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La cité de dieu
CHAPITRE XXV.
TOUS LES SAINTS QUI ONT VÉCU SOUS LA LOI ÉCRITE ET DANS LES TEMPS ANTÉRIEURS ONT ÉTÉ JUSTIFIÉS PAR LA FOI EN JÉSUS-CHRIST.
C’est par leur foi en ce mystère, accompagnée de la bonne vie, que les justes des anciens jours ont pu être purifiés, soit avant la loi de Moïse (car en ce temps Dieu et les anges leur servaient de guides), soit même sous cette loi, bien qu’elle ne renfermât que des promesses temporelles, simple figure de promesses plus hautes, ce qui a fait donner à la loi de Moïse le nom d’Ancien Testament. Il y avait alors, en effet, des Prophètes dont la voix, comme celle des anges, publiait la céleste promesse, et de ce nombre était celui dont j’ai cité plus haut cette divine sentence touchant le souverain bien de l’homme: « Être uni à Dieu, voilà mon bien1 ». Le psaume d’où elle est tirée distingue assez clairement les deux Testaments, l’ancien et le nouveau; car le prophète dit que la vue de ces impies qui nagent dans l’abondance des biens temporels a fait chanceler ses pas, comme si le culte fidèle qu’il avait rendu à Dieu eût été chose vaine, en présence de la félicité des contempteurs de la loi. Il ajoute qu’il s’est longtemps consumé à comprendre ce mystère, jusqu’au jour où, entré dans le sanctuaire de Dieu , il a vu la fin de cette trompeuse félicité. Il a compris alors que ces hommes, par cela même qu’ils se sont élevés, ont été abaissés, qu’ils ont péri à cause de leurs iniquités, et que ce comble de félicité temporelle a été comme le songe d’un homme qui s’éveille et tout à coup se trouve privé des joies dont le berçait un songe trompeur. Et comme dans cette cité de la terre, ils étaient pleins du sentiment de leur grandeur, le Psalmiste parle ainsi: « Seigneur, vous anéantirez leur image dans votre Cité2 ». Il montre toutefois combien il lui a été avantageux de n’attendre les biens mêmes de la terre que du seul vrai Dieu, quand il dit: « Je suis devenu - semblable, devant vous, à une bête brute, et je demeure toujours avec vous 3 » Par ces mots, semblable à une bête brute, le Prophète s’accuse de n’avoir pas eu l’intelligence de la parole divine, comme s’il disait : Je ne devais vous demander que les choses qui ne pouvaient m’être communes avec les impies, et non celles dont je les ai vus jouir avec abondance, alors que le spectacle de leur félicité était un scandale à mes faibles yeux. Toutefois le Prophète ajoute qu’il n’a pas cessé d’être avec le Seigneur, parce qu’en désirant les biens temporels il ne les a pas demandés à d’autres que lui. Il poursuit en ces termes « Vous m’avez soutenu par la main droite, me conduisant selon votre volonté, et me faisant marcher dans la gloire4 » ; marquant par ces mots, la main droite, que tous les biens possédés par les impies, et dont la vue l’avait ébranlé, sont choses de la gauche de Dieu. Puis il s’écrie « Qu’y a-t-il au ciel et sur la terre que je désire, si ce n’est vous5 ? » il se condamne lui-même; il se reproche, ayant au ciel un si grand bien, mais dont il n’a eu l’intelligence que plus tard, d’avoir demandé à Dieu des biens passagers, fragiles, et pour ainsi dire une félicité de boue. « Mon coeur et ma chair, dit-il, sont tombés en défaillance, ô Dieu de mon coeur6 !» Heureuse défaillance, qui fait quitter les choses de la terre pour celles du ciel ! ce qui lui fait dire ailleurs: « Mon âme, enflammée de désir, tombe en défaillance dans la maison du Seigneur7 ». Et dans un autre endroit: « Mon âme est tombée en défaillance dans l’attente de votre salut8 ». Néanmoins, après avoir dit plus haut: Mon coeur et ma chair sont tombés en défaillance, il n’a pas ajouté: Dieu de mon coeur et de ma chair, mais seulement: Dieu de mon coeur, parce que c’est le coeur qui purifie la chair. C’est pourquoi Notre-Seigneur a dit: « Purifiez d’abord le dedans, et le « dehors sera pur9 ». Le Prophète continue et déclare que Dieu même est son partage, et non les biens qu’il a créés : « Dieu de mon coeur, dit-il, Dieu de mon partage pour toujours10 »; voulant dire par là que, parmi tant d’objets où s’attachent les préférences des hommes, il trouve Dieu seul digne de la sienne. « Car », poursuit-il, « voilà que ceux « qui s’éloignent de vous périssent, et vous avez condamné à jamais toute âme adultère11 ». Entendez toute âme qui se prostitue à plusieurs dieux. Ici, en effet, se place ce mot qui nous a conduit à citer fout le reste : « Être uni à Dieu, voilà mon bien » ; c’est-à-dire, mon bien est de ne point m’éloigner de Dieu, de ne point me prostituer à plusieurs divinités. Or, en quel temps s’accomplira cette union parfaite avec Dieu? alors seulement que tout ce qui doit être affranchi en nous sera affranchi. Jusqu’à ce moment, qu’y a-t-il à faire? ce qu’ajoute le Psalmiste: « Mettre son espérance «en Dieu12». Or, comme l’Apôtre nous l’enseigne: « Lorsqu’on voit ce qu’on a espéré, ce n’est plus espérance. Car, qui espère ce qu’il voit déjà? Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons d’un coeur patient13 ». Soyons donc fermes dans cette espérance, suivons le conseil du Psalmiste et devenons, nous aussi, selon notre faible pouvoir, les anges de Dieu, c’est-à-dire ses messagers, annonçant sa volonté et glorifiant sa gloire et sa grâce : « Afin de chanter vos louanges, ô mon Dieu, devant les portes de la fille de Sion14 ». Sion, c’est la glorieuse Cité de Dieu, celle qui ne connaît et n’adore qu’un seul Dieu, celle qu’ont annoncée les saints anges qui nous invitent à devenir leurs concitoyens. ils ne veulent pas que nous les adorions comme nos dieux, mais que nous adorions avec eux leur Dieu et le nôtre. Ils ne veulent pas que nous leur offrions des sacrifices, mais que nous soyons comme eux un sacrifice agréable à Dieu. Ainsi donc, quiconque y réfléchira sans coupable obstination, rie doutera pas que tous ces esprits immortels et bienheureux, qui, loin de nous porter envie (car ils ne seraient pas heureux, s’ils étaient envieux), nous aiment au contraire et veulent que nous partagions leur bonheur, ne nous soient plus favorables, si nous adorons avec eux un seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, que si nous leur offrions à eux-mêmes notre adoration et nos sacrifices.
Edition
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De civitate Dei (CCSL)
Caput XXV: Omnes sanctos et sub legis tempore et sub prioribus saeculis in sacramento et fide Christi iustificatos fuisse.
Huius sacramenti fide etiam iusti antiqui mundari pie uiuendo potuerunt, non solum antequam lex populo Hebraeo daretur - neque enim eis praedicator deus uel angeli defuerunt - , sed ipsius quoque legis temporibus, quamuis in figuris rerum spiritalium habere uideretur promissa carnalia, propter quod uetus dicitur testamentum. nam et prophetae tunc erant, per quos, sicut per angelos, eadem promissio praedicata est, et ex illorum numero erat, cuius tam magnam diuinamque sententiam de boni humani fine paulo ante commemoraui: mihi autem adhaerere deo bonum est. in quo plane psalmo duorum testamentorum, quae dicuntur uetus et nouum, satis est declarata distinctio. propter carnales enim terrenasque promissiones, cum eas inpiis abundare perspiceret, dicit pedes suos paene fuisse commotos et effusos in lapsum propemodum gressus suos, tamquam frustra deo ipse seruisset, cum ea felicitate, quam de illo expectabat, contemptores eius florere perspiceret; seque in rei huius inquisitione laborasse, uolentem cur ita esset adprehendere, donec intraret in sanctuarium dei et intellegeret in nouissima eorum, qui felices uidebantur erranti. tunc eos intellexit in eo, quod se extulerunt, sicut dicit, fuisse deiectos et defecisse ac perisse propter iniquitates suas; totumque illud culmen temporalis felicitatis ita eis factum tamquam somnium euigilantis, qui se repente inuenit suis quae somniabat fallacibus gaudiis destitutum. et quoniam in hac terra uel in ciuitate terrena magni sibi uidebantur: domine, inquit, imaginem illorum in ciuitate tua ad nihilum rediges. quod huic tamen utile fuerit etiam ipsa terrena nonnisi ab uno uero deo quaerere, in cuius potestate sunt omnia, satis ostendit ubi ait: uelut pecus factus sum apud te, et ego semper te cum. uelut pecus dixit utique .non intellegens. ea quippe a te desiderare debui, quae mihi cum inpiis non possunt esse communia, quibus eos cum abundare cernerem, putaui me incassum tibi seruisse, quando et illi haec haberent, qui tibi seruire noluissent. tamen ego semper te cum, qui etiam in talium rerum desiderio deos alios non quaesiui. ac per hoc sequitur: tenuisti manum dexterae meae, et in uoluntate tua deduxisti me, et cum gloria adsumpsisti me; tamquam ad sinistram cuncta illa pertineant, quae abundare apud inpios cum uidisset paene conlapsus est. quid enim mihi est, inquit, in caelo, et a te quid uolui super terram? reprehendit se ipsum iuste que sibi displicuit, quia, cum tam magnum bonum haberet in caelo, - quod post intellexi - , rem transitoriam, fragilem et quodammodo luteam felicitatem a suo deo quaesiuit in terra. defecit, inquit, cor meum et caro mea, deus cordis mei, defectu utique bono ab inferioribus ad superna; unde in alio psalmo dicitur: desiderat et deficit anima mea in atria domini; item in alio: defecit in salutare tuum anima mea. tamen cum de utroque dixisset, id est de corde et carne deficiente, non subiecit: deus cordis et carnis meae, sed deus cordis mei. per cor quippe caro mundatur. unde dicit dominus: mundate, quae intus sunt, et quae foris sunt munda erunt. partem deinde suam dicit ipsum deum, non aliquid ab eo, sed ipsum. deus, inquit, cordis mei, et pars mea deus in saecula; quod inter multa, quae ab hominibus eliguntur, ipse illi placuerit eligendus. quia ecce, inquit, qui longe se faciunt a te, peribunt; perdidisti omnem, qui fornicatur abs te, hoc est, qui multorum deorum uult esse prostibulum. unde sequitur illud, propter quod et cetera de eodem psalmo dicenda uisa sunt: mihi autem adhaerere deo bonum est, non longe ire, non per plurima fornicari. adhaerere autem deo tunc perfectum erit, cum totum, quod liberandum est, fuerit liberatum. nunc uero fit illud, quod sequitur: ponere in deo spem meam. spes enim quae uidetur, non est spes; quod enim uidet quis, quid sperat? ait apostolus. si autem quod non uidemus speramus, per patientiam expectamus. in hac autem spe nunc constituti agamus quod sequitur, et simus nos quoque pro modulo nostro angeli dei, id est nuntii eius, adnuntiantes eius uoluntatem et gloriam gratiamque laudantes. unde cum dixisset: ponere in deo spem meam, ut adnuntiem, inquit, omnes laudes tuas in portis filiae Sion. haec est gloriosissima ciuitas dei: haec unum deum nouit et colit; hanc angeli sancti adnuntiauerunt, qui nos ad eius societatem inuitauerunt ciuesque suos in illa esse uoluerunt; quibus non placet ut eos colamus tamquam nostros deos, sed cum eis et illorum et nostrum deum; nec eis sacrificemus, sed cum ipsis sacrificium simus deo. nullo itaque dubitante, qui haec deposita maligna obstinatione considerat, omnes inmortales beati, qui nobis non inuident - neque enim si inuiderent, essent beati - , sed potius nos diligunt ut et nos cum ipsis beati simus, plus nobis fauent, plus adiuuant, quando unum deum cum illis colimus, patrem et filium et spiritum sanctum, quam si eos ipsos per sacrificia coleremus.