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Nous lisons au Lévitique : « Séparez ce qui est pur de ce qui est impur, et que personne ne mange la chair du chameau, de l'âne, du lièvre, du pourceau, de l'aigle, du corbeau, et du milan, du vautour et autres1 ». C'est ici peut-être que se montre avec le plus d'audace la fourberie d'Adimantus, qui prétend s'appuyer sur cette défense du Lévitique de manger de certains animaux, pour mettre en contradiction les différents chapitres de l'Ancien et du Nouveau Testament. Ainsi à ce passage que je viens de citer il croit pouvoir opposer ces paroles du Sauveur : « Ce qui souille l'homme ce n'est pas ce qui entre en lui, mais ce qui en sort2 ». Si c'est par légèreté qu'il en a agi ainsi, il est bien aveugle ; mais si c'est en connaissance de cause, il est bien criminel. Est-ce qu'un peu auparavant il n'a pas lui-même cité ce passage de saint Paul : « Il est bon, mes frères, de ne pas manger de chair et de ne pas boire de vin3 », quand il voulait le mettre en contradiction avec ces paroles de l'Ancien Testament: « Tuez selon le désir de votre âme et mangez de toute chair4 ? » Comment donc se dément-il lui-même jusqu'au point de prodiguer ses éloges à cette sentence dans laquelle le Sauveur proclame que ce n'est pas ce qui entre dans l'homme qui le souille, mais ce qui sort de lui? Comment échappera-t-il à cette parole? Quelle ressource peut lui rester, à lui qui pour caresser je ne sais quel rêve coupable et superstitieux de continence, soutient que l'on doit s'abstenir de toute manducation de viande et que c'est une impureté à laquelle doivent demeurer étrangers les saints? S'il est vrai, en effet, que ce n'est pas ce qui entre dans l'homme qui le souille, quelle n'est pas l'erreur des Manichéens qui osent soutenir que toutes les viandes sont impures, même celles dont les hommes se nourrissent 1 Si ces viandes sont impures, comment le Sauveur a-t-il pu dire que ce n'est pas ce qui entre dans l'homme qui le souille, mais ce qui en sort ? Mais les Manichéens n'ont-ils pas un argument toujours prêt pour se tirer d'en1barras, toutes les fois que l'Ecriture les gêne ? Ils se justifient en disant que tel passage a été ajouté par les interpolateurs de l'Evangile. Pourquoi donc Adimantus s'est-il privé de cette puissante ressource en se servant de ce passage pour prouver que l'Ancien Testament est en contradiction avec le Nouveau ? Cette imprudence l'accable. Car voici que tout catholique qui vénère et comprend les deux Testaments, lui répond sans hésiter que cette contradiction prétendue est purement imaginaire. Quant à cette défense, portée contre ce peuple charnel, d'user de la chair de certains animaux, elle symbolisait ces moeurs humaines que l'Eglise, qui est le corps de Jésus-Christ, rejettera toujours de son unité permanente et éternelle, comme des viandes impures qu'elle ne saurait s'assimiler. On doit même affirmer d'une manière générale que tous les préceptes imposés au peuple juif et charnel prophétisaient l'ensemble de la doctrine du nouveau peuple spirituel. Que faut-il de plus pour montrer que la défense dont nous parlons n'était nullement en contradiction avec cette vérité proclamée par le Sauveur : « Ce n'est pas ce qui entre dans le corps, qui souille l'âme? » Cette défense était un fardeau imposé à des esclaves; cette maxime brise le joug de la servitude et nous rend libres. Et cependant cette antique parole annonçait que le fardeau des esclaves prophétisait la foi des enfants de la liberté. « Tout », dit l'Apôtre, « leur arrivait en figure ; tout a été écrit pour nous qui sommes le couronnement de tous les siècles5 ». Si donc ce qu'ils souffraient leur arrivait en figure, on doit voir aussi des figures dans les enseignements qu'ils recevaient.
