Übersetzung
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La cité de dieu
CHAPITRE XI.
DE LA CHUTE DU PREMIER HOMME, EN QUI LA NATURE A ÉTÉ CRÉÉE BONNE ET NE PEUT ÊTRE RÉPARÉE QUE PAR SON AUTEUR.
Dieu, qui prévoit tout, n’ayant pu ignorer que l’homme pécherait, il convient que nous considérions la sainte Cité selon l’ordre de la prescience de Dieu, et non selon les conjectures de notre raison imparfaite à qui échappent les plans divins. L’homme n’a pu troubler par son péché les desseins éternels de Dieu et l’obliger à changer de résolution, qui que Dieu avait prévu à quel point l’homme qu’il a créé bon devait devenir méchant et quel bien il devait tirer de sa malice. En effet, quoique l’on dise que Dieu change ses conseils (d’où vient que, par une expression figurée, on lit dans l’Ecriture qu’il s’est repenti1), cela ne doit s’entendre que par rapport à ce que l’homme attendait ou à l’ordre des causes naturelles, et non par rapport à la prescience de Dieu. Dieu, comme parle l’Ecriture, a créé l’homme droit2, et par conséquent avec une bonne volonté; autrement il n’aurait pas été droit. La bonne volonté est donc l’ouvrage de Dieu, puisque l’homme l’a reçue dès l’instant de sa création. Quant à la première mauvaise volonté, elle a précédé dans l’homme toutes les mauvaises oeuvres; elle a plutôt été en lui une défaillance et un abandon de l’ouvrage de Dieu, pour se porter vers ses propres ouvrages, qu’aucune oeuvre positive. Si ces ouvrages de la volonté ont été mauvais, c’est qu’ils n’ont pas eu Dieu pour fin, mais la volonté elle-même; en sorte que c’est cette volonté ou l’homme en tant qu’ayant une mauvaise volonté, qui a été comme le mauvais arbre qui a produit ces mauvais fruits. Or, bien que la mauvaise volonté, loin d’être selon la nature, lui soit contraire, parce qu’elle est un vice, - il n’en est pas moins vrai que, comme tout vice, elle ne peut être que dans une nature, mais dans une nature que le Créateur a tirée du néant, et non dans celle qu’il a engendrée de lui-même, telle qu’est le Verbe, par qui toutes choses ont été faites. Dieu a formé l’homme de la poussière de la terre, mais la terre elle-même a été créée de rien, aussi bien que l’âme de l’homme. Or, le mal est tellement surmonté par le bien, qu’encore que Dieu permette qu’il y en ait, afin de faire voir comment sa justice en peut bien user, ce bien néanmoins peut être sans le mal, comme en Dieu, qui est le souverain bien, et dans toutes les créatures célestes et invisibles qui font leur demeure au-dessus de cet air ténébreux, au lieu que le mal ne saurait subsister sans le bien, parce que les natures en qui il est sont bonnes comme natures. Aussi l’on ôte le mal, non en ôtant quelque nature étrangère, ou quelqu’une de ses parties, mais en guérissant celle qui était corrompue. Le libre arbitre est donc vraiment libre quand il n’est point esclave du péché. Dieu l’avait donné tel à l’homme; et maintenant qu’il l’a perdu par sa faute, il n’y a que celui qui le lui avait donné qui puisse le lui rendre. C’est pourquoi la Vérité dit : « Si le Fils vous met en liberté, c’est alors que vous serez vraiment libres l »; ce qui revient à ceci : Si le Fils vous sauve , c’est alors que vous serez vraiment sauvés. En effet, le Christ n’est notre libérateur que par cela même qu’il est notre sauveur.
L’homme vivait donc selon Dieu dans le paradis à la fois corporel et spirituel. Car il n’y avait pas un paradis corporel pour les biens du corps, sans un paradis spirituel pour ceux de l’esprit; et, d’un autre côté, un paradis spirituel, source de jouissances intérieures, ne pouvait être sans un paradis corporel, source de jouissances extérieures. Il y avait donc, pour ce double objet, un double paradis3. Mais cet ange superbe et envieux (dont j’ai raconté la chute aux livres précédents4, aussi bien que celle des autres anges devenus ses compagnons), ce prince des démons qui s’éloigne de son Créateur pour se tourner vers lui-même, et s’érige en tyran plutôt que de rester sujet, ayant été jaloux du bonheur de l’homme, choisit le serpent, animal fin et rusé, comme l’instrument le plus propre à l’exécution de son dessein, et s’en servit pour parler à la femme, c’est-à-dire à la partie la plus faible du premier couple humain, afin d’arriver au tout par degrés, parce qu’il ne croyait pas l’homme aussi crédule, ni capable de se laisser abuser, si ce n’est par complaisance pour l’erreur d’un autre. De même qu’Aaron ne se porta pas à fabriquer une idole aux Hébreux de son propre mouvement, mais parce qu’il y fut forcé par leurs instances5, de même encore qu’il n’est pas croyable que Salomon ait cru qu’il fallait adorer des simulacres, mais qu’il fut entraîné à ce culte sacrilége par les caresses de ses concubines6, ainsi n’y a-t-il pas d’apparence que le premier homme ait violé la loi de Dieu pour avoir été trompé par sa femme, mais pour n’avoir pu résister à l’amour qu’il lui portait. Si l’Apôtre a dit : « Adam n’a point été séduit, mais bien la femme7 » ; ce n’est que parce que la femme ajouta foi aux paroles du serpent et que l’homme ne voulut pas se séparer d’elle, même quand il s’agissait de mal faire. Il n’en est pas toutefois moins coupable, attendu qu’il n’a péché qu’avec connaissance. Aussi saint Paul ne dit pas : Il n’a point péché, mais : Il n’a point été séduit. L’Apôtre témoigne bien au contraire qu’Adam a péché, quand il dit: « Le péché est entré dans le monde par un seul homme » ; et peu après, encore plus clairement : « A la ressemblance de la prévarication d’Adam8» . Il entend donc que ceux-là sont séduits qui ne croient pas mal faire ; or, Adam savait fort bien qu’il faisait mal ; autrement, comment serait-il vrai qu’il n’a pas été séduit ? Mais n’ayant pas encore fait l’épreuve de la sévérité de la justice de Dieu, il a pu se tromper en jugeant sa faute vénielle. Ainsi il n’a pas été séduit, puisqu’il n’a pas cru ce que crut sa femme, mais il s’est trompé en se persuadant que Dieu se contenterait de cette excuse qu’il lui allégua ensuite: « La femme que vous m’avez donnée pour compagne m’a présenté du fruit et j’en ai mangé9 ». Qu’est-il besoin d’en dire davantage ? Il est vrai qu’ils n’ont pas tous deux été crédules, mais ils ont été tous deux pécheurs et sont tombés tous deux dans les filets du diable.
Edition
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De civitate Dei (CCSL)
Caput XI: De lapsu primi hominis, in quo bene condita natura uitiata est, nec potest nisi a suo auctore reparari.
Sed quia deus cuncta praesciuit et ideo quoque hominem peccaturum ignorare non potuit: secundum id, quod praesciuit atque disposuit, ciuitatem sanctam debemus adserere, non secundum illud, quod in nostram cognitionem peruenire non potuit, quia in dei dispositione non fuit. neque enim homo peccato suo diuinum potuit perturbare consilium, quasi deum quod statuerat mutare conpulerit; cum deus praesciendo utrumque praeuenerit, id est et homo, quem bonum ipse creauit, quam malus esset futurus, et quid boni etiam sic de illo esset ipse facturus. deus enim etsi dicitur statuta mutare - unde tropica locutione in scripturis etiam paenituisse legitur deum - , iuxta id dicitur, quod homo sperauerat uel naturalium causarum ordo gestabat, non iuxta id, quod se omnipotens facturum esse praesciuerat. fecit itaque deus, sicut scriptum est, hominem rectum ac per hoc uoluntatis bonae. non enim rectus esset bonam non habens uoluntatem. bona igitur uoluntas opus est dei; cum ea quippe ab illo factus est homo. mala uero uoluntas prima, quoniam omnia opera mala praecessit in homine, defectus potius fuit quidam ab opere dei ad sua opera quam opus ullum, et ideo mala opera, quia secundum se, non secundum deum; ut eorum operum tamquam fructuum malorum uoluntas ipsa esset uelut arbor mala aut ipse homo in quantum malae uoluntatis. porro mala uoluntas quamuis non sit secundum naturam, sed contra naturam, quia uitium est, tamen eius naturae est, cuius est uitium, quod nisi in natura non potest esse; sed in ea, quam creauit ex nihilo, non quam genuit creator de se met ipso, sicut genuit uerbum, per quod facta sunt omnia; quia, etsi de terrae puluere deus finxit hominem, eadem terra omnisque terrena materies omnino de nihilo est, animamque de nihilo factam dedit corpori, cum factus est homo. usque adeo autem mala uincuntur a bonis, ut, quamuis sinantur esse ad demonstrandum quam possit et ipsis bene uti iustitia prouidentissima creatoris, bona tamen sine malis esse possint, sicut deus ipse uerus et summus, sicut omnis super istum caliginosum aerem caelestis inuisibilis uisibilisque creatura; mala uero sine bonis esse non possint, quoniam naturae, in quibus sunt, in quantum naturae sunt, utique bonae sunt. detrahitur porro malum non aliqua natura, quae accesserat, uel ulla eius parte sublata, sed ea, quae uitiata ac deprauata fuerat, sanata atque correcta. arbitrium igitur uoluntatis tunc est uere liberum, cum uitiis peccatisque non seruit. tale datum est a deo; quod amissum proprio uitio, nisi a quo dari potuit, reddi non potest. unde ueritas dicit: si uos filius liberauit, tunc uere liberi eritis. id ipsum est autem, ac si diceret: si uos filius saluos fecerit, tunc uere salui eritis. inde quippe liberator, unde saluator. uiuebat itaque homo secundum deum in paradiso et corporali et spiritali. neque enim erat paradisus corporalis propter corporis bona et propter mentis non erat spiritalis; aut uero erat spiritalis quo per interiores, et non erat corporalis quo per exteriores sensus homo frueretur. erat plane utrumque propter utrumque. postea uero quam superbus ille angelus ac per hoc inuidus per eandem superbiam a deo ad se met ipsum conuersus et quodam quasi tyrannico fastu gaudere subditis quam esse subditus eligens de spiritali paradiso cecidit - de cuius lapsu sociorumque eius, qui ex angelis dei angeli eius effecti sunt, in libris undecimo et duodecimo huius operis satis, quantum potui, disputaui - , malesuada uersutia in hominis sensum serpere adfectans, cui utique stanti, quoniam ipse ceciderat, inuidebat, colubrum in paradiso corporali, ubi cum duobus illis hominibus, masculo et femina, animalia etiam terrestria cetera subdita et innoxia uersabantur, animal scilicet lubricum et tortuosis anfractibus mobile, operi suo congruum, per quem loqueretur, elegit; eoque per angelicam praesentiam praestantioremque naturam spiritali nequitia sibi subiecto et tamquam instrumento abutens fallacia sermocinatus est feminae, a parte scilicet inferiore illius humanae copulae incipiens, ut gradatim perueniret ad totum, non existimans uirum facile credulum nec errando posse decipi, sed dum alieno cedit errori. sicut enim Aaron erranti populo ad idolum fabricandum non consensit inductus, sed cessit obstrictus nec Salomonem credibile est errore putasse idolis esse seruiendum, sed blanditiis femineis ad illa sacrilegia fuisse conpulsum: ita credendum est illum uirum suae feminae, uni unum, hominem homini, coniugem coniugi, ad dei legem transgrediendam non tamquam uerum loquenti credidisse seductum, sed sociali necessitudine paruisse. non enim frustra dixit apostolus: Adam non est seductus, mulier autem seducta est, nisi quia illa quod ei serpens locutus est, tamquam uerum esset, accepit, ille autem ab unico noluit consortio dirimi nec in communione peccati; nec ideo minus reus, si sciens prudensque peccauit. unde et apostolus non ait: non peccauit, sed: non est seductus; nam utique ipsum ostendit, ubi dicit: per unum hominem peccatum intrauit in mundum, et paulo post apertius: in similitudine, inquit, praeuaricationis Adae. hos autem seductos intellegi uoluit, qui id, quod faciunt, non putant esse peccatum; ille autem sciuit. alioquin quomodo uerum erit: Adam non est seductus? sed inexpertus diuinae seueritatis in eo falli potuit, ut ueniale crederet esse commissum. ac per hoc in eo quidem, quo mulier seducta est, non est ille seductus, sed eum fefellit, quomodo fuerat iudicandum quod erat dicturus: mulier, quam dedisti me cum, ipsa mihi dedit, et manducaui. quid ergo pluribus? etsi credendo non sunt ambo decepti, peccando tamen ambo sunt capti et diaboli laqueis inplicati.