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La cité de dieu
CHAPITRE XVI.
S’IL EST RAISONNABLE AUX PLATONICIENS DE CONCEVOIR LES DIEUX COMME ÉLOIGNÉS DE TOUT COMMERCE AVEC LA TERRE ET DE TOUTE COMMUNICATION AVEC LES HOMMES, DE FAÇON A RENDRE NÉCESSAIRE L’INTERCESSION DES DÉMONS.
Rien n’est moins vrai que cette maxime attribuée par Apulée à Platon1 : « Aucun dieu ne communique avec l’homme ». Apulée ajoute que la principale marque de la grandeur des dieux, c’est de n’être jamais souillés du contact des hommes2. Il avoue donc que les démons en sont souillés, et dès lors il est impossible qu’ils rendent purs ceux qui les souillent, de sorte que les démons, par le contact des hommes, et les hommes, par le culte des démons, deviennent également impurs. A moins qu’on ne dise que les démons peuvent entrer en commerce avec les hommes sans en recevoir aucune souillure; mais alors les démons valent mieux que les dieux, puisqu’on dit que les dieux seraient souillés par le commerce des hommes, et que leur premier caractère, c’est d’habiter loin de la terre à une telle hauteur qu’aucun contact humain ne peut les souiller. Apulée affirme encore que le Dieu souverain, Créateur de toutes choses, qui est pour nous le vrai Dieu, est le seul, suivant Platon, dont aucune parole humaine ne puisse donner la plus faible idée; à peine est-il réservé aux sages, quand ils se sont séparés du corps autant que possible par la vigueur de leur esprit, de concevoir Dieu, et cette conception est comme un rapide éclair qui fait passer un rayon de lumière à travers d’épaisses ténèbres. Or, s’il est vrai que ce Dieu, vraiment supérieur à toutes choses, soit présent à l’âme affranchie des sages d’une façon intelligible et ineffable, même pour un temps, même dans le plus rapide éclair, et si cette présence ne lui est point une souillure, pourquoi placer les dieux à une distance si grande de la terre, sous prétexte de ne point les souiller par le contact de l’homme ? Et puis, ne suffit-il pas de voir ces corps célestes dont la lumière éclaire la terre autant qu’elle en a besoin? Or, si les astres, qu’Apulée prétend être des dieux visibles, ne sont point souillés par notre regard, pourquoi les démons le seraient-ils, quoique vus de plus près? A moins qu’on n’aille s’imaginer que les dieux seraient souillés, non par le regard des hommes, mais par leur voix, et que c’est pour cela sans doute que les démons habitent la région moyenne, afin que la voix humaine soit transmise aux dieux sans qu’ils en reçoivent aucune souillure. Parlerai-je des autres sens ? Les dieux, s’ils étaient présents sur la terre, ne seraient pas plus souillés par l’odorat que ne le sont les démons par les vapeurs des corps humains, eux qui respirent sans souillure l’odeur fétide qu’exhalent dans les sacrifices les cadavres des Victimes immolées. Quant au goût, comme les dieux n’ont pas besoin de manger pour entretenir leur vie, il n’y a point à craindre que la faim les oblige à demander aux hommes des aliments. Reste le toucher, qui dépend de la volonté. Je sais qu’en parlant du contact des êtres, on a surtout en vue le toucher; mais qu’est-ce qui empêcherait les dieux d’entrer en commerce avec les hommes, de les voir et d’en être vus, de les entendre et d’en être entendus, et tout cela sans les toucher ? Les hommes n’oseraient pas désirer une faveur si particulière, jouissant déjà du plaisir de voir les dieux et de les entendre; et supposé que la curiosité leur donnât cette hardiesse, comment s’y prendraient-ils pour toucher un dieu ou un démon, eux qui ne sauraient toucher un passereau sans l’avoir fait prisonnier?
Les dieux pourraient donc fort bien communiquer corporellement aux hommes par la voix et par la parole. Car prétendre que ce commerce les souillerait, quoiqu’il ne souille pas les démons, c’est avancer, comme je l’ai dit plus haut, que les dieux peuvent être souillés et que les démons ne sauraient l’être. Que si l’on prétend que les démons en reçoivent une souillure, en quoi dès lors servent-ils aux hommes pour acquérir la félicité après cette vie, leur propre souillure s’opposant à ce qu’ils rendent les hommes purs et capables d’union avec les dieux ? Or, s’ils ne remplissent pas cet objet spécial de leur médiation, elle devient absolument inutile; et je demande alors si leur action sur les hommes ne consisterait pas, non à les faire passer après la mort dans le séjour des dieux, mais à les garder avec eux, couverts des mêmes souillures et condamnés à la même misère. A moins qu’on ne s’avise de dire que les démons, semblables à des éponges, nettoient les hommes de telle façon qu’ils deviennent eux-mêmes d’autant plus sales qu’ils rendent les hommes plus purs. Mais, s’il en est ainsi, il en résultera que les dieux qui ont évité le commerce des hommes de crainte de souillure, seront infiniment plus souillés par celui des démons. Dira-t-on qu’il dépend peut-être des dieux de purifier les démons souillés par les hommes sans se souiller eux-mêmes, ce qu’ils n’ont pas le pouvoir de faire à l’égard (189) des hommes ? Qui pourrait penser de la sorte, à moins d’être totalement aveuglé par les démons ? Quoi ! si l’on est souillé, soit pour voir, soit pour être vu, voilà les dieux, d’une part, qui sont nécessairement vus par les hommes, puisque, suivant Apulée, les astres et tous ces corps célestes que le poète appelle les flambeaux éclatants de l’univers3, sont des dieux visibles; et, d’un autre côté, voilà les démons qui, n’étant vus que si cela leur convient, sont à l’abri de cette souillure ! Ou si l’on n’est pas souillé pour être vu, mais pour voir, que les Platoniciens alors ne nous disent pas que les astres, qu’ils croient être des dieux, voient les hommes quand ils dardent leurs rayons sur la terre. Et cependant ces rayons se répandent sur les objets les plus immondes sans en être souillés : comment donc les dieux le seraient-ils pour communiquer avec les hommes, alors même qu’ils seraient obligés de les toucher pour les secourir ? Les rayons du soleil et de la lune touchent la terre, et leur lumière n’en est pas moins pure.
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Ce passage ne prouve-t-il pas que saint Augustin n’avait point sous les yeux les Dialogues, et ne citait guère Platon que sur la foi des Platoniciens latins? La maxime ici discutée est textuellement dans le Banquet. Voyez le discours de Diotime, trad. de M. Cousin, t. VI, p. 299. ↩
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De deo Socr., p. 44. ↩
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Virgile, Géorgiques, livre I, vers 5, 6. ↩
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The City of God
Chapter 16.--Whether It is Reasonable in the Platonists to Determine that the Celestial Gods Decline Contact with Earthly Things and Intercourse with Men, Who Therefore Require the Intercession of the Demons.
That opinion, which the same Platonist avers that Plato uttered, is not true, "that no god holds intercourse with men." 1 And this, he says, is the chief evidence of their exaltation, that they are never contaminated by contact with men. He admits, therefore, that the demons are contaminated; and it follows that they cannot cleanse those by whom they are themselves contaminated, and thus all alike become impure, the demons by associating with men, and men by worshipping the demons. Or, if they say that the demons are not contaminated by associating and dealing with men, then they are better than the gods, for the gods, were they to do so, would be contaminated. For this, we are told, is the glory of the gods, that they are so highly exalted that no human intercourse can sully them. He affirms, indeed, that the supreme God, the Creator of all things, whom we call the true God, is spoken of by Plato as the only God whom the poverty of human speech fails even passably to describe; and that even the wise, when their mental energy is as far as possible delivered from the trammels of connection with the body, have only such gleams of insight into His nature as may be compared to a flash of lightning illumining the darkness. If, then, this supreme God, who is truly exalted above all things, does nevertheless visit the minds of the wise, when emancipated from the body, with an intelligible and ineffable presence, though this be only occasional, and as it were a swift flash of light athwart the darkness, why are the other gods so sublimely removed from all contact with men, as if they would be polluted by it? as if it were not a sufficient refutation of this to lift up our eyes to those heavenly bodies which give the earth its needful light. If the stars, though they, by his account, are visible gods, are not contaminated when we look at them, neither are the demons contaminated when men see them quite closely. But perhaps it is the human voice, and not the eye, which pollutes the gods; and therefore the demons are appointed to mediate and carry men's utterances to the gods, who keep themselves remote through fear of pollution? What am I to say of the other senses? For by smell neither the demons, who are present, nor the gods, though they were present and inhaling the exhalations of living men, would be polluted if they are not contaminated with the effluvia of the carcasses offered in sacrifice. As for taste, they are pressed by no necessity of repairing bodily decay, so as to be reduced to ask food from men. And touch is in their own power. For while it may seem that contact is so called, because the sense of touch is specially concerned in it, yet the gods, if so minded, might mingle with men, so as to see and be seen, hear and be heard; and where is the need of touching? For men would not dare to desire this, if they were favored with the sight or conversation of gods or good demons; and if through excessive curiosity they should desire it, how could they accomplish their wish without the consent of the god or demon, when they cannot touch so much as a sparrow unless it be caged?
There is, then, nothing to hinder the gods from mingling in a bodily form with men, from seeing and being seen, from speaking and hearing. And if the demons do thus mix with men, as I said, and are not polluted, while the gods, were they to do so, should be polluted, then the demons are less liable to pollution than the gods. And if even the demons are contaminated, how can they help men to attain blessedness after death, if, so far from being able to cleanse them, and present them clean to the unpolluted gods, these mediators are themselves polluted? And if they cannot confer this benefit on men, what good can their friendly mediation do? Or shall its result be, not that men find entrance to the gods, but that men and demons abide together in a state of pollution, and consequently of exclusion from blessedness? Unless, perhaps, some one may say that, like sponges or things of that sort, the demons themselves, in the process of cleansing their friends, become themselves the filthier in proportion as the others become clean. But if this is the solution, then the gods, who shun contact or intercourse with men for fear of pollution, mix with demons who are far more polluted. Or perhaps the gods, who cannot cleanse men without polluting themselves, can without pollution cleanse the demons who have been contaminated by human contact? Who can believe such follies, unless the demons have practised their deceit upon him? If seeing and being seen is contamination, and if the gods, whom Apuleius himself calls visible, "the brilliant lights of the world," 2 and the other stars, are seen by men, are we to believe that the demons, who cannot be seen unless they please, are safer from contamination? Or if it is only the seeing and not the being seen which contaminates, then they must deny that these gods of theirs, these brilliant lights of the world, see men when their rays beam upon the earth. Their rays are not contaminated by lighting on all manner of pollution, and are we to suppose that the gods would be contaminated if they mixed with men, and even if contact were needed in order to assist them? For there is contact between the earth and the sun's or moon's rays, and yet this does not pollute the light.