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Werke Augustinus von Hippo (354-430) De Civitate Dei

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La cité de dieu

CHAPITRE VIII.

DES MIRACLES QUI ONT ÉTÉ FAITS POUR QUE LE MONDE CRUT EN JÉSUS-CHRIST ET QUI N’ONT PAS CESSÉ DEPUIS QU’IL Y CROIT.

Pourquoi, nous dit-on, ces miracles qui, selon vous, se faisaient autrefois, ne se font-ils plus aujourd’hui? Je pourrais répondre que les miracles étaient nécessaires avant que le monde crût, pour le porter à croire, tandis qu’aujourd’hui quiconque demande encore des miracles pour croire est lui-même un grand miracle de ne pas croire ce que toute la terre croit; mais ils ne parlent ainsi que pour faire douter de la réalité des miracles. Or, d’où vient qu’on publie si hautement partout que Jésus-Christ est monté au ciel avec son corps? d’où vient qu’en des siècles éclairés, où l’on rejetait tout ce qui paraissait impossible, le monde a cru sans miracles des choses tout à fait incroyables? Aiment-ils mieux dire qu’elles étaient incroyables, et que c’est pour cela qu’on les a crues? Que ne les croient-ils donc eux-mêmes? Voici donc à quoi se réduit tout notre raisonnement : ou bien des choses incroyables que tout le monde voyait ont persuadé une chose incroyable que tout le monde ne voyait pas; ou bien cette chose était tellement croyable qu’elle n’avait pas besoin de miracles pour être crue, et, dans ce dernier cas, où trouver une opiniâtreté plus extrême que celle de nos adversaires? Voilà ce qu’on peut répondre aux plus obstinés. Que plusieurs miracles aient été opérés pour assurer ce grand et salutaire miracle par lequel Jésus-Christ est ressuscité et monté au ciel avec son corps, c’est ce que l’on ne peut nier. En effet, ils sont consignés dans les livres sacrés qui déposent tout ensemble et de la réalité de ces miracles et de la foi qu’ils devaient fonder. La renommée de ces miracles s’est répandue pour donner la foi, et la foi qu’ils leur ont donnée ajoute à leur renommée un nouvel éclat. On les lit aux peuples afin qu’ils croient, et néanmoins on ne les leur lirait pas, si déjà ils n’avaient été crus. Car il se fait encore des miracles au nom de Jésus-Christ, soit par les sacrements, soit par les prières et les reliques des saints, mais ils ne sont pas aussi célèbres que les premiers. Le canon des saintes Lettres, qui devait être fixé par l’Eglise, fait connaître ces premiers miracles en tous lieux et les confie à la mémoire des peuples. Au contraire, ceux-ci ne sont connus qu’aux lieux où ils se passent, et souvent à peine le sont-ils d’une ville entière, surtout quand elle est grande, ou d’un voisinage restreint. Ajoutez enfin que l’autorité de ceux qui les rapportent, tout fidèles qu’ils sont et s’adressant à des fidèles, n’est pas assez considérable pour ne laisser aucun doute aux bons esprits.

Le miracle qui eut lieu à Milan (j’y étais alors), quand un aveugle recouvra la vue, a pu être connu de plusieurs; en effet, la ville est grande, l’empereur était présent, et ce miracle s’opéra à la vue d’un peuple immense accouru de tous côtés pour voir les corps des saints martyrs Gervais et Protais, qui avaient été découverts en songe à l’évêque Ambroise. Or, par la vertu de ces reliques, l’aveugle sentit se dissiper les ténèbres de ses yeux et recouvra la vue1 .

Mais qui, à l’exception d’un petit nombre, a entendu parler à Carthage de la guérison miraculeuse d’Innocentius, autrefois avocat de la préfecture, guérison que j’ai vue de mes propres yeux? C’était un homme très-pieux, ainsi que toute sa maison, et il nous avait reçus chez lui, mon frère Alype2 et moi, au retour de notre voyage d’outre-mer, quand nous n’étions pas encore clercs, mais engagés cependant au service de Dieu; nous demeurions donc avec lui. Les médecins le traitaient de certaines fistules hémorroïdales qu’il avait en très-grande quantité, et qui le faisaient beaucoup souffrir. Ils avaient déjà appliqué le fer et usé de tous les médicaments que leur conseillait leur art. L’opération avait été fort douloureuse et fort longue; mais les médecins, par mégarde, avaient laissé subsister une fistule qu’ils n’avaient point vue entre toutes les autres. Aussi , tandis qu’ils soignaient et guérissaient toutes les fistules ouvertes, celle-là seule rendait leurs soins inutiles. Le malade, se défiant de ces longueurs, et appréhendant extrêmement une nouvelle incision, comme le lui avait fait craindre un médecin , son domestique, que les autres avaient renvoyé au moment de l’opération, ne voulant pas de lui, même comme simple témoin, et que son maître, après l’avoir chassé dans un accès de colère, n’avait consenti à recevoir qu’avec beaucoup de difficulté, le malade, dis-je, s’écria un jour, hors de lui : Est-ce que vous allez m’inciser encore? et faudra-t-il que je souffre ce que m’a prédit celui que vous avez éloigné? — Alors ils commencèrent à se moquer de l’ignorance de leur confrère et à rassurer le malade par de belles- promesses. Cependant plusieurs jours se passent, et tout ce que l’un tentait était inutile. Les médecins persistaient toujours à dire qu’ils guériraient cette hémorroïde par la force de leurs médicaments, sans employer le fer. Ils appelèrent un vieux praticien, fameux par ces sortes de cures, nommé Ammonius, qui, après avoir examiné le mal, en porta le même jugement. Le malade , se croyant déjà hors d’affaire, raillait le médecin domestique, sur ce qu’il avait prédit qu’il faudrait une nouvelle opération. Que dirai-je de plus? Après bien des jours, inutilement reculés, ils en vinrent à avouer, las et confus, que le fer pouvait seul opérer la guérison. Le malade épouvanté, pâlissant, aussitôt que son extrême frayeur lui eût permis de parler, leur enjoignit de se retirer et de ne plus revenir.

Cependant, après avoir longtemps pleuré, il n’eut d’autre ressource que d’appeler un certain Alexandrin, chirurgien célèbre, pour faire ce qu’il n’avait pas voulu que les autres fissent. Celui-ci vint donc; mais après avoir reconnu par les cicatrices l’habileté de ceux qui l’avaient traité, il lui conseilla, en homme de bien, de les reprendre, et de ne pas les priver du fruit de leurs efforts. Il ajouta qu’Innocentius ne pouvait guérir, en effet, qu’en subissant une nouvelle incision, mais qu’il ne voulait point avoir l’honneur d’une cure si avancée, et dans laquelle il admirait l’adresse de ceux qui l’avaient précédé. Le malade se réconcilia donc avec ses médecins; il fut résolu qu’ils feraient l’opération en présence de l’Alexandrin, et elle fut remise par eux au lendemain. Cependant, les médecins s’étant retirés, le malade tomba dans une si profonde tristesse que toute sa maison en fut remplie de deuil, comme s’il eût déjà été mort. Il était tous les jours visité par un grand nombre de personnes pieuses, et entre autres par Saturnin, d’heureuse mémoire, évêque d’Uzali, et par Gélose, prêtre, ainsi que par quelques diacres de l’Eglise de Carthage. De ce nombre aussi était l’évêque Aurélius, le seul de tous qui ait survécu , personnage éminemment respectable avec lequel nous nous sommes souvent entretenus de ce miracle de Dieu, dont il se souvenait parfaitement. Comme ils venaient, sur le soir, voir le malade, suivant leur ordinaire, il les pria de la manière la plus attendrissante d’assister le lendemain même à ses funérailles plutôt qu’à ses souffrances, car les incisions précédentes lui avaient causé tant de douleur qu’il croyait fermement mourir entre les mains des médecins. Ceux-ci le consolèrent du mieux qu’ils purent, et l’exhortèrent à se confier à Dieu et à se soumettre à sa volonté. Ensuite nous nous mîmes en prière; et nous étant agenouillés et prosternés à terre, selon notre coutume, il s’y jeta lui-même avec tant d’impétuosité qu’il semblait que quelqu’un l’eût fait tomber rudement, et il commença à prier. Mais q ai pourrait exprimer de quelle manière, avec quelle ardeur, quels transports, quels torrents de larmes, quels gémissements et quels sanglots, tellement enfin que tous ses membres tremblaient et qu’il était comme suffoqué! Je ne sais si les autres priaient et. si tout cela ne les détournait point; pour (520) moi, je ne le pouvais faire, et je dis seulement en moi-même ce peu de mots: Seigneur, quelles prières de vos serviteurs exaucerez-vous, si vous n’exaucez pas celles-ci? Il me paraissait qu’on n’y pouvait rien ajouter, sinon d’expirer en priant. Nous nous levons, et, après avoir reçu la bénédiction de l’évêque, nous nous retirons, le malade priant les assistants de se trouver le lendemain matin chez lui, et nous, l’exhortant à avoir bon courage. Le jour venu, ce jour tant appréhendé, les serviteurs de Dieu arrivèrent, comme ils l’avaient promis. Les médecins entrent; on prépare tout ce qui est nécessaire à l’opération, on tire les redoutables instruments; chacun demeure interdit et en suspens. Ceux qui avaient le plus d’autorité encouragent le malade, tandis qu’on le met sur son lit dans la position la plus commode pour l’incision; on délie les bandages, on met à nu la partie malade, le médecin regarde, et cherche de l’oeil et de la main l’hémorroïde qu’il devait ouvrir. Enfin, après avoir exploré de toutes façons la partie malade, il finit par trouver une cicatrice très-ferme. — Il n’y a point de paroles capables d’exprimer la joie, le ravissement, et les actions de grâces de tous ceux qui étaient présents. Ce furent des larmes et des exclamations que l’on peut s’imaginer, mais qu’il est impossible de rendre.

Dans la même ville de Carthage, Innocentia, femme très-pieuse et du rang le plus distingué, avait au sein un cancer, mal incurable, à ce que disent les médecins3. On a coutume de couper et de séparer du corps la partie où est le mal, ou, si l’on veut prolonger un peu la vie du malade, de n’y rien faire; et c’est, dit-on, le sentiment d’Hippocrate4. Cette dame l’avait appris d’un savant médecin, son ami, de sorte qu’elle n’avait plus recours qu’à Dieu. La fête de Pâques étant proche, elle fut avertie en songe de prendre garde à la première femme qui se présenterait à elle au sortir du baptistère5, et de la prier de faire le signe de la croix sur son mal. Cette femme le fit, et Innocentia fut guérie à l’heure même. Le médecin qui lui avait conseillé de n’employer aucun remède, si elle voulait vivre un peu plus longtemps, la voyant guérie, lui demanda vivement ce qu’elle avait fait pour cela, étant bien aise sans doute d’apprendre un remède qu’Hippocrate avait ignoré. Elle lui dit ce qui en était, non sans craindre, à voir son visage méfiant, qu’il ne lui répondît quelque parole injurieuse au Christ : « Vraiment, s’écria-t-il, je pensais que vous m’alliez dire quelque chose de bien merveilleux! » Et comme elle se révoltait déjà : « Quelle grande merveille, ajouta-t-il, que Jésus-Christ ait guéri un cancer au sein, lui qui a ressuscité un mort de quatre jours6? » Quand j’appris ce qui s’était passé, je ne pus supporter la pensée qu’un si grand miracle, arrivé dans une si grande ville, à une personne de si haute condition, pût demeurer caché; je fus même sur le point de réprimander cette dame. Mais quand elle m’eut assuré qu’elle ne l’avait point passé sous silence, je demandai à quelques dames de ses amies intimes, qui étaient alors avec elle, si elles le savaient. Elles me dirent que non. « Voilà donc, m’écriai-je, de quelle façon vous le publiez! vos meilleures amies n’en savent rien ! » Et comme elle m’avait rapporté le fait très-brièvement, je lui en fis recommencer l’histoire tout au long devant ces dames, qui en furent singulièrement étonnées et en rendirent gloire à Dieu.

Un médecin goutteux de la même ville, ayant donné son nom pour être baptisé, vit en songe, la nuit qui précéda son baptême, des petits enfants noirs et frisés qu’il prit pour des démons, et qui lui défendirent de se faire baptiser cette année-là. Sur son refus de leur obéir, ils lui marchèrent sur les pieds, en sorte qu’il y sentit des douleurs plus cruelles que jamais. Cela ne l’empêcha point de se faire baptiser le lendemain, comme il l’avait promis à Dieu, et il sortit du baptistère non-seulement guéri de ses douleurs extraordinaires, mais encore de sa goutte, sans qu’il en ait jamais rien ressenti, quoique ayant encore longtemps vécu. Qui a entendu parler de ce miracle? Cependant nous l’avons connu, nous et un certain nombre de frères à qui le bruit en a pu parvenir.

Un ancien mime de Curube7 fut guéri de même d’une paralysie et d’une hernie, et sortit du baptême comme s’il n’avait jamais rien eu. Qui connaît ce miracle, hors ceux de Curube, et peut-être un petit nombre de personnes? Pour nous, quand nous l’apprîmes, nous fîmes venir cet homme à Carthage, par l’ordre du saint évêque Aurélius, bien que nous en eussions été informés par des personnes tellement dignes de foi que nous n’en pouvions douter.

Hespérius, d’une famille tribunitienne, possède dans notre voisinage un domaine sur les terres de Fussales8, appelé Zubédi. Ayant reconnu que l’esprit malin tourmentait ses esclaves et son bétail, il pria nos prêtres, en mon absence, de vouloir bien venir chez lui afin d’en chasser les démons. L’un d’eux s’y rendit, et offrit le sacrifice du corps de Jésus-Christ, avec de ferventes prières, pour faire cesser cette possession. Aussitôt elle cessa par la miséricorde de Dieu. Or, Hespérius avait reçu d’un de ses amis un peu de la terre sainte de Jérusalem où Jésus-Christ fut enseveli et ressuscita le troisième jour. Il avait suspendu cette ferre dans sa chambre à coucher, pour se mettre lui-même à l’abri des obsessions du démon. Lorsque sa maison en fut délivrée, il se demanda ce qu’il ferait de cette terre qu’il ne voulait plus, par respect, garder dans sa chambre. Il arriva par hasard que mon collègue Maximin, évêque de Sinite, et moi, nous étions alors dans les environs. ilespérius nous fit prier de l’aller voir, et nous y allâmes. Il nous raconta tout ce qui s’était passé, et nous pria d’enfouir cette terre en un lieu où les chrétiens pussent s’assembler pour faire le service de Dieu. Nous y consentîmes. Il y avait près de là un jeune paysan paralytique, qui, sur cette nouvelle, pria ses parents de le porter sans délai vers ce saint lieu ; et à peine y fut-il arrivé et eut-il prié, qu’il put s’en retourner sur ses pieds, parfaitement guéri.

Dans une métairie nommée Victoriana, à trente milles d’Hippone, il y a un monument en l’honneur des deux martyrs de Milan, Gervais et Protais. On y porta un jeune homme qui, étant allé vers midi, pendant l’été, abreuver son cheval à la rivière, fut possédé par le démon. Comme il était étendu mourant et semblable à un mort, la maîtresse du lieu vint sur le soir, selon sa coutume, près du monument, avec ses servantes et quelques religieuses, pour y chanter des hymnes et y faire sa prière. Alors le démon, frappé et comme réveillé par ces voix, saisit l’autel avec un frémissement terrible, et sans oser ou sans pouvoir le remuer, il s’y tenait attaché et pour ainsi dire lié. Puis, priant d’une voix gémissante, il suppliait qu’on lui pardonnât, et il confessa même comment et en quel endroit il était entré dans le corps de ce jeune homme. A la fin, promettant d’en sortir, il en nomma toutes les parties, avec menace de les couper, quand il sortirait, et, en disant cela, il se retira de ce jeune homme. Mais l’oeil du malheureux tomba sur sa joue, retenu par une petite veine comme par une racine, et la prunelle devint toute blanche. Ceux qui étaient présents et qui s’étaient mis en prière avec les personnes accourues au bruit, touchés de ce spectacle et contents de voir ce jeune homme revenu à son bon sens, s’affligeaient néanmoins de la perte de son oeil et disaient qu’il fallait appeler un médecin. Alors le beau-frère de celui qui l’avait transporté prenant la parole: « Dieu, dit-il, qui a chassé le « démon à la prière de ces saints, peut bien aussi rendre la vue à ce jeune homme ». Là-dessus il remit comme il put l’oeil à sa place et le banda avec son mouchoir; sept jours après, il crut pouvoir l’enlever, et il trouva l’oeil parfaitement guéri. D’autres malades encore trouvèrent en ce lieu leur guérison; mais ce récit nous mènerait trop loin.

Je connais une fille d’Hippone, qui, s’étant frottée d’une huile où le prêtre qui priait pour elle avait mêlé ses larmes, fut aussitôt délivrée du malin esprit. Je sais que la même chose arriva à un jeune homme, la première fois qu’un évêque, qui ne l’avait point vu, pria pour lui.

Il y avait à Hippone un vieillard nommé Florentius, homme pauvre et pieux, qui vivait de son métier de tailleur. Ayant perdu l’habit qui le couvrait et n’ayant pas de quoi en acheter un autre, il courut au tombeau des Vingt. Martyrs9, qui est fort célèbre chez nous, et les pria de le vêtir. Quelques jeunes gens qui se trouvaient là par hasard, et qui avaient envie de rire, l’ayant entendu, le suivirent quand il sortit et se mirent à le railler, comme s’il eût demandé cinquante oboles aux martyrs pour avoir un habit. Mais lui, continuant toujours son chemin sans rien dire, vit un grand poisson qui se débattait sur le rivage; il le prit avec le secours de ces jeunes gens, et In vendit trois cents oboles à un cuisinier nommé Catose, chrétien zélé, à qui il raconta tout ce qui s’était passé. Il se disposait à acheter de la laine, afin que sa femme lui en fît tel habit qu’elle pourrait; mais le cuisinier ayant ouvert le poisson, trouva dedans une bague d’or. Touché à la fois de compassion et de pieux effroi, il la porta à cet homme, en lui disant: Voilà comme les vingt Martyrs ont pris soin de vous vêtir.

L’évêque Projectus ayant apporté à Tibilis des reliques du très-glorieux martyr saint Etienne, il se fit autour du reliquaire un grand concours de peuple. Une femme aveugle des environs pria qu’on la menât à l’évêque qui portait ce sacré dépôt, et donna des fleurs pour les faire toucher aux reliques. Quand on les lui eut rendues, elle les porta à ses yeux, et recouvra tout d’un coup la vue. Tous ceux qui étaient présents furent surpris de ce miracle; mais elle, d’un air d’allégresse, se mit à marcher la première devant eux et n’eut plus besoin de guide.

Lucillus, évêque de Sinite, ville voisine d’Hippone, portait en procession les reliques du même martyr, fort révéré en ce lieu. Une fistule, qui le faisait beaucoup souffrir et que son médecin était sur le point d’ouvrir, fut tout d’un coup guérie par l’effet de ce pieux fardeau ; car il n’en souffrit plus désormais.

Eucharius, prêtre d’Espagne, qui habitait à Calame10, fut guéri d’une pierre, qui le tourmentait depuis longtemps, par les reliques du même martyr, que l’évêque Possidius11 y apporta. Le même prêtre, étant en proie à une autre maladie qui le mit si bas qu’on le croyait mort et que déjà on lui avait lié les mains, revint par le secours du même martyr. On jeta sur les reliques sa robe de prêtre que l’on remit ensuite sur lui, et il fut rappelé à la vie.

Il y avait là un homme fort âgé, nommé Martial, le plus considérable de la ville, qui avait une grande aversion pour la religion chrétienne. Sa fille était chrétienne et son gendre avait été baptisé la même année. Ceux-ci le voyant malade, le conjurèrent en pleurant de se faire chrétien; mais il refusa, et les chassa avec colère d’auprès de lui. Son gendre trouva à propos d’aller au tombeau de saint Etienne, pour demander à Dieu la conversion de son beau-père. Il pria avec beaucoup de ferveur, et, prenant quelques fleurs de l’autel, les mit sur la tête du malade, comme il était déjà nuit., Le vieillard s’endormit; mais il n’était pas jour encore qu’il cria qu’on allât chercher l’évêque qui se trouvait alors avec moi à Hippone. A son défaut, il fit venir des prêtres, à qui il dit qu’il était chrétien, et qui le baptisèrent, au grand étonnement de fout le monde. Tant qu’il vécut, il eut toujours ces mots à la bouche: «Seigneur Jésus, recevez mon esprit » ; sans savoir que ces paroles, les dernières qu’il prononça, avaient été aussi les dernières paroles de saint Etienne, quand il fut lapidé par les Juifs.

Deux goutteux, l’un citoyen et l’autre étranger, furent aussi guéris par le même saint:

le premier fut guéri instantanément ; le second eut une révélation de ce qu’il devait faire, quand la douleur se ferait sentir; il le fit et fut soulagé.

Audurus est une terre où il y a une église, et dans cette église une chapelle dédiée à saint Etienne. Il arriva par hasard que, pendant qu’un petit enfant jouait dans la cour, des boeufs qui traînaient un chariot, sortant de leur chemin, firent passer la roue sur lui et le tuèrent. Sa mère l’emporte et le place près du lieu consacré au saint ; or, non-seulement il recouvra la vie, mais il ne parut pas même qu’il eût été blessé.

Une religieuse qui demeurait à Caspalium, terre située dans les environs , étant fort malade et abandonnée des médecins, on porta sa robe à la même chapelle ; mais la religieuse mourut avant qu’on eût eu le temps de la rapporter. Cependant ses parents en couvrirent -son corps inanimé, et aussitôt elle ressuscita et fut guérie.

A Hippone, un nommé Bassus, de Syrie, priait devant les reliques du saint martyr pour sa fille, dangereusement malade ; il avait apporté avec lui la robe de son enfant. Tout à coup ses gens accoururent pour lui annoncer qu’elle était morte. Mais quelques-uns de ses amis, qu’ils rencontrèrent en chemin, les empêchèrent de lui annoncer cette nouvelle, (523) de peur qu’il ne pleurât devant tout le monde. De retour chez lui, et quand la maison retentissait déjà des plaintes de ses domestiques, il jeta sur sa fille la robe qu’il apportait de l’église, et elle revint incontinent à la vie.

Le fils d’un certain Irénéus, collecteur des impôts, était mort dans la même ville. Pendant que l’on se préparait à faire ses funérailles, un des amis du père lui conseilla de faire frotter le corps de son fils de l’huile du même martyr. On le fit, et l’enfant ressuscita.

L’ancien tribun Eleusinus, qui avait mis son fils, mort de maladie, sur le tombeau du môme martyr, voisin du faubourg où il demeurait, le remporta vivant, après avoir prié et versé des larmes pour lui.

Je pourrais encore rapporter un grand nombre d’autres miracles que je connais; mais comment faire? il faut bien, comme je l’ai promis, arriver à la fin de cet ouvrage. Je ne doute point que plusieurs des nôtres qui me liront ne soient fâchés que j’en aie omis beaucoup qu’ils connaissent aussi bien que moi; mais je les prie de m’excuser, et de considérer combien il serait long de faire ce que je suis obligé de négliger. Si je voulais rapporter seulement toutes les guérisons qui ont été opérées à Calame et à Hippone par le glorieux martyr saint Etienne, elles contiendraient plusieurs volumes ; encore ne seraient-ce que celles dont on a écrit les relations pour les lire au peuple. Aussi bien, c’est par mes ordres que ces relations ont été dressées, quand j’ai vu se faire de notre temps plusieurs miracles semblables à ceux d’autrefois et dont il fallait ne pas laisser perdre la mémoire. Or, il n’y a pas encore deux ans que les reliques de ce martyr sont à Hippone12 ; et bien qu’on n’ait pas donné de relation de tous les miracles qui s’y sont faits, il s’en trouve déjà près de soixante-dix au moment où j’écris ceci. Mais à Calame, où les reliques de ce saint martyr sont depuis plus longtemps et où l’on a plus de soin d’écrire ces relations, le nombre en monte bien plus haut.

Nous savons encore que plusieurs miracles sont arrivés à Uzales, colonie voisine d’Utique, grâce aux reliques du même martyr, que l’évêque Evodius13 y avait apportées, bien avant qu’il y en eût à Hippone; mais on n’a pas coutume en ce pays d’en écrire dès relations, ou du moins cela ne se pratiquait pas autrefois. Peut-être le fait-on maintenant. Comme nous y étions, il n’y a pas longtemps, une dame de haute condition, nommée Pétronia, ayant été guérie miraculeusement d’une langueur qui avait épuisé tous les remèdes des médecins, nous l’exhortâmes, avec l’agrément de l’évêque, à en faire une relation qui pût être lue au peuple. Elle nous l’accorda fort obligeamment et y inséra une circonstance que je ne puis négliger ici, quoique pressé de passer à ce qui me reste à dire. Elle dit qu’un juif lui persuada de porter sur elle à nu une ceinture de cheveux où serait une bague dont le chaton avait été fait d’une pierre trouvée dans les reins d’un boeuf. Cette dame, portant cette ceinture sur elle, venait à l’église du saint martyr. Mais un jour partie de Carthage, comme elle s’était arrêtée dans une de ses terres sur les bords du fleuve Bagrada et qu’elle se levait pour continuer son chemin, elle fut tout étonnée de voir son anneau à ses pieds. Elle tâta sa ceinture pour voir si elle ne s’était pas détachée, et la trouvant bien liée, elle crut que l’anneau s’était rompu. Mais elle l’examina, le trouva parfaitement entier, et prit ce prodige pour une assurance de sa guérison. Elle délia donc sa ceinture et la jeta avec l’anneau dans le fleuve.

Ils ne croiront pas ce miracle ceux qui ne croient pas que le Seigneur Jésus-Christ soit sorti du sein de sa mère sans altérer sa virginité, et qu’il soit entré, toutes portes fermées, dans le lieu où étaient réunis ses disciples. Mais qu’ils s’informent au moins du fait que je viens de citer, et s’ils le trouvent vrai, qu’ils croient aussi le reste. C’est une dame illustre, de grande naissance, et mariée en haut lieu; elle demeure à Carthage. La ville est grande, et la personne connue. Il est donc impossible que ceux qui s’enquerront de ce miracle n’apprennent pas ce qui en est. Tout au moins le martyr même, par les prières duquel elle a été guérie, a cru au fils d’une vierge, à celui qui est entré, les portes fermées, dans le lieu où étaient réunis ses disciples; en un mot, et tout ce que nous disons présentement n’est que pour en venir là, il a cru en celui qui est monté au ciel avec le même corps dans lequel il est ressuscité; et si tant de merveilles s’opèrent par l’intercession du saint martyr, c’est qu’il a donné sa (524) vie pour maintenir sa foi. Il s’accomplit donc encore aujourd’hui beaucoup de miracles; le même Dieu qui a fait les prodiges que nous lisons fait encore ceux-ci par les personnes qu’il lui plaît de choisir, et comme il lui plaît. Mais ces derniers ne sont pas aussi connus, parce qu’une fréquente lecture ne les imprime pas dans la mémoire aussi fortement que les autres. Aux lieux mêmes où l’on prend soin d’en écrire des relations, ceux qui sont présents, lorsqu’on les lit, ne les entendent qu’une fois, et il y a beaucoup d’absents. Les personnes mêmes qui les ont entendu lire ne les retiennent pas, et à peine s’en trouve-t-il une seule de celles-là qui les rapporte aux autres.

Voici un miracle qui est arrivé parmi nous et qui n’est pas plus grand que ceux dont j’ai fait mention ; mais il est si éclatant que je ne crois pas qu’il y ait à Hippone une personne qui ne l’ait vu, ou qui n’en ait ouï parler, et qui jamais puisse l’oublier : dix enfants, dont sept fils et trois filles, natifs de Césarée on Cappadoce, et d’assez bonne condition, ayant été maudits par leur mère pour quelque outrage qu’ils lui firent après la mort de son mari, furent miraculeusement frappés d’un tremblement de membres. Ne pouvant souffrir la confusion à laquelle ils étaient en butte dans leur pays, ils s’en allèrent, chacun de leur côté, errer dans l’empire romain. Il en vint deux à Hippone, un frère et une soeur, Paul et Palladia, déjà fameux en beaucoup d’endroits par leur disgrâce ; ils y arrivèrent quinze jours avant la fête de Pâques, et ils visitaient tous les jours l’Eglise où se trouvaient les reliques du glorieux saint Etienne, priant Dieu de s’apaiser à leur égard et de leur rendre la santé. Partout où ils allaient, ils attiraient les regards, et ceux qui les avaient vus ailleurs disaient aux autres la cause de leur tremblement. Le jour de Pâques venu, et comme déjà un grand concours de peuple remplissait l’église, le jeune homme, tenant les balustres du lieu où étaient les reliques du martyr, tomba tout d’un coup, et demeura par terre comme endormi , sans toutefois trembler, comme il faisait d’ordinaire, même en dormant. Cet accident étonna tout le monde, et plusieurs en furent touchés. Il s’en trouva qui voulurent le relever; mais d’autres les en empêchèrent, et dirent qu’il valait mieux attendre la fin de son sommeil. Tout à coup le jeune homme se releva sur ses pieds sans trembler, car il était guéri, examinant tous ceux qui le regardaient. Qui put s’empêcher alors de rendre grâces à Dieu ? Toute l’église retentit de cris de joie, et l’on courut promptement à moi pour me dire l’événement, à l’endroit où j’étais assis, prêt à m’avancer vers le peuple. Ils venaient l’un sur l’autre, le dernier m’annonçant cette nouvelle, comme si je ne l’avais point apprise du premier. Tandis que je me réjouissais et rendais grâces à Dieu, le jeune homme guéri entra lui-même avec les autres, et se jeta à mes pieds ; je l’embrassai et le relevai. Nous nous avançâmes vers le peuple, l’église étant toute pleine, et l’on n’entendait partout que ces mots : Dieu soit béni ! Dieu soit béni ! Je saluai le peuple, et il recommença encore plus fort les mêmes acclamations. Enfin, comme chacun eut fait silence, on lut quelques leçons de l’Ecriture. Quand le moment où je devais parler fut venu, je fis un petit discours, selon l’exigence du temps et la grandeur de cette joie, aimant mieux qu’ils goûtassent l’éloquence de Dieu dans une oeuvre si merveilleuse, que dans mon propre discours. Le jeune homme dîna avec nous, et nous raconta en détail l’histoire de son malheur et celle de ses frères, de ses soeurs et de sa mère. Le lendemain, après le sermon, je promis au peuple de lui en lire le récit, au jour suivant14. Le troisième jour donc après le dimanche de Pâques, comme on faisait la lecture promise15, je fis mettre le frère et la soeur sur les degrés du lieu où je montais pour parler, afin qu’on pût les voir. Tout le peuple les regardait attentivement, l’un dans une attitude tranquille, l’autre tremblant de tous ses membres. Ceux qui ne les avaient pas vus ainsi apprenaient, par le malheur de la soeur, la miséricorde de Dieu pour le frère. Ils voyaient ce dont il fallait se réjouir pour lui et ce qu’il fallait demander pour elle. Quand on eut achevé de lire la relation, je les fis retirer. Je commençais à faire quelques observations sur cette histoire, lorsqu’on entendit de nouvelles acclamations qui venaient du tombeau du saint martyr. Toute l’assemblée se tourna de ce côté et s’y porta en masse. La jeune fille n’avait pas plus tôt descendu les degrés où je l’avais fait mettre, qu’elle avait couru se mettre en prières auprès du tombeau.

A peine en eut-elle touché les balustres qu’elle tomba comme son frère et se releva parfaitement guérie. Or, comme nous demandions ce qui était arrivé, et d’où venaient ces cris de joie, les fidèles rentrèrent avec elle dans la basilique où nous étions, la ramenant guérie du tombeau du martyr. Alors il s’éleva un si grand cri de joie de la bouche des hommes et des femmes, que l’on crut que les larmes et les acclamations16 ne finiraient point. Palladia fut conduite au même lieu où on l’avait vue un peu auparavant trembler de tous ses membres. Plus on s’était affligé de la voir moins favorisée que son frère, plus on se réjouissait de la voir aussi bien guérie que lui. On glorifiait la bonté de Dieu, qui avait entendu et exaucé les prières qu’on avait à peine eu le temps de faire pour elle. Aussi, il s’élevait de toute part de si grands cris d’allégresse qu’à peine nos oreilles pouvaient-elles les soutenir. Qu’y avait-il dans le coeur de tout ce peuple si joyeux, sinon cette foi du Christ, pour laquelle saint Etienne avait répandu son sang?


  1. Saint Augustin raconte ce même miracle avec plus de détails au premier livre des Confessions (ch. 13, n. 7); il le rappelle en son Sermon CCCXVIII, n.1, et dans ses Rétractations (livre I, ch. 13, n. 7). Comparez saint Ambroise (Epist. LXXXV, et Serm. XCI) et Sidoine Apollinaire (lib. VII, epist. 1). ↩

  2. Alype, compatriote de saint Augustin, un de ses plus fidèles disciples et de ses plus tendres ami. Il fut évêque dans sa ville natale à Tagaste Voyez les lettres de saint Augustin et ses Confessions (livre VI, ch. 10 et 12; livre VIII, ch. 12 et ailleurs). ↩

  3. Voyez Galien, Therap. ad Glauc., lib. II, cap. 10. ↩

  4. Voyez les Aphorismes, sect. VI, aph. 2. ↩

  5. De toute antiquité, dans la primitive Eglise, le jour de Pâques et celui de la Pentecôte étaient prescrits pour le baptême, sauf le cas de nécessité. Voyez Tertullien (De Baptismo, cap. 19; De cor. mil., cap. 3) et les Sermons de saint Augustin. ↩

  6. Jean, XI. ↩

  7. Curobe ou Curubis est le nom d’une ville autrefois située près de Carthage. Voyez Pline, Hist. nat., livre V, ch. 3. ↩

  8. Ville située près d’Hippone. ↩

  9. Voyez le sermon CCCXXV de saint Augustin, prononcé en l’honneur de ces vingt Martyrs. ↩

  10. Sur Calame, voyez plus haut, livre XIV, ch. 24. ↩

  11. Possidius, évêque de Calame, disciple et ami de saint Augustin dont il a écrit la vie. ↩

  12. Ce passage a donné le moyeu de fixer la composition du dernier livre de la Cité de Dieu vers l’an 426. ↩

  13. Evodius, évêque d’Uzales, disciple et ami de saint Augustin. Voyez les Confessions et les Lettres. ↩

  14. Voyez les Sermons de saint Augustin, serm. CCXXI. ↩

  15. Voyez le Sermon CCCXXII. ↩

  16. Voyez le Sermon CCCXXIII ↩

Edition ausblenden
De civitate Dei (CCSL)

Caput VIII: De miraculis, quae ut mundus in Christum crederet facta sunt et fieri mundo credente non desinunt.

Cur, inquiunt, nunc illa miracula, quae praedicatis facta esse, non fiunt? possem quidem dicere necessaria fuisse, priusquam crederet mundus, ad hoc ut crederet mundus. quisquis adhuc prodigia ut credat inquirit, magnum est ipse prodigium, qui mundo credente non credit. uerum hoc ideo dicunt, ut nec tunc illa miracula facta fuisse credantur. unde ergo tanta fide Christus usquequaque cantatur in caelum cum carne sublatus? unde temporibus eruditis et omne quod fieri non potest respuentibus sine ullis miraculis nimium mirabiliter incredibilia credidit mundus? an forte credibilia fuisse et ideo credita esse dicturi sunt? cur ergo ipsi non credunt? breuis est igitur nostra conplexio: aut incredibilis rei, quae non uidebatur, alia incredibilia, quae tamen fiebant et uidebantur, fecerunt fidem; aut certe res ita credibilis, ut nullis quibus persuaderetur miraculis indigeret, istorum nimiam redarguit infidelitatem. hoc ad refellendos uanissimos dixerim. nam facta esse multa miracula, quae adtestarentur illi uni grandi salubrique miraculo, quo Christus in caelum cum carne in qua resurrexit adscendit, negare non possumus. in eisdem quippe ueracissimis libris cuncta conscripta sunt, et quae facta sunt, et propter quod credendum facta sunt. haec, ut fidem facerent, innotuerunt; haec per fidem, quam fecerunt, multo clarius innotescunt. leguntur quippe in populis, ut credantur; nec in populis tamen nisi credita legerentur. nam etiamnunc fiunt miracula in eius nomine, siue per sacramenta eius siue per orationes uel memorias sanctorum eius; sed non eadem claritate inlustrantur, ut tanta quanta illa gloria diffamentur. canon quippe sacrarum litterarum, quem definitum esse oportebat, illa facit ubique recitari et memoriae cunctorum inhaerere populorum; haec autem ubicumque fiunt, ibi sciuntur uix a tota ipsa ciuitate uel quocumque commanentium loco. nam plerumque etiam ibi paucissimi sciunt ignorantibus ceteris, maxime si magna sit ciuitas; et quando alibi aliisque narrantur, non tanta ea commendat auctoritas, ut sine difficultate uel dubitatione credantur, quamuis Christianis fidelibus a fidelibus indicentur. miraculum, quod Mediolani factum est, cum illic essemus, quando inluminatus est caecus, ad multorum notitiam potuit peruenire, quia et grandis est ciuitas et ibi erat tunc imperator et inmenso populo teste res gesta est concurrente ad corpora martyrum Protasii et Geruasii; quae cum laterent et penitus nescirentur, episcopo Ambrosio per somnium reuelata reperta sunt; ubi caecus ille depulsis ueteribus tenebris diem uidit. apud Carthaginem autem quis nouit praeter admodum paucissimos salutem, quae facta est Innocentio, ex aduocato uicariae praefecturae, ubi nos interfuimus et oculis adspeximus nostris? uenientes enim de transmarinis me et fratrem meum Alypium, nondum quidem clericos, sed iam deo seruientes, ut erat cum tota domo sua religiosissimus, ipse susceperat, et apud eum tunc habitabamus. curabatur a medicis fistulas, quas numerosas atque perplexas habuit in posteriore atque ima corporis parte. iam secuerant eum et artis suae cetera medicamentis agebant. passus autem fuerat in sectione illa et diuturnos et acerbos dolores. sed unus inter multos sinus fefellerat medicos atque ita latuerat, ut eum non tangerent, quem ferro aperire debuerant. denique sanatis omnibus, quae aperta curabant, iste remanserat solus, cui frustra inpendebatur labor. quas moras ille suspectas habens multumque formidans, ne iterum secaretur - quod ei praedixerat alius medicus domesticus eius, quem non admiserant illi, ut saltem uideret, cum primum sectus est, quomodo id facerent, iratus que illum domo abiecerat uixque receperat - , erupit atque ait: iterum me secturi estis? ad illius, quem noluistis esse praesentem, uerba uenturus sum? inridere illi medicum inperitum metumque hominis bonis uerbis promissionibusque lenire. praeterierunt alii dies plurimi nihilque proficiebat omne quod fiebat. medici tamen in sua pollicitatione persistebant, non se illum sinum ferro, sed medicamentis esse clausuros. adhibuerunt et alium grandaeuum iam medicum satisque in illa arte laudatum - adhuc enim uiuebat - , Ammonium, qui loco inspecto idem quod illi ex eorum diligentia peritiaque promisit. cuius ille factus auctoritate securus domestico suo medico, qui futuram praedixerat aliam sectionem, faceta hilaritate, uelut iam saluus, inlusit. quid plura? tot dies postea inaniter consumpti transierunt, ut fessi atque confusi faterentur eum nisi ferro nullo modo posse sanari. expauit, expalluit nimio timore turbatus, atque ubi se collegit farique potuit, abire illos iussit et ad se amplius non accedere; nec aliud occurrit fatigato lacrimis et illa iam necessitate constricto, nisi ut adhiberet Alexandrinum quendam, qui tunc chirurgus mirabilis habebatur, ut ipse faceret quod ab illis fieri nolebat iratus. sed posteaquam uenit ille laboremque illorum in cicatricibus sicut artifex uidit, boni uiri functus officio persuasit homini, ut illi potius, qui in eo tantum laborauerant, quantum ipse inspiciens mirabatur, suae curationis fine fruerentur, adiciens, quod reuera nisi sectus esset saluus esse non posset; ualde abhorrere a suis moribus, ut hominibus, quorum artificiosissimam operam industriam diligentiam mirans in cicatricibus eius uideret, propter exiguum quod remansit palmam tanti laboris auferret. redditi sunt animo eius, et placuit ut eodem Alexandrino adsistente ipsi sinum illum ferro, qui iam consensu omnium aliter insanabilis putabatur, aperirent. quae res dilata est in consequentem diem. sed cum abissent illi, ex maerore nimio domini tantus est in domo illa exortus dolor, ut tamquam funeris planctus uix conprimeretur a nobis. uisitabant eum cottidie sancti uiri, episcopus tunc Vzalensis, beatae memoriae Saturninus, et presbyter Gulosus ac diaconi Carthaginensis ecclesiae; in quibus erat et ex quibus solus est nunc in rebus humanis iam episcopus cum honore a nobis debito nominandus Aurelius, cum quo recordantes mirabilia operum dei de hac re saepe conlocuti sumus eumque ualde meminisse, quod commemoramus, inuenimus. qui cum eum, sicut solebant, uespere uisitarent, rogauit eos miserabilibus lacrimis, ut mane dignarentur esse praesentes suo funeri potius quam dolori. tantus enim eum metus ex prioribus inuaserat poenis, ut se inter medicorum manus non dubitaret esse moriturum. consolati sunt eum illi et hortati, ut in deo fideret eiusque uoluntatem uiriliter ferret. inde ad orationem ingressi sumus; ubi nobis ex more genua figentibus atque incumbentibus terrae ille se ita proiecit, tamquam fuisset aliquo grauiter inpellente prostratus, et coepit orare: quibus modis, quo adfectu, quo motu animi, quo fluuio lacrimarum, quibus gemitibus atque singultibus subcutientibus omnia membra eius et paene intercludentibus spiritum, quis ullis explicet uerbis? utrum orarent alii nec in haec eorum auerteretur intentio, nesciebam. ego tamen prorsus orare non poteram; hoc tantummodo breuiter in corde meo dixi: domine, quas tuorum preces exaudis, si has non exaudis? nihil enim mihi uidebatur addi iam posse, nisi ut exspiraret orando. surreximus et accepta ab episcopo benedictione discessimus, rogante illo ut mane adessent, illis ut aequo animo esset hortantibus. inluxit dies qui metuebatur, aderant serui dei, sicut se adfuturos esse promiserant, ingressi sunt medici, parantur omnia quae hora illa poscebat, tremenda ferramenta proferuntur adtonitis suspensisque omnibus. eis autem, quorum erat maior auctoritas, defectum animi eius consolando erigentibus ad manus secturi membra in lectulo conponuntur, soluuntur nodi ligamentorum, nudatur locus, inspicit medicus et secandum illum sinum armatus atque intentus inquirit. scrutatur oculis digitisque contrectat, tentat denique modis omnibus: inuenit firmissimam cicatricem. iam laetitia illa et laus atque gratiarum actio misericordi et omnipotenti deo, quae fusa est ore omnium lacrimantibus gaudiis, non est committenda meis uerbis; cogitetur potius quam dicatur. in eadem Carthagine Innocentia, religiosissima femina, de primariis ipsius ciuitatis, in mammilla cancrum habebat, rem, sicut medici dicunt, nullis medicamentis sanabilem. aut ergo praecidi solet et a corpore separari membrum ubi nascitur, aut, ut aliquanto diutius homo uiuat, tamen inde morte quamlibet tardius adfutura, secundum Hippocratis ut ferunt sententiam omnis est omittenda curatio. hoc illa a perito medico et suae domui familiarissimo acceperat et ad solum deum se orando conuerterat. admonetur in somnis propinquante pascha, ut in parte feminarum obseruanti ad baptisterium, quaecumque illi baptizata primitus occurrisset, signaret ei locum signo Christi. fecit, confestim sanitas consecuta est. medicus sane, qui ei dixerat ut nihil curationis adhiberet, si paulo diutius uellet uiuere, cum inspexisset eam postea et sanissimam conperisset, quam prius habere illud malum tali inspectione cognouerat, quaesiuit ab ea uehementer quid adhibuisset curationis, cupiens, quantum intellegi datur, nosse medicamentum, quo Hippocratis definitio uinceretur. cumque ab ea quid factum esset audisset, uoce uelut contemnentis et uultu, ita ut illa metueret, ne aliquod contumeliosum uerbum proferret in Christum, religiosa urbanitate respondisse fertur: putabam, inquit, magnum aliquid te mihi fuisse dicturam. atque illa iam exhorrescente, mox addidit: quid grande fecit Christus sanare cancrum, qui quadriduanum mortuum suscitauit? hoc ego cum audissem et uehementer stomacharer in illa ciuitate atque in illa persona non utique obscura factum tam ingens miraculum sic latere, hinc eam et admonendam et paene obiurgandam putaui. quae cum mihi respondisset non se inde tacuisse, quaesiui ab eis, quas forte tunc matronas amicissimas se cum habebat, utrum hoc antea scissent. responderunt se omnino nescisse. ecce, inquam, quomodo non taces, ut nec istae audiant, quae tibi tanta familiaritate iunguntur? et quia breuiter ab ea quaesiueram, feci ut, illis audientibus multumque mirantibus et glorificantibus deum, totum ex ordine, quemadmodum gestum fuerit, indicaret. medicum quendam podagrum in eadem urbe fuisse scimus; qui cum dedisset nomen ad baptismum et pridie quam baptizaretur in somnis a pueris nigris cirratis, quos intellegebat daemones, baptizari eodem anno prohibitus fuisset eisque non obtemperans etiam conculcantibus pedes eius in dolorem acerrimum, qualem numquam expertus est, aestuasset, magisque eos uincens lauacro regenerationis, ut uouerat, ablui non distulisset, in baptismate ipso non solum dolore, quo ultra solitum cruciabatur, uerum etiam podagra caruisse nec amplius, cum diu postea uixisset, pedes doluisse quis nouit? nos tamen nouimus et paucissimi fratres ad quos id potuit peruenire. ex mimo quidam Curubitanus non solum a paralysi, uerum etiam ab informi pondere genitalium, cum baptizaretur, saluus effectus est et liberatus utraque molestia, tamquam mali nihil habuisset in corpore, de fonte regenerationis adscendit. quis hoc praeter Curubim nouit et praeter rarissimos aliquos, qui hoc ubicumque audire potuerunt? nos autem cum hoc conperissemus, iubente sancto episcopo Aurelio etiam ut ueniret Carthaginem fecimus, quamuis a talibus prius audierimus, de quorum fide dubitare non possemus. uir tribunicius Hesperius apud nos est; habet in territorio Fussalensi fundem; Zubedi appellatur; ubi cum adflictione animalium et seruorum suorum domum suam spirituum malignorum uim noxiam perpeti conperisset, rogauit nostros me absente presbyteros, ut aliquis eorum illo pergeret, cuius orationibus cederent. perrexit unus, obtulit ibi sacrificium corporis Christi, orans quantum potuit, ut cessaret illa uexatio: deo protinus miserante cessauit. acceperat autem ab amico suo terram sanctam de Hierosolymis adlatam, ubi sepultus Christus die tertio resurrexit, eamque suspenderat in cubiculo suo, ne quid mali etiam ipse pateretur. ast ubi domus eius ab illa infestatione purgata est, quid de illa terra fieret, cogitabat, quam diutius in cubiculo suo reuerentiae causa habere nolebat. forte accidit, ut ego et collega tunc meus, episcopus Sinitensis ecclesiae Maximinus, in proximo essemus; ut ueniremus rogauit, et uenimus. cumque nobis omnia rettulisset, etiam hoc petiuit, ut infoderetur alicubi atque ibi orationum locus fieret, ubi etiam Christiani possent ad celebranda quae dei sunt congregari. non restitimus; factum est. erat ibi iuuenis paralyticus rusticanus. hoc audito petiuit a parentibus suis, ut illum ad eum locum sanctum non cunctanter adferrent. quo cum fuisset adlatus, orauit, atque inde continuo pedibus suis saluus abscessit. Victoriana dicitur uilla, ab Hippone Regio minus triginta milibus abest. memoria martyrum ibi est Mediolanensium Protasii et Geruasii. portatus est eo quidam adulescens, qui cum die medio tempore aestatis equum ablueret in fluminis gurgite, daemonem incurrit. ibi cum iaceret uel morti proximus uel simillimus mortuo, ad uespertinos illuc hymnos et orationes cum ancillis suis et quibusdam sanctimonialibus ex more domina possessionis intrauit atque hymnos cantare coeperunt. qua uoce ille quasi percussus excussus est et cum terribili fremitu altare adprehensum mouere non audens siue non ualens, tamquam eo fuerit adligatus aut adfixus, tenebat et cum grandi eiulatu parci sibi rogans confitebatur, ubi adulescentem et quando et quomodo inuaserit. postremo se exiturum esse denuntians membra eius singula nominabat, quae se amputaturum exiens minabatur, atque inter haec uerba discessit ab homine. sed oculus eius in maxillam fusus tenui uenula ab interiore quasi radice pendebat, totumque eius medium, quod nigellum fuerat, albicauerat. quo uiso qui aderant - concurrerant autem etiam alii uocibus eius acciti et se omnes in orationem pro illo strauerant - , quamuis eum sana mente stare gauderent, rursus tamen propter eius oculum contristati medicum quaerendum esse dicebant. ibi maritus sororis eius, qui eum illo detulerat: potens est, inquit, deus sanctorum orationibus, qui fugauit daemonem, lumen reddere. tum, sicut potuit, oculum lapsum atque pendentem loco suo reuocatum ligauit orario nec nisi post septem dies putauit esse soluendum. quod cum fecisset, sanissimum inuenit. sanati sunt illic et alii, de quibus dicere longum est. Hipponiensem quandam uirginem scio, cum se oleo perunxisset, cui pro illa orans presbyter instillauerat lacrimas suas, mox a daemonio fuisse sanatam. scio etiam episcopum semel pro adulescente, quem non uidit, orasse illumque ilico daemone caruisse. erat quidam senex Florentius Hipponiensis noster, homo religiosus et pauper; sartoris se arte pascebat; casulam perdiderat et unde sibi emeret non habebat; ad uiginti martyres, quorum memoria est apud nos celeberrima, clara uoce ut uestiretur orauit. audierunt eum adulescentes qui forte aderant inrisores eumque discedentem exagitantes prosequebantur, quasi a martyribus quinquagenos folles, unde uestimentum emeret, petiuisset. at ille tacitus ambulans eiectum grandem piscem palpitantem uidit in litore eumque illis fauentibus atque adiuuantibus adprehendit et cuidam coquo, Catoso nomine, bene Christiano, ad coquinam conditariam, indicans quid gestum sit, trecentis follibus uendidit, lanam conparare inde disponens, ut uxor eius quomodo posset ei quo indueretur efficeret. sed coquus concidens piscem anulum aureum in uentriculo eius inuenit moxque miseratione flexus et religione perterritus homini eum reddidit dicens: ecce quomodo te uiginti martyres uestierunt. ad aquas Tibilitanas episcopo adferente Praeiecto martyris gloriosissimi Stephani memoria ueniebat magnae multitudinis concursu et occursu. ibi caeca mulier, ut ad episcopum portantem duceretur, orauit; flores, quos ferebat, dedit, recepit, oculis admouit, protinus uidit. stupentibus qui aderant praeibat exsultans, uiam carpens et uiae ducem ulterius non requirens. memorati memoriam martyris, quae posita est in castello Sinitensi, quod Hipponiensi coloniae uicinum est, eiusdem loci Lucillus episcopus populo praecedente atque sequente portabat. fistula, cuius molestia iam diu laborauerat et familiarissimi sui medici, qui eum secaret, opperiebatur manus, illius piae sarcinae uectatione repente sanata est; nam deinceps eam in suo corpore non inuenit. Eucharius est presbyter ex Hispania, Calamae habitat, uetere morbo calculi laborabat; per memoriam supradicti martyris, quam Possidius illo aduexit episcopus, saluus factus est. idem ipse postea morbo alio praeualescente mortuus sic iacebat, ut ei iam pollices ligarentur; opitulatione memorati martyris, cum de memoria eius reportata esset et super iacentis corpus missa ipsius presbyteri tunica, suscitatus est. fuit ibi uir in ordine suo primarius, nomine Martialis, aeuo iam grauis et multum abhorrens a religione Christiana. habebat sane fidelem filiam et generum eodem anno baptizatum. qui cum eum aegrotantem multis et magnis lacrimis rogarent, ut fieret Christianus, prorsus abnuit eosque a se turbida indignatione submouit. uisum est genero eius, ut iret ad memoriam sancti Stephani et illic pro eo quantum posset oraret, ut deus illi daret mentem bonam, qua credere non differret in Christum. fecit hoc ingenti gemitu et fletu et sinceriter ardente pietatis adfectu; deinde abscedens aliquid de altari florum, quod occurrit, tulit ei que, cum iam nox esset, ad caput posuit; tum dormitum est. et ecce ante diluculum clamat, ut ad episcopum curreretur, qui me cum forte tunc erat apud Hipponem. cum ergo eum audisset absentem, uenire presbyteros postulauit. uenerunt, credere se dixit, admirantibus atque gaudentibus omnibus baptizatus est. hoc, quamdiu uixit, in ore habebat: Christe, accipe spiritum meum, cum haec uerba beatissimi Stephani, quando lapidatus est a Iudaeis, ultima fuisse nesciret; quae huic quoque ultima fuerunt; nam non multo post etiam ipse defunctus est. sanati sunt illic per eundem martyrem etiam podagri duo ciues, peregrinus unus: sed ciues omni modo; peregrinus autem per reuelationem, quid adhiberet quando doleret, audiuit; et cum hoc fecerit, dolor continuo conquiescit. Audurus nomen est fundi, ubi ecclesia et in ea memoria martyris Stephani. puerum quendam paruulum, cum in area luderet, exorbitantes boues, qui uehiculum trahebant, rota obtriuerunt, et confestim palpitauit exspirans. hunc mater arreptum ad eandem memoriam posuit, et non solum reuixit, uerum etiam inlaesus apparuit. sanctimonialis quaedam in uicina possessione, quae Caspaliana dicitur, cum aegritudine laboraret ac desperaretur, ad eandem memoriam tunica eius adlata est; quae antequam reuocaretur, illa defuncta est. hac tamen tunica operuerunt cadauer eius parentes, et recepto spiritu salua facta est. apud Hipponem Bassus quidam Syrus ad memoriam eiusdem martyris orabat pro aegrotante et periclitante filia eoque se cum uestem eius adtulerat, cum ecce pueri de domo cucurrerunt, qui ei mortuam nuntiarent. sed cum orante illo ab amicis eius exciperentur, prohibuerunt eos illi dicere, ne per publicum plangeret. qui cum domum redisset iam suorum eiulatibus personantem et uestem filiae, quam ferebat, super eam proiecisset, reddita est uitae. rursus ibidem apud nos Irenaei cuiusdam collectarii filius aegritudine exstinctus est. cumque corpus iaceret exanime atque a lugentibus et lamentantibus exsequiae pararentur, amicorum eius quidam inter aliorum consolantium uerba suggessit, ut eiusdem martyris oleo corpus perungueretur. factum est, et reuixit. itemque apud nos uir tribunicius Eleusinus super memoriam martyrum, quae in suburbano eius est, aegritudine exanimatum posuit infantulum filium, et post orationem, quam multis cum lacrimis ibi fudit, uiuentem leuauit. quid faciam? urget huius operis inplenda promissio, ut non hic possim omnia commemorare quae scio; et procul dubio plerique nostrorum, cum haec legent, dolebunt me praetermisisse tam multa, quae utique me cum sciunt. quos iam nunc, ut ignoscant, rogo, et cogitent quam prolixi laboris sit facere, quod me hic non facere suscepti operis necessitas cogit. si enim miracula sanitatum, ut alia taceam, ea tantummodo uelim scribere, quae per hunc martyrem, id est gloriosissimum Stephanum, facta sunt in colonia Calamensi et in nostra, plurimi conficiendi sunt libri, nec tamen omnia colligi poterunt, sed tantum de quibus libelli dati sunt, qui recitarentur in populis. id namque fieri uoluimus, cum uideremus antiquis similia diuinarum signa uirtutum etiam nostris temporibus frequentati et ea non debere multorum notitiae deperire. nondum est autem biennium, ex quo apud Hipponem Regium coepit esse ista memoria, et multis, quod nobis certissimum est, non datis libellis de his, quae mirabiliter facta sunt, illi ipsi qui dati sunt ad septuaginta ferme numerum peruenerant, quando ista conscripsi. Calamae uero, ubi et ipsa memoria prius esse coepit et crebrius dantur, inconparabili multitudine supererant. Vzali etiam, quae colonia Vticae uicina est, multa praeclara per eundem martyrem facta cognouimus; cuius ibi memoria longe prius quam apud nos ab episcopo Euodio constituta est. sed libellorum dandorum ibi consuetudo non est uel potius non fuit; nam fortasse nunc esse iam coepit. cum enim nuper illic essemus, Petroniam, clarissimam feminam, quae ibi mirabiliter ex magno atque diuturno, in quo medicorum adiutoria cuncta defecerant, languore sanata est, hortati sumus, uolente supradicto loci episcopo, ut libellum daret, qui recitaretur in populo, et oboedientissime paruit. in quo posuit etiam, quod hic reticere non possum, quamuis ad ea, quae hoc opus urgent, festinare conpellar. a quodam Iudaeo dixit sibi fuisse persuasum, ut anulum capillacio uinculo insereret, quo sub omni ueste ad nuda corporis cingeretur; qui anulus haberet sub gemma lapidem in renibus inuentum bouis. hoc adligata quasi remedio ad sancti martyris limina ueniebat. sed profecta a Carthagine, cum in confinio fluminis Bagradae in sua possessione mansisset, surgens ut iter perageret ante pedes suos illum iacentem anulum uidit et capillaciam zonam, qua fuerat adligatus, mirata tentauit. quam cum omnino suis nodis firmissimis, sicut erat, conperisset adstrictam, crepuisse atque exsiluisse anulum suspicata est; qui etiam ipse cum integerrimus fuisset inuentus, futurae salutis quodammodo pignus de tanto miraculo se accepisse praesumpsit atque illud uinculum soluens simul cum eodem anulo proiecit in flumen. non credant hoc, qui etiam dominum Iesum per integra matris uirginalia enixum et ad discipulos ostiis clausis ingressum fuisse non credunt; sed hoc certe quaerant et, si uerum inuenerint, illa credant. clarissima femina est, nobiliter nata, nobiliter nupta, Carthagini habitat; ampla ciuitas, ampla persona rem quaerentes latere non sinit. martyr certe ipse, quo inpetrante illa sanata est, in filium permanentis uirginis credidit; in eum, qui ostiis clausis ad discipulos ingressus est, credidit; postremo, propter quod omnia ista dicuntur a nobis, in eum, qui adscendit in caelum cum carne, in qua resurrexerat, credidit; et ideo per eum tanta fiunt, quia pro ista fide animam posuit. fiunt ergo etiamnunc multa miracula eodem deo faciente per quos uult et quemadmodum uult, qui et illa quae legimus fecit; sed ista nec similiter innotescunt neque, ut non excidant animo, quasi glarea memoriae, crebra lectione tunduntur. nam et ubi diligentia est, quae nunc apud nos esse coepit, ut libelli eorum, qui beneficia percipiunt, recitentur in populo, semel hoc audiunt qui adsunt pluresque non adsunt, ut nec illi, qui adfuerunt, post aliquot dies quod audierunt mente retineant et uix quisque reperiatur illorum, qui ei, quem non adfuisse cognouerit, indicet quod audiuit. unum est apud nos factum, non maius quam illa quae dixi, sed tam clarum atque inlustre miraculum, ut nullum arbiter esse Hipponiensium, qui hoc non uel uiderit uel didicerit, nullum qui obliuisci ulla ratione potuerit. decem quidam fratres - quorum septem sunt mares, tres feminae - de Caesarea Cappadociae, suorum ciuium non ignobiles, maledicto matris recenti patris eorum obitu destitutae, quae iniuriam sibi ab eis factam acerbissime tulit, tali poena sunt diuinitus coherciti, ut horribiliter quaterentur omnes tremore membrorum; in qua foedissima specie oculos suorum ciuium non ferentes, quaquauersum cuique ire uisum est, toto paene uagabantur orbe Romano. ex his etiam ad nos uenerunt duo, frater et soror, Paulus et Palladia, multis aliis locis miseria diffamante iam cogniti. uenerunt autem ante pascha ferme dies quindecim, ecclesiam cottidie et in ea memoriam gloriosissimi Stephani frequentabant, orantes ut iam sibi placaretur deus et salutem pristinam redderet. et illic et quacumque ibant conuertebant in se ciuitatis adspectum. nonnulli, qui eos alibi uiderant causamque tremoris eorum nouerant, aliis, ut cuique poterant, indicabant. uenit et pascha, atque ipso die dominico mane, cum iam frequens populus praesens esset et loci sancti cancellos, ubi martyrium erat, idem iuuenis orans teneret, repente prostratus est et dormienti simillimus iacuit, non tamen tremens, sicut etiam per somnum solebant. stupentibus qui aderant atque aliis pauentibus, aliis dolentibus, cum eum quidam uellent erigere, nonnulli prohibuerunt et potius exitum exspectandum esse dixerunt. et ecce surrexit, et non tremebat, quoniam sanatus erat, et stabat incolumis, intuens intuentes. quis ergo se tenuit a laudibus dei? clamantium gratulantiumque uocibus ecclesia usquequaque conpleta est. inde ad me curritur, ubi sedebam iam processurus; inruit alter quisque post alterum, omnis posterior quasi nouum, quod alius prior dixerat, nuntiantes; meque gaudente et apud me deo gratias agente ingreditur etiam ipse cum pluribus, inclinatur ad genua mea, erigitur ad osculum meum. procedimus ad populum, plena erat ecclesia, personabat uocibus gaudiorum: deo gratias, deo laudes. nemine tacente hinc atque inde clamantium. salutaui populum, et rursus eadem feruentiore uoce clamabant. facto tandem silentio scripturarum diuinarum sunt lecta sollemnia. ubi autem uentum est ad mei sermonis locum, dixi pauca pro tempore et pro illius iucunditate laetitiae. magis enim eos in opere diuino quandam dei eloquentiam non audire, sed considerare permisi. nobis cum homo prandit et diligenter nobis omnem suae fraternaeque ac maternae calamitatis indicauit historiam. sequenti itaque die post sermonem redditum narrationis eius libellum in crastinum populo recitandum promisi. quod cum ex dominico paschae die tertio fieret in gradibus exedrae, in qua de superiore loquebar loco, feci stare ambos fratres, cum eorum legeretur libellus. intuebatur populus uniuersus sexus utriusque unum stantem sine deformi motu, alteram membris omnibus contrementem. et qui ipsum non uiderant, quid in eo diuinae misericordiae factum esset, in eius sorore cernebant. uidebant enim quid in illo gratulandum, quid pro illa esset orandum. inter haec recitato eorum libello de conspectu populi eos abire praecepi, et de tota ipsa causa aliquanto diligentius coeperam disputare, cum ecce me disputante uoces aliae de memoria martyris nouae gratulationis audiuntur. conuersi sunt eo, qui me audiebant, coeperuntque concurrere. illa enim, ubi de gradibus descendit in quibus steterat, ad sanctum martyrem orare perrexerat; quae mox ut cancellos adtigit, conlapsa similiter uelut in somnum sana surrexit. dum ergo requireremus quid factum fuerit, unde iste strepitus laetus exstiterit, ingressi sunt cum illa in basilicam, ubi eramus, adducentes eam sanam de martyris loco. tum uero tantus ab utroque sexu admirationis clamor exortus est, ut uox continuata cum lacrimis non uideretur posse finiri. perducta est ad eum locum, ubi paulo ante steterat tremens. exsultabant eam similem fratri, cui doluerant remansisse dissimilem, et nondum fusas preces suas pro illa, iam tamen praeuiam uoluntatem tam cito exauditam esse cernebant. exsultabant in dei laudem uoce sine uerbis, tanto sonitu, quantum nostrae aures ferre uix possent. quid erat in cordibus exsultantium nisi fides Christi, pro qua Stephani sanguis effusus est?

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