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La cité de dieu
CHAPITRE XXIV.
COMMENT IL FAUT ENTENDRE CE SOUFFLE DE DIEU DONT PARLE L’ÉCRITURE ET QUI DONNE A L’HOMME UNE AME VIVANTE, ET CET AUTRE SOUFFLE QUE JÉSUS-CHRIST EXHALE EN DISANT: RECEVEZ L’ESPRIT-SAINT.
Quelques-uns se sont persuadé avec assez peu de raison que le passage de la Genèse où on lit : « Dieu souffla contre la face d’Adam un esprit de vie, et l’homme fut créé âme vivante1 », ne doit pas s’entendre de Dieu donnant au premier homme une âme, mais de Dieu ne faisant que vivifier par le Saint-Esprit celle que l’homme avait déjà2. Ce qui les porte à interpréter ainsi l’Ecriture, c’est que Notre-Seigneur Jésus-Christ, après la résurrection, souffla sur ses disciples et leur dit:
« Recevez le Saint-Esprit 3; d’où ils concluent que, puisque la même chose se passa dans la création de l’homme, le même effet s’ensuivit aussi : comme si l’évangéliste, après avoir parlé du souffle de Jésus sur ses disciples, avait ajouté, ainsi que fait Moïse, qu’ils devinrent âmes vivantes. Mais quand il l’aurait ajouté, cela ne signifierait autre chose, sinon que l’Esprit de Dieu est en quelque façon la vie de l’âme, et que sans lui elle est morte, quoique l’homme reste vivant. Mais rien de semblable n’eut lieu au moment de la création de l’homme, ainsi que le prouvent ces paroles de la Genèse : « Dieu créa (formavit) l’homme poussière de la terre » ; ce que certains interprètes croient rendre plus clair en traduisant : « Dieu composa (finxit) l’homme du limon de la terre », parce qu’il est écrit aux versets précédents : « Or, une fontaine s’élevait de la terre et en arrosait toute la « surface4 »; ce qui engendrait, suivant eux, ce limon dont l’homme fut formé; et c’est immédiatement après que l’Ecriture ajoute
« Dieu créa l’homme poussière de la terre », comme le portent les exemplaires grecs sur lesquels l’Ecriture a été traduite en latin. Au surplus, que l’on rende par formavit ou par finxit le mot grec eplasen, peu importe à la question; finxit est le mot propre, et c’est la crainte de l’équivoque qui a décidé ceux qui ont préféré formavit, l’usage donnant à l’expression finxit le sens de fiction mensongère. C’est donc cet homme ainsi fait de la poussière de la terre ou du limon, c’est-à-dire d’une poussière trempée d’eau, dont saint Paul dit qu’il devint un corps animal, lorsqu’il reçut l’âme. « Et l’homme devint âme vivante » entendez que cette poussière ainsi pétrie devint une âme vivante.
Mais, disent-ils, il avait déjà une âme; autrement on ne l’appellerait pas homme, l’homme n’étant pas le corps seul ou l’âme seule, mais le composé des deux. Il est vrai que l’âme, non plus que le corps, n’est pas l’homme entier; mais l’âme en est la plus noble partie. Quand elles sont unies ensemble, elles prennent le nom d’homme, qu’elles ne quittent pas néanmoins après leur séparation. Ne disons-nous pas tous les jours: Cet homme est mort, et maintenant il est dans la paix ou dans les supplices, bien que cela ne se puisse dire que de l’âme seule; ou : Cet homme a été enterré en tel ou tel lieu, quoique cela ne se puisse entendre que du corps seul? Diront-ils que ce n’est pas la façon de parler de l’Ecriture? Mais elle ne fait point difficulté d’appeler homme l’une ou l’autre de ces deux parties, lors même qu’elles sont unies, et de dire que l’âme est l’homme intérieur et le corps l’homme extérieur5,comme si c’étaient deux hommes, bien qu’en effet ce n’en soit qu’un. Aussi bien il faut entendre dans quel sens l’Ecriture dit que l’homme est fait à l’image de Dieu, et dans quel sens elle l’appelle terre et dit qu’il retournera en terre. La première parole s’entend de l’âme raisonnable, telle que Dieu la créa par son souffle dans l’homme , c’est-à-dire dans le corps de l’homme; et la seconde s’entend du corps, tel que Dieu le forma de la poussière, et à qui l’âme fut donnée pour en faire un corps animal, c’est-à-dire un homme ayant une âme vivante.
C’est pourquoi, quand Notre-Seigneur souffla sur ses disciples en disant: « Recevez le Saint- Esprit », il voulait nous apprendre que le Saint-Esprit n’est pas seulement l’Esprit du Père, mais encore l’Esprit du Fils unique, attendu que le même Esprit est l’Esprit du Père et du Fils, formant avec tous deux la Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, qui n’est pas créature, mais créateur. En effet, ce souffle corporel qui sortit de la bouche de Jésus-Christ n’était point la substance ou la nature du Saint-Esprit, mais plutôt, je le répète, un signe pour nous faire entendre que le Saint-Esprit est commun au Père et au Fils; car ils n’en ont pas chacun un, et il n’y en a qu’un pour deux. Or, ce Saint-Esprit est toujours dans l’Ecriture appelé en grec pneuma6, ainsi que Notre-Seigneur l’appelle ici, lorsque l’exprimant par le souffle de sa bouche, il le donne à ses disciples; et e ne me souviens point qu’il y soit appelé autrement: au lieu que dans le passage de la Genèse, où il est dit que « Dieu forma l’homme de la poussière de la terre, et qu’il souffla contre sa face un esprit de vie », le grec ne porte pas pneuma, mais pnoè7, terme dont l’Ecriture se sert plus souvent pour désigner la créature que le Créateur; d’où vient que quelques interprètes, pour en marquer la différence, ont mieux aimé le rendre par le mot souffle, que par celui d’esprit. Il se trouve employé de la sorte dans Isaïe, où Dieu dit : « J’ai fait tout souffle8», c’est-à-dire toute âme. Les interprètes donc expliquent quelquefois, il est vrai, ce dernier mot par souffle, ou par esprit, ou par inspiration ou aspiration, ou même par âme; mais jamais ils ne traduisent l’autre que par esprit, soit celui de l’homme dont l’Apôtre dit: « Quel est celui des hommes qui connaît ce qui est en l’homme, si ce n’est l’esprit même de l’homme qui est en lui9 ? » soit celui de la bête, comme quand Salomon dit: « Qui sait si l’esprit de l’homme monte en haut dans le ciel, et si l’esprit de la bête descend en bas dans la terre10 ? » soit même cet esprit corporel qu’on nomme aussi vent, comme dans le Psalmiste: « Le feu, la grêle, la neige, la glace, l’esprit de tempête11 » ; soit enfin l’esprit créateur, tel que celui dont Notre-Seigneur dit dans l’Evangile, en l’exprimant par son souffle: « Recevez le Saint-Esprit », et ailleurs : « Allez, baptisez toutes les nations « au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit12 », paroles qui déclarent clairement et excellemment la très-sainte Trinité; et encore : « Dieu est esprit13 » , et en beaucoup d’autres endroits de l’Ecriture. Dans tous ces passages, le grec ne porte point le mot équivalent à souffle, mais bien celui qui ne peut se rendre que par esprit. Ainsi, alors même que dans un endroit de la Genèse où il est dit que « Dieu souffla contre la face de l’homme un esprit de vie », il y aurait dans le grec pneuma et non pnoè, il ne s’ensuivrait pas pour cela que nous fussions obligés d’entendre l’Esprit créateur, puisque, comme nous avons dit, l’Ecriture ne se sert pas seulement du premier de ces mots pour le Créateur, mais aussi pour la créature,
Mais, répliquent-ils, elle ne dirait pas esprit de vie, si elle ne voulait marquer le Saint-Esprit, ni âme vivante, si elle n’entendait la vie de l’âme qui lui est communiquée par le don de l’Esprit de Dieu, puisque, l’âme vivant d’une vie qui lui est propre, il n’était pas besoin d’ajouter vivante, si l’Ecriture n’eût voulu signifier cette vie qui lui est donnée par le Saint-Esprit. Qu’est-ce à dire? et raisonner ainsi, n’est-ce pas s’attacher avec ardeur à ses propres pensées au lieu de se rendre attentif au sens de l’Ecriture? Sans aller bien loin, qu’y avait-il de plus aisé que de lire ce qui est écrit un peu auparavant au même livre de la Genèse : « Que la terre produise des âmes vivantes14 », quand tous les animaux de la terre furent créés? Et quelques lignes après, mais toujours au même livre: « Tout ce qui a esprit de vie et tout homme habitant la terre péri15 », pour dire que tout ce qui vivait sur la terre périt par le déluge? Puis donc que nous trouvons une âme vivante et un esprit de vie, même dans les bêtes, selon la façon de parler de l’Ecriture, et qu’au lieu même où elle dit : « Toutes les choses qui ont un esprit de vie » , le grec ne porte pas pneuma, mais pnoè, que ne disons-nous aussi: Où est la nécessité de dire vivante, l’âme ne pouvant être, si elle ne vit, et d’ajouter de vie, après avoir dit esprit? Cela nous fait donc voir que lorsque l’Ecriture n usé de ces mêmes termes en parlant de l’homme, elle ne s’est point éloignée de son langage ordinaire; mais elle a voulu que l’on entendît par là le principe du sentiment dans les animaux ou les corps animés. Et dans la formation de l’homme, n’oublions pas encore que l’Ecriture reste fidèle à son langage habituel, quand elle nous enseigne qu’en recevant l’âme raisonnable, non pas émanée de la terre ou des eaux, comme l’âme des créatures charnelles, mais créée par le souffle de Dieu, l’homme n’en est pas moins destiné à vivre dans un corps animal, où réside une âme vivante, comme ces animaux dont l’Ecriture a dit: « Que la terre produise toute âme vivante » ; et quand elle dit également qu’ils ont l’esprit de vie, le grec portant toujours pnoè et non pneuma, ce n’est assurément pas le Saint-Esprit, mais bien l’âme vivante qui est désignée par cette expression.
Le souffle de Dieu , disent-ils encore, est sorti de sa bouche; de sorte que si nous croyons que c’est l’âme, il s’ensuivra que nous serons obligés aussi d’avouer qu’elle est consubstantielle et égale à cette Sagesse qui a dit: « Je suis sortie de la bouche du Très-Haut16 ». Mais la Sagesse ne dit pas qu’elle est le souffle de Dieu, mais qu’elle est sortie de sa bouche. Or, de même que nous pouvons former un souffle, non de notre âme, qui nous fait hommes, mais de l’air qui nous entoure et que nous respirons, ainsi Dieu, qui est tout-puissant, a pu très-bien aussi en former un, non de sa nature, ni d’aucune chose créée, mais du néant, et le mettre dans le corps de l’homme. D’ailleurs, afin que ces habiles personnes qui se mêlent de parler de l’Ecriture et n’en étudient pas le langage, apprennent qu’elle ne fait pas sortir de la bouche de Dieu seulement ce qui est de même nature que lui, qu’elles écoutent ce que Dieu y dit : « Tu es tiède, tu n’es ni froid ni chaud; c’est pourquoi je vais te vomir de ma bouche17 ».
Il ne faut donc plus résister aux paroles expresses de l’Apôtre, lorsque distinguant le corps animal du corps spirituel, c’est-à-dire celui que nous avons maintenant de celui que nous aurons un jour, il dit: « Le corps est semé animal, et il ressuscitera spirituel. Comme il y a un corps animal, il y a aussi un corps spirituel, ainsi qu’il est écrit : Adam, le premier homme, a été créé avec une âme vivante, et le second Adam a été rempli d’un esprit vivifiant. Mais ce n’est pas le corps spirituel qui a été formé le premier, c’est le corps animal, et ensuite le spirituel. Le premier homme est le terrestre formé de la terre, et le second homme est le céleste descendu du ciel. Comme le premier homme a été terrestre, ses enfants sont aussi terrestres; et comme le second homme est céleste, ses enfants sont aussi célestes. De la même manière donc que nous avons porté l’image de l’homme terrestre, portons aussi l’image de l’homme céleste18 ». Ainsi le corps animal, dans lequel l’Apôtre dit que fut créé le premier homme, n’était pas composé de telle façon qu’il ne pût mourir, mais de telle façon qu’il ne fût point mort si l’homme n’eût péché. Le corps qui sera spirituel, parce que l’Esprit le vivifiera, ne pourra mourir, non plus que l’âme, qui, bien qu’elle meure en quelque façon en se séparant de Dieu, conserve néanmoins toujours une vie qui lui est propre. Il en est de même des mauvais anges qui, pour être séparés de Dieu, ne laissent pas de vivre et de sentir, parce qu’ils ont été créés immortels, tellement que la seconde mort même où ils seront précipités après le dernier jugement ne leur ôtera pas la vie, puisqu’elle leur fera souffrir de cruelles douleurs. Mais les hommes qui appartiennent à la grâce et qui seront associés aux saints anges dans la béatitude seront revêtus de corps spirituels, de manière à ce qu’ils ne pécheront ni ne mourront plus.
Reste une question qui doit être discutée et, avec l’aide de Dieu, résolue, c’est de savoir comment les premiers hommes auraient pu engendrer des enfants s’ils n’eussent point péché, puisque nous disons que les mouvements de la concupiscence sont des suites du péché. Mais il faut finir ce livre, et d’ailleurs la question demande à être traitée avec quelque étendue; il vaut donc mieux la remettre au livre suivant.
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Gen. II, 7. ↩
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C’était le sentiment d’Origène Peri Arkon, (lib. I, cap. 3), auquel il faut joindre Tertullien (De Bapt., cap. 5), saint Cyprien (Epist. Ad. Jub.), saint Cyrille (In Joan., lib. IX, cap. 47), saint Basile (In Psal. XLVIII), saint Ambroise (De Parad.), et plusieurs autres Pères de l’Eglise. Voyez aussi le traité de saint Augustin (De Gen. contra Man., lib. II, n. 10, 11). ↩
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Jean, XX, 22. ↩
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Gen. II, 7. ↩
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II Cor. IV, 16 ↩
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Pneuma, souffle, esprit. ↩
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Pnoé , souffle, vent. ↩
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Isaïe, LVII, 16, sec. LXX. ↩
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I Cor. II, 11 . ↩
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Eccl. III, 21. ↩
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Ps. CXLVIII, 8. ↩
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Matth. XXVIII, 19. ↩
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Jean, IV, 24. ↩
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Gen. I, 24, ↩
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Ibid, VII, 22. ↩
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Eccli. XXIV, 5. ↩
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Apoc. III, 16. ↩
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I Cor. XV, 44-49. ↩
Edition
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De civitate Dei (CCSL)
Caput XXIV: Qualiter accipienda sit uel illa insufflatio dei, qua primus homo factus est in animam uiuentem, uel illa, quam dominus fecit dicens discipulis suis: accipite spiritum sanctum.
Vnde et illud parum considerate quibusdam uisum est, in eo quod legitur: inspirauit deus in faciem eius spiritum uitae, et factus est homo in animam uiuentem, non tunc animam primo homini datam, sed eam, quae iam inerat, spiritu sancto uiuificatam. mouet enim eos, quod dominus Iesus, posteaquam resurrexit a mortuis, insufflauit dicens discipulis suis: accipite spiritum sanctum. unde tale aliquid factum existimant, quale tunc factum est, quasi et hic secutus euangelista dixerit: et facti sunt in animam uiuentem. quod quidem si dictum esset, hoc intellegeremus, quod animarum quaedam uita sit spiritus dei, sine quo animae rationales mortuae deputandae sunt, quamuis earum praesentia uiuere corpora uideantur. sed non ita factum, quando est conditus homo, satis ipsa libri uerba testantur, quae ita se habent: et formauit deus hominem puluerem de terra. quod quidam planius interpretandum putantes dixerunt: et finxit deus hominem de limo terrae, quoniam superius dictum fuerat: fons autem ascendebat de terra et inrigabat omnem faciem terrae; ut ex hoc limus intellegendus uideretur, umore scilicet terraque concretus. ubi enim hoc dictum est, continuo sequitur: et formauit deus hominem puluerem de terra, sicut Graeci codices habent, unde in Latinam linguam scriptura ipsa conuersa est. siue autem formauit siue finxit quis dicere uoluerit, quod Graece dicitur ἔπλασεν, ad rem nihil interest; magis tamen proprie dicitur finxit. sed ambiguitas uisa est deuitanda eis, qui formauit dicere maluerunt, eo quod in Latina lingua illud magis obtinuit consuetudo, ut hi dicantur fingere, qui aliquid mendacio simulante conponunt. hunc igitur formatum hominem de terrae puluere siue limo - erat enim puluis umectus - hunc, inquam, ut expressius dicam, sicut scriptura locuta est, puluerem de terra animale corpus factum esse docet apostolus, cum animam accepit: et factus est iste homo in animam uiuentem, id est, formatus iste puluis factus est in animam uiuentem. iam, inquiunt, habebat animam, alioquin non appellaretur homo, quoniam homo non est corpus solum uel anima sola, sed qui et anima constat et corpore. hoc quidem uerum est, quod non totus homo, sed pars melior hominis anima est; nec totus homo corpus, sed inferior hominis pars est; sed cum est utrumque coniunctum simul, habet hominis nomen; quod tamen et singula non amittunt, etiam cum de singulis loquimur. quis enim dicere prohibetur cottidiani quadam lege sermonis: homo ille defunctus est et nunc in requie est uel in poenis, cum de anima sola possit hoc dici, et: illo aut illo loco homo ille sepultus est, cum hoc nisi de solo corpore non possit intellegi? an dicturi sunt sic loqui scripturam non solere diuinam? immo uero illa ita nobis in hoc adtestatur, ut etiam cum duo ista coniuncta sunt et uiuit homo, tamen etiam singula hominis uocabulo appellet, animam scilicet interiorem hominem, corpus autem exteriorem hominem uocans, tamquam duo sint homines, cum simul utrumque sit homo unus. sed intellegendum est, secundum quid dicatur homo ad imaginem dei et homo terra atque iturus in terram. illud enim secundum animam rationalem dicitur, qualem deus insufflando uel, si commodius dicitur, inspirando indidit homini, id est hominis corpori; hoc autem secundum corpus, qualem hominem deus finxit ex puluere, cui data est anima, ut fieret corpus animale, id est homo in animam uiuentem. quapropter in eo, quod dominus fecit, quando insufflauit dicens: accipite spiritum sanctum, nimirum hoc intellegi uoluit, quod spiritus sanctus non tantum sit patris, uerum etiam ipsius unigeniti spiritus. idem ipse est quippe spiritus et patris et filii, cum quo est trinitas pater et filius et spiritus sanctus, non creatura, sed creator. neque enim flatus ille corporeus de carnis ore procedens substantia erat spiritus sancti atque natura, sed potius significatio, qua intellegeremus, ut dixi, spiritum sanctum patri esse filioque communem, quia non sunt eis singulis singuli, sed unus amborum est. semper autem iste spiritus in scripturis sanctis Graeco uocabulo πνεῦμα dicitur, sicut eum et hoc loco Iesus appellauit, quando eum corporalis cui oris flatu significans discipulis dedit; et locis omnibus diuinorum eloquiorum non mihi aliter umquam nuncupatus occurrit. hic uero, ubi legitur: et finxit deus hominem puluerem de terra et insufflauit siue inspirauit in faciem eius spiritum uitae, non ait Graecus πνεῦμα, quod solet dici spiritus sanctus, sed πνοὴν, quod nomen in creatura quam in creatore frequentius legitur; unde nonnulli etiam Latini propter differentiam hoc uocabulum non spiritum, sed flatum appellare maluerunt. hoc enim est in Graeco etiam illo loco apud Esaiam, ubi deus dicit: omnem flatum ego feci, omnem animam sine dubitatione significans. quod itaque Graece πνοὴ dicitur, nostri aliquando flatum, aliquando spiritum, aliquando inspirationem uel aspirationem, quando etiam dei dicitur, interpretati sunt; πνεῦμα uero numquam nisi spiritum, siue hominis - de quo ait apostolus: quis enim scit hominum quae sunt hominis, nisi spiritus hominis qui in ipso est? - siue pecoris - sicut in Salomonis libro scriptum est: quis scit si spiritus hominis ascendat sursum in caelum et spiritus pecoris descendat deorsum in terram? - siue istum corporeum, qui etiam uentus dicitur, - nam eius hoc nomen est, ubi in psalmo canitur: ignis, grando, nix, glacies spiritus tempestatis - siue iam non creatum, sed creatorem, sicut est de quo dicit dominus in euangelio: accipite spiritum sanctum, eum corporei sui oris flatu significans, et ubi ait: ite, baptizate omnes gentes in nomine patris et filii et spiritus sancti, ubi ipsa trinitas excellentissime et euidentissime commendata est, et ubi legitur: deus spiritus est, et aliis plurimis sacrarum litterarum locis. in his quippe omnibus testimoniis scripturarum, quantum ad Graecos adtinet, non πνοὴν; uidemus scriptum esse, sed πνεῦμα; quantum autem ad Latinos, non flatum, sed spiritum. quapropter in eo, quod scriptum est: inspirauit, uel si magis proprie dicendum est: insufflauit in faciem eius spiritum uitae, si Graecus non πνοὴν, sicut ibi legitur, sed πνεῦμα posuisset, nec sic esset consequens, ut creatorem spiritum, qui proprie dicitur in trinitate spiritus sanctus, intellegere cogeremur; quandoquidem πνεῦμα, ut dictum est, non solum de creatore, sed etiam de creatura dici solere manifestum est. sed cum dixisset, inquiunt, spiritum, non adderet uitae, nisi illum sanctum spiritum uellet intellegi; et cum dixisset: factus est homo in animam, non adderet uiuentem, nisi animae uitam significaret, quae illi diuinitus inpertitur dono spiritus dei. cum enim uiuat anima, inquiunt, proprio suae uitae modo, quid opus erat addere uiuentem, nisi ut ea uita intellegeretur, quae illi per sanctum spiritum datur? hoc quid est aliud nisi diligenter pro humana suspicione contendere et scripturas sanctas neglegenter adtendere? quid enim magnum erat non ire longius, sed in eodem ipso libro paulo superius legere: producat terra animam uiuentem, quando animalia terrestria cuncta creata sunt? deinde aliquantis interpositis, in eodem tamen ipso libro quid magnum erat aduertere quod scriptum est: et omnia, quae habent spiritum uitae et omnis, qui erat super aridam, mortuus est, cum insinuaret omnia quae uiuebant in terra perisse diluuio? si ergo et animam uiuentem et spiritum uitae etiam in pecoribus inuenimus, sicut loqui diuina scriptura consueuit, et cum hoc quoque loco, ubi legitur: omnia quae habent spiritum uitae non Graecus πνεῦμα, sed πνοὴν dixerit: cur non dicimus: quid opus erat ut adderet uiuentem, cum anima nisi uiuat esse non possit? aut quid opus erat ut adderet uitae, cum dixisset spiritum? sed intellegimus animam uiuentem et spiritum uitae scripturam suo more dixisse, cum animalia, id est animata corpora, uellet intellegi, quibus inesset per animam perspicuus iste etiam corporis sensus. in hominis autem conditione obliuiscimur, quemadmodum loqui scriptura consueuerit, cum suo prorsus more locuta sit, quo insinuaret hominem etiam rationali anima accepta, quam non sicut aliarum carnium aquis et terra producentibus, sed deo flante creatam uoluit intellegi, sic tamen factum, ut in corpore animali, quod fit anima in eo uiuente, sicut illa animalia uiueret, de quibus dixit: producat terra animam uiuentem, et quae itidem dixit habuisse in se spiritum uitae; ubi etiam in Graeco non dixit πνεῦμα, sed πνοὴν; non utique spiritum sanctum, sed eorum animam tali exprimens nomine. sed enim dei flatus, inquiunt, dei ore exisse intellegitur, quem si animam crediderimus, consequens erit, ut eiusdem fateamur esse substantiae paremque illius sapientiae, quae dicit: ego ex ore altissimi prodii. non quidem dixit sapientia ore dei efflatam se fuisse, sed ex eius ore prodisse. sicut autem nos possumus non de nostra natura, qua homines sumus, sed de isto aere circumfuso, quem spirando ac respirando ducimus ac reddimus, flatum facere cum sufflamus: ita omnipotens deus non de sua natura neque subiacenti creatura, sed etiam de nihilo potuit facere flatum, quem corpori hominis inserendo inspirasse uel insufflasse conuenientissime dictus est, incorporeus incorporeum, sed inmutabilis mutabilem, quia non creatus creatum. uerumtamen ut sciant isti, qui de scripturis loqui uolunt et scripturarum locutiones non aduertunt, non hoc solum dici exire ex ore dei, quod est aequalis eiusdemque naturae, audiant uel legant quod deo dicente scriptum est: quoniam tepidus es et neque calidus neque frigidus, incipiam te reicere ex ore meo. nulla itaque causa est, cur apertissime loquenti resistamus apostolo, ubi ab spiritali corpore corpus animale discernens, id est ab illo in quo futuri sumus hoc in quo nunc sumus, ait: seminatur corpus animale, surget corpus spiritale; si est corpus animale, est et spiritale; sic et scriptum est: factus est primus homo Adam in animam uiuentem, nouissimus Adam in spiritum uiuificantem. sed non primum quod spiritale est, sed quod animale, postea spiritale. primus homo de terra terrenus, secundus homo de caelo caelestis. qualis terrenus, tales et terreni, et qualis caelestis, tales et caelestes. et quomodo induimus imaginem terreni, induamus et imaginem eius qui de caelo est. de quibus omnibus apostolicis uerbis superius locuti sumus. corpus igitur animale, in quo primum hominem Adam factum esse dicit apostolus, sic erat factum, non ut mori omnino non posset, sed ut non moreretur, nisi homo peccasset. nam illud, quod spiritu uiuificante spiritale erit et inmortale, mori omnino non poterit, sicut anima creata est inmortalis, quae licet peccato mortua perhibeatur carens quadam uita sua, hoc est dei spiritu, quo etiam sapienter et beate uiuere poterat, tamen propria quadam, licet misera, uita sua non desinit uiuere, quia inmortalis est creata; sicut etiam desertores angeli, licet secundum quendam modum mortui sint peccando, quia fontem uitae deseruerunt, qui deus est, quem potando sapienter et beate poterant uiuere, tamen non sic mori potuerunt, ut omni modo desisterent uiuere atque sentire, quoniam inmortales creati sunt; atque ita in secundam mortem post ultimum praecipitabuntur iudicium, ut nec illic uita careant, quandoquidem etiam sensu, cum in doloribus futuri sunt, non carebunt. sed homines ad dei gratiam pertinentes, ciues sanctorum angelorum in beata uita manentium, ita spiritalibus corporibus induentur, ut neque peccent amplius neque moriantur; ea tamen inmortalitate uestiti, quae, sicut angelorum, nec peccato possit auferri; natura quidem manente carnis, sed nulla omnino carnali corruptibilitate uel tarditate remanente. sequitur autem quaestio necessario pertractanda et domino deo ueritatis adiuuante soluenda: si libido membrorum inoboedientium ex peccato inoboedientiae in illis primis hominibus, cum illos diuina gratia deseruisset, exorta est - unde in suam nuditatem oculos aperuerunt, id est eam curiosius aduerterunt, et quia inpudens motus uoluntatis arbitrio resistebat, pudenda texerunt - quomodo essent filios propagaturi, si, ut creati fuerant, sine praeuaricatione mansissent? sed quia et liber iste claudendus est nec tanta quaestio in sermonis angustias coartanda, in eum qui sequitur commodiore dispositione differtur.