CHAPITRE XI. APPRENDRE LES LETTRES DANS UN BUT TEMPOREL.
12. Pourquoi êtes-vous allé à l'école? pourquoi avez-vous été frappé, conduit par vos parents, recherché dans votre fuite, ramené par force et appliqué à l'instrument de pénitence? Pourquoi avez-vous été frappé ? pourquoi toutes ces violences que vous avez dû subir dans votre jeunesse? Pour vous forcer d'apprendre. Qu'appreniez-vous ? Les lettres. Pourquoi? pour acquérir des richesses, ou des honneurs et parvenir aux plus hautes dignités. Voyez comme une simple chose qui doit périr, doit entraîner également votre perdition ; combien de souffrances vous avez subies pour apprendre une chose périssable, et pourtant vous étiez réellement aimé de celui qui vous soumettait à ces rudes épreuves ; celui qui vous faisait frapper vous aimait, et l'on vous frappait pour vous forcer à apprendre quoi ? les lettres. Les lettres sont-elles bonnes? Sans aucun doute. Je sais que vous allez me dire vous autres, évêques, n'avez-vous pas lu les lettres ? ne traitez-vous pas maintenant des saintes Ecritures à l'aide de la littérature ? Assurément; mais ce n'est pas précisément dans ce but que nous avons appris les lettres. Nos parents, quand ils nous envoyaient à l'école, ne nous disaient pas : Apprenez les lettres afin que vous puissiez lire les lois du Seigneur. Même les chrétiens ne tiennent pas ce langage à leurs enfants. Que leur disent-ils? Apprenez les lettres. Pourquoi ? Afin que vous soyez hommes. Et pourquoi donc? Est-ce que je suis un animal? Non, mais je vous dis d'apprendre afin que vous deveniez homme, c'est-à-dire afin que vous puissiez briller parmi les hommes. De là ce proverbe : Plus vous aurez, plus vous serez grand. Ayez donc autant que les autres, ou autant que le petit nombre ; plus que les autres ou plus que le petit nombre ; à ce prix vous obtiendrez des honneurs et des dignités. Et que deviendra tout cela quand la mort aura sonné son heure? La mort serait-elle un stimulant, et cette crainte une puissante excitation? Comment ce mot que je viens de prononcer a-t-il le privilège de frapper tous les coeurs ? Comment vos gémissements viennent-ils attester la crainte qui vous obsède? J'ai entendu, parfaitement entendu; vous avez gémi, vous craignez la mort. Si vous la craignez, pourquoi ne l'évitez-vous pas? Vous craignez la mort; pourquoi craignez-vous? Elle viendra; que je la craigne, que je ne la craigne pas, elle viendra; tôt ou tard elle viendra. Quoique vous la craigniez, vous ne ferez pas que vous n'ayez plus rien à craindre.