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La cité de dieu
CHAPITRE IX.
S’IL Y A DES ANTIPODES.
Quant à leur fabuleuse opinion qu’il y a des antipodes, c’est-à-dire des hommes dont les pieds sont opposés aux nôtres et qui habitent cette partie de la terre où le soleil se lève quand il se couche pour nous, il n’y a aucune raison d’y croire. Aussi ne l’avancent-ils sur le rapport d’aucun témoignage historique, mais sur des conjectures et des raisonnements, parce que, disent-ils, la terre étant ronde, est suspendue entre les deux côtés de la voûte céleste, la partie qui est sous nos pieds, placée dans les mêmes conditions de température, ne peut pas être sans habitants1 . Mais quand on montrerait que la terre est ronde, il ne s’ensuivrait pas que la partie qui nous est opposée ne fût point couverte d’eau. D’ailleurs, ne le serait-elle pas, quelle nécessité qu’elle fût habitée, puisque, d’un côté, l’Ecriture ne peut mentir, et que, de l’autre, il y a trop d’absurdité à dire que les hommes aient traversé une si vaste étendue de mer pour aller peupler cette autre partie du monde2. — Voyons donc si nous pourrons trouver la Cité de Dieu parmi ces hommes qui, selon la Genèse, furent divisés en soixante-douze nations et autant de langues. Il est évident qu’elle a persévéré dans les enfants de Noé, surtout dans l’aîné, qui est Sem, puisque la bénédiction de Japhet enferme en quelque sorte celle de Sem, et qu’il doit habiter dans les demeures de ses frères.
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Voyez sur la notion des Antipodes chez les géographes anciens la note de Louis Vivès, en son commentaire de la Cité de Dieu, tome II, page 118. ↩
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On remarquera que saint Augustin, sans nier d’une manière absolue la possibilité physique des antipodes, se borne à élever une difficulté très-sérieuse en elle-même et particulièrement délicate pour on chrétien, celle de concilier les données de la géographie avec l’unité des races humaines. Lactance s’était montré beaucoup moins réservé, quand il traitait d’inepte la conception d’une terre ronde et d’hommes ayant la tête plus bas que les pieds. (Inst. lib., III, cap. 24). Est-ce par ces puissantes raisons que le pape Zacharie accusa la théorie des antipodes de perversité et d’iniquité (Epist. X ad Bonif.)? Je ne sais, mais la postérité a dit avec Pascal: « Ne vous imaginez pas que les lettres du pape Zacharie pour l’excommunication de saint Virgile, sur ce qu’il tenait qu’il y avait des antipodes, aient anéanti ce nouveau monde, et qu’encore qu’il eût déclaré que cette opinion était une erreur bien dangereuse, le roi d’Espagne ne se soit pas bien trouvé d’en avoir plutôt cru Christophe Colomb, qui en revenait, que le jugement de ce pape qui n’y avait pas été (Provinciales, lettre 13). » ↩
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The City of God
Chapter 9.--Whether We are to Believe in the Antipodes.
But as to the fable that there are Antipodes, that is to say, men on the opposite side of the earth, where the sun rises when it sets to us, men who walk with their feet opposite ours, that is on no ground credible. And, indeed, it is not affirmed that this has been learned by historical knowledge, but by scientific conjecture, on the ground that the earth is suspended within the concavity of the sky, and that it has as much room on the one side of it as on the other: hence they say that the part which is beneath must also be inhabited. But they do not remark that, although it be supposed or scientifically demonstrated that the world is of a round and spherical form, yet it does not follow that the other side of the earth is bare of water; nor even, though it be bare, does it immediately follow that it is peopled. For Scripture, which proves the truth of its historical statements by the accomplishment of its prophecies, gives no false information; and it is too absurd to say, that some men might have taken ship and traversed the whole wide ocean, and crossed from this side of the world to the other, and that thus even the inhabitants of that distant region are descended from that one first man. Wherefore let us seek if we can find the city of God that sojourns on earth among those human races who are catalogued as having been divided into seventy-two nations and as many languages. For it continued down to the deluge and the ark, and is proved to have existed still among the sons of Noah by their blessings, and chiefly in the eldest son Shem; for Japheth received this blessing, that he should dwell in the tents of Shem.