CHAPITRE VII. POURQUOI LES DÉMONS TANTÔT SE TAISENT SUR LEURS PROPRES MALHEURS, ET TANTÔT LES PUBLIENT.
Ils sont chassés, en effet, lui et ses pareils; ou bien, paf les ordres suprêmes, ils sont enchaînés et arrachés des lieux mêmes de leur domaine, afin que sur les choses sujettes jusqu'alors à leur empire et servant à leur culte, désormais s'accomplisse la volonté de Dieu qui, depuis tant de siècles, a prédit cette révolution comme déviant s'opérer chez tous les peuples et qui a même commandé qu'elle s'exécutât par la main de ses fidèles. Or, pourquoi le démon n'aurait-il pas eu la permission de prédire un coup dont il se savait déjà menacé? En effet cette prédiction de sa ruine était attestée par les Prophètes qui l'avaient écrite tout au long; Dieu d'ailleurs, rayait donnée à pressentir aux hommes sages en leur recommandant de se garer des fourberies des démons et de fuir leur culte. Ces malins esprits, après avoir, pendant de longs siècles, gardé le silence dans leurs temples sur des faits dont ils ne pouvaient ignorer la prédiction par les Prophètes comprirent leur prochain accomplissement et voulurent se donner l'air de les prédire, de peur de passer pour des ignorants et des vaincus. Cette ruine avait donc été depuis longtemps et prédite et écrite; et pour n'en point donner d'autres preuves, je ne citerai que ces paroles du prophète Sophronie : « Dieu prévaudra contre eux, il exterminera tous les dieux des nations de la terre, et lui-même sera adoré par chacun dans son pays, par toutes les îles des nations1 ».
Or, de deux choses, l'une
1° Vénérés dans les temples des Gentils, peut-être les démons ne croyaient-ils pas à l'accomplissement de ces oracles, et c'est pour cela qu'ils ne voulurent pas les publier par leurs devins et leurs illuminés fanatiques. C'est ainsi qu'un de leurs poètes nous montre Junon n'ayant point une foi absolue à ce que Jupiter avait prédit sur le mont de Turnus. Cette Junon, que l'on aime à nommer chez eux la puissance de l'air, parle ainsi dans Virgile : « Aujourd'hui un bien rude coup menace la tête innocente de Turnus; ce coup, je le vois venir, ou je m'abuse. Ah ! puissè-je être le jouet de vaines alarmes ! Et vous, qui le pouvez, que ne changez-vous en l'adoucissant un arrêt si rigoureux2 ! » — Je dis donc : Ou bien ces prédictions, qu'ils savaient avoir été faites par les prophètes, les démons, ces puissances aériennes, doutant de leur accomplissement, les regardaient comme simplement possibles, et, par suite, ils ne voulurent point- en publier l'oracle; — et ce silence donne la mesure de leur caractère;
2° Ou bien, au contraire, sachant à n'en point douter qu'elles se réaliseraient, ils se sont tus dans leurs temples pour cette raison même, de peur de se voir dès lors abandonnés et méprisés par les hommes intelligents, puisque le renversement de leurs temples et de leurs idoles eût été attesté par les prophètes mêmes qui défendaient de les honorer.
Mais, de nos jours, le temps.; était venu où déjà s'accomplissaient les oracles des prophètes de ce Dieu unique, qui déclare les démons autant de faux dieux et interdit très-sévèrement leur culte : pourquoi, dès lors, connaissant le décret de leur ruine, les démons n'auraient-ils pas reçu la permission de la prédire et de montrer ainsi avec évidence ou qu'ils n'y ont point cru auparavant, ou qu'ils ont craint de l'annoncer à leurs adorateurs? Et cette prédiction, enfin, dans leur intention, ne prouvait-elle pas que n'ayant désormais rien à faire de mieux, ils ont voulu du moins se montrer devins habiles, et à l'heure même où les faits venaient les convaincre d'avoir longtemps usurpé les honneurs divins?
