Übersetzung
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La cité de dieu
CHAPITRE V.
DES TROIS ESPECES DE THEOLOGIES DISTLNGUEES PAR VARRON, L’UNE MYTHIQUE L’AUTRE NATURELLE, ET L’AUTRE CIVILE.
Que signifie-cette division de la théologie ou science des dieux en trois espèces: l’une mythique, l’autre physique, et l’autre civile ? Le nom de théologie fabuleuse conviendrait assez à la première espèce, mais je veux bien l’appeler mythique, du grec muthos, qui signifie fable. Appelons aussi la seconde espèce indifféremment physique ou naturelle, puisque l’usage l’autorise1 et, quant à la troisième espèce, à-la théologie politique, nommée par Varron civile, il n’y a pas de difficulté. Voici comment il s’explique à cet égard: « On appelle mythique la théologie des poètes, physique, celle des philosophes, et civile, celle des peuples».— « Or», poursuit-il, « dans la première espèce de théologie, il se rencontre beaucoup de fictions contraires à la dignité et à la nature des dieux immortels, comme, par exemple, la naissance d’une divinité qui sort du cerveau d’une autre divinité, ou de sa cuisse, ou de quelques gouttes de son sang ; ou bien encore un dieu voleur, un dieu adultère, un dieu serviteur de l’homme. Et pour tout dire, on y attribue aux dieux tous les désordres où tombent les hommes et même les hommes les plus infâmes2 ». Ainsi, quand Varron le peut, quand il l’ose, quand il parle avec la certitude de l’impunité, il s’explique sans détour sur l’injure faite à la divinité par les fables mensongères; car il ne s’agit pas ici de la théologie naturelle ou de la théologie civile, mais seulement de la théologie mythique, et c’est pourquoi il a cru pouvoir la censurer librement. Voyons maintenant son opinion sur la théologie naturelle : « La seconde espèce de théologie que j’ai distinguée, dit-il, a donné matière à un grand nombre de livres où les philosophes font des recherches suries dieux, sur leur nombre, le lieu de leur séjour, leur nature et leurs qualités : sont-ils éternels ou ont-ils commencé? tirent-ils leur origine du feu, comme le croit Héraclite, ou des nombres, suivant le système de Pythagore, ou des atomes, ainsi qu’Épicure le soutient? et autres questions semblables, qu’il est plus facile de discuter dans l’intérieur d’une école que dans le forum ». On voit que Varron ne trouve rien à redire dans cette théologie naturelle, propre aux philosophes; il remarque seulement la diversité de leurs opinions, qui a fait naître tant de sectes opposées, et cependant il bannit la théologie naturelle du forum et la renferme dans les écoles, tandis qu’il n’interdit pas au peuple la première espèce de théologie, qui est toute pleine de mensonges et d’infamies. O chastes oreilles du peuple, et surtout du peuple romain! elles ne peuvent entendre les discussions des philosophes sur les dieux immortels; mais que les poètes chantent leurs fictions, que- des histrions les jouent, que la nature des dieux soit altérée, que leur majesté soit avilie par des récits qui les font- tomber au niveau des hommes les, plus infâmes, on supporte tout cela; que dis-je? on l’écoute avec joie ; et on s’imagine que ces scandales sont agréables aux dieux et contribuent à les rendre favorables!
On me dira peut-être: Sachons distinguer la théologie mythique ou fabuleuse et la théologie physique ou naturelle de la théologie civile, comme fait Varron lui-même, et cherchons ce qu’il pense de celle-ci. Je réponds qu’en effet il y a de bonnes raisons de mettre à part la théologie fabuleuse : c’est qu’elle est fausse, c’est qu’elle est infâme, c’est qu’elle est indigne; mais séparer la théologie naturelle de la théologie civile, n’est-ce pas avouer que la théologie civile est fausse? Si, en effet, la théologie civile est conforme à la nature, pourquoi écarter la théologie naturelle? Si elle ne lui est pas conforme, à quel titre la reconnaître pour vraie-? Et voilà pourquoi Varron a fait passer les choses humaines avant les choses divines; c’est qu’en traitant de celles-ci, il ne s’est pas conformé à la nature des dieux, mais aux institutions des hommes. Examinons toutefois cette théologie civile: « La troisième espèce de théologie, dit-il, est celle que les citoyens, et surtout les prêtres, doivent connaître et pratiquer. Elle consiste à savoir quels sont les dieux qu’il faut adorer publiquement, et à quelles cérémonies, à quels sacrifices chacun est, obligé». Citons encore ce qu’ajoute Varron : «La première espèce de théologie convient au théâtre, la seconde au monde, la troisième à la cité». Qui ne voit à laquelle des trois il donne la préférence? Ce ne peut être qu’à la seconde, qui est celle des philosophes. Elle se rapporte en effet au monde, et, suivant les philosophes, il n’y a rien de plus excellent que le monde. Quant aux deux autres espèces de théologie, celle du théâtre et celle de la cité, on ne sait s’il les distingue ou s’il les confond. En effet, de ce qu’un ordre de choses appartient à la cité, il ne s’ensuit pas qu’il appartienne au monde, quoique la cité soit dans le monde, et il peut arriver que sur de fausses opinions on croie et on adore dans la cité des objets qui ne sont ni dans le monde, ni hors du monde. Je demande en outre où est le théâtre, sinon dans la cité? et pourquoi on l’a établi, sinon à cause des jeux scéniques? et à quoi se rapportent les jeux scéniques, sinon aux choses divines, qui ont tant exercé la sagacité de Varron?
Edition
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De civitate Dei (CCSL)
Caput V: De tribus generibus theologiae secundum Varronem, id est uno fabuloso, altero naturali tertioque ciuili.
Deinde illud quale est, quod tria genera theologiae dicit esse, id est rationis quae de dis explicatur, eorumque unum mythicon appellari, alterum physicon, tertium ciuile? Latine si usus admitteret, genus, quod primum posuit, fabulare appellaremus; sed fabulosum dicamus; a fabulis enim mythicon dictum est, quoniam μῦθος Graece fabula dicitur. secundum autem ut naturale dicatur, iam et consuetudo locutionis admittit. tertium etiam ipse Latine enuntiauit, quod ciuile appellatur. deinde ait: mythicon appellant, quo maxime utuntur poetae; physicon, quo philosophi; ciuile, quo populi. primum, inquit, quod dixi, in eo sunt multa contra dignitatem et naturam inmortalium ficta. in hoc enim est, ut deus alius ex capite, alius ex femore sit, alius ex guttis sanguinis natus; in hoc, ut di furati sint, ut adulterarint, ut seruierint homini; denique in hoc omnia dis adtribuuntur, quae non modo in hominem, sed etiam quae in contemptissimum hominem cadere possunt. hic certe ubi potuit, ubi ausus est, ubi inpunitum putauit, quanta mendacissimis fabulis naturae deorum fieret iniuria, sine caligine ullius ambiguitatis expressit. loquebatur enim non de naturali theologia, non de ciuili, sed de fabulosa, quam libere a se putauit esse culpandam. uideamus quid de altera dicat. secundum genus est, inquit, quod demonstraui, de quo multos libros philosophi reliquerunt; in quibus est, di qui sint, ubi, quod genus, quale; a quodam tempore an a sempiterno fuerint di; ex igni sint, ut credit Heraclitus, an ex numeris, ut Pythagoras, an ex atomis, ut ait Epicurus. sic alia, quae facilius intra parietes in schola quam extra in foro ferre possunt aures. nihil in hoc genere culpauit, quod physicon uocant et ad philosophos pertinet, tantum quod eorum inter se controuersias commemorauit, per quos facta est dissidentium multitudo sectarum. remouit tamen hoc genus a foro, id est a populis; scholis uero et parietibus clausit. illud autem primum mendacissimum atque turpissimum a ciuitatibus non remouit. o religiosas aures populares atque in his etiam Romanas. quod de dis inmortalibus philosophi disputant, ferre non possunt; quod uero poetae canunt et histriones agunt, quia contra dignitatem ac naturam inmortalium ficta sunt, quia non modo in hominem, sed etiam in contemptissimum hominem cadere possunt, non solum ferunt, sed etiam libenter audiunt. neque id tantum, sed dis quoque ipsis haec placere et per haec eos placandos esse decernunt. dixerit aliquis: haec duo genera mythicon et physicon, id est fabulosum atque naturale, discernamus ab hoc ciuili, de quo nunc agitur, unde illa et ipse discreuit, iamque ipsum ciuile uideamus qualiter explicet. uideo quidem, cur debeat discerni fabulosum: quia falsum, quia turpe, quia indignum est. naturale autem a ciuili uelle discernere quid est aliud quam etiam ipsum ciuile fateri esse mendosum? si enim illud naturale est, quid habet reprehensionis, ut excludatur? si autem hoc quod ciuile dicitur naturale non est, quid habet meriti, ut admittatur? haec nempe illa causa est, quare prius scripserit de rebus humanis, posterius de diuinis, quoniam in diuinis rebus non naturam, sed hominum instituta secutus est. intueamur sane et ciuilem theologian. tertium genus est, inquit, quod in urbibus ciues, maxime sacerdotes, nosse atque administrare debent. in quo est, quos deos publice, quae sacra ac sacrificia colere et facere quemque par sit. adhuc quod sequitur adtendamus. prima, inquit, theologia maxime adcommodata est ad theatrum, secunda ad mundum, tertia ad urbem. quis non uideat, cui palmam dederit? utique secundae, quam supra dixit esse philosophorum. hanc enim pertinere testatur ad mundum, quo isti nihil esse excellentius opinantur in rebus. duas uero illas theologias, primam et tertiam, theatri scilicet atque urbis, distinxit an iunxit? uidemus enim non continuo, quod est urbis, pertinere posse et ad mundum, quamuis urbes esse uideamus in mundo; fieri enim potest, ut in urbe secundum falsas opiniones ea colantur et ea credantur, quorum in mundo uel extra mundum natura sit nusquam: theatrum uero ubi est nisi in urbe? quis theatrum instituit nisi ciuitas? propter quid instituit nisi propter ludos scaenicos? ubi sunt ludi scaenici nisi in rebus diuinis, de quibus hi libri tanta sollertia conscribuntur?