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La cité de dieu
CHAPITRE XVIII.
CONTRE CEUX QUI NIENT QU’IL FAILLE S’EN FIER AUX LIVRES SAINTS TOUCHANT LES MIRACLES ACCOMPLIS POUR L’INSTRUCTION DU PEUPLE DE DIEU.
S’avisera-t-on de dire que ces miracles sont faux et supposés? quiconque parle de la sorte et prétend qu’en fait de miracles il ne faut s’en fier à aucun historien, peut aussi bien prétendre qu’il n’y a point de dieux qui se mêlent des choses de ce monde. C’est par des miracles, en effet, que les dieux ont persuadé aux hommes de les adorer, comme l’atteste l’histoire des Gentils, et nous y voyons les dieux plus occupés de se faire admirer que de se rendre utiles. C’est pourquoi nous n’avons pas entrepris dans cet ouvrage de réfuter ceux qui nient toute existence divine ou qui croient la divinité indifférente aux événements du monde, mais ceux qui préfèrent leurs dieux au Dieu fondateur de l’éternelle et glorieuse Cité, ne sachant pas qu’il est pareillement le fondateur invisible et immuable de ce monde muable et visible, et le véritable dispensateur de cette félicité qui réside en lui-même et non pas en ses créatures. Voilà le sens de ce mot du très-véridique prophète « Etre uni à Dieu, voilà mon bien1 » .Je reviens sur cette citation, parce qu’il s’agit ici de la fin de l’homme, de ce problème tant controversé entre les philosophes, de ce souverain bien où il faut rapporter tous nos devoirs. Le Psalmiste rie dit pas : Mon bien, c’est de posséder de grandes richesses, ou de porter la pourpre, le sceptre et le diadème; ou encore, comme quelques philosophes n’ont point rougi de le dire: Mon bien, c’est de jouir des voluptés du corps; ou même enfin, suivant l’opinion meilleure de philosophes meilleurs : Mon bien, c’est la vertu de mon âme; non, le Psalmiste le déclare Le vrai bien, c’est d’être uni à Dieu. Il avait appris cette vérité de celui-là même que les- anges, par des miracles incontestables, lui avaient appris à adorer exclusivement. Aussi était-il lui-même le sacrifice de Dieu, puisqu’il était consumé du feu de son amour et désirait ardemment de jouir de ses chastes et ineffables embrassements. Mais enfin, si ceux qui adorent plusieurs dieux (quelque sentiment qu’ils aient touchant leur nature) ne doutent point des miracles qu’on leur attribue, et s’en rapportent soit aux historiens, soit aux livres de la magie, soit enfin aux livres moins suspects de la théurgie, pourquoi refusent-ils de croire aux miracles attestés par nos Ecritures, dont l’autorité doit être estimée d’autant plus grande que celui à qui seul elles commandent de sacrifier est plus grand?
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Ps. LXXII, 28. ↩
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De civitate Dei (CCSL)
Caput XVIII: Contra eos, qui de miraculis, quibus dei populus eruditus est, negant ecclesiasticis libris esse credendum.
An dicet aliquis ista falsa esse miracula nec fuisse facta, sed mendaciter scripta? quisquis hoc dicit, si de his rebus negat omnino ullis litteris esse credendum, potest etiam dicere nec deos ullos curare mortalia. non enim se aliter colendos esse persuaserunt nisi mirabilium operum effectibus, quorum et historia gentium testis est, quarum di se ostentare mirabiles potius quam utiles ostendere potuerunt. unde hoc opere nostro, cuius hunc iam decimum librum habemus in manibus, non eos suscepimus refellendos, qui uel ullam esse uim diuinam negant uel humana non curare contendunt, sed eos, qui nostro deo conditori sanctae et gloriosissimae ciuitatis deos suos praeferunt, nescientes eum ipsum esse etiam mundi huius uisibilis et mutabilis inuisibilem et incommutabilem conditorem et uitae beatae non de his, quae condidit, sed de se ipso uerissimum largitorem. eius enim propheta ueracissimus ait: mihi autem adhaerere deo bonum est. de fine boni namque inter philosophos quaeritur, ad quod adipiscendum omnia officia referenda sunt. nec dixit iste: mihi autem diuitiis abundare bonum est, aut insigniri purpura et sceptro uel diademate excellere, aut, quod nonnulli etiam philosophorum dicere non erubuerunt: mihi uoluptas corporis bonum est; aut quod melius uelut meliore3 dicere uisi sunt: mihi uirtus animi mei bonum est; sed: mihi, inquit, adhaerere deo bonum est. hoc eum docuerat, cui uni tantummodo sacrificandum sancti quoque angeli eius miraculorum etiam contestatione monuerunt. unde et ipse sacrificium eius factus erat, cuius igne intellegibili correptus ardebat, et in eius ineffabilem incorporeumque conplexum sancto desiderio ferebatur. porro autem si multorum deorum cultores - qualescumque deos suos esse arbitrentur - ab eis facta esse miracula uel ciuilium rerum historiae uel libris magicis siue, quod honestius putant, theurgicis credunt: quid causae est, cur illis litteris nolint credere ista facta esse, quibus tanto maior debetur fides, quanto super omnes est magnus, cui uni soli sacrificandum esse praecipiunt?