l'Apôtre trouvait sa subsistance corporelle dans ses seuls travaux spirituels, lorsqu'il déclare lui-même hautement n'avoir point usé de ce pouvoir! Mais aussi, dès qu'il ne gagnait point sa vie par les travaux spirituels, il reste à avouer qu'il se la gagnait par les travaux corporels, et qu'il a pu dire en conséquence : « Et nous n'avons mangé gratuitement le pain de personne; mais nous avons travaillé jour et nuit avec peine et avec fatigue, pour n'être à charge à aucun de vous ».
« Ce n'est pas que nous n'en eussions le pou« voir; mais c'est que nous avons voulu nous donner nous-mêmes pour modèle, afin que vous nous imitassiez4 ». « Car nous supportons tout, ajoute-t-il, pour ne point créer d'obstacle à l'Evangile de Jésus-Christ5 ».