4.
Que les Manichéens y réfléchissent et qu'ils comprennent comment il a pu se faire que des nations impies soient livrées pour être détruites, à un peuple, encore charnel il est vrai, mais adorateur du seul Dieu véritable; ajoutez encore qu'il pouvait y avoir parmi ce peuple des hommes spirituels qui se faisaient les exécuteurs des ordres de Dieu, sans aucune haine de leur part. Il n'y a donc pas lieu de soutenir la moindre contradiction entre l'Ancien Testament et le précepte que nous impose le Sauveur d'aimer nos ennemis. Tout en nous ordonnant de les aimer, il s'engage lui-même à en tirer vengeance, puisqu'il se représente sous la figure d'un juge qui tout partial et coupable qu'il est, n'ayant aucune crainte de Dieu, aucun respect pour les hommes, se laisse pourtant fléchir par les instances réitérées d'une pauvre veuve qui demande justice contre son persécuteur; à la fin il l'exauce, pour se délivrer de ses prières. S'il en est ainsi dans cette parabole, à combien plus forte raison Dieu, qui est la bienveillance et la justice même, n'affirme-t-il pas qu'il vengera ses élus de la haine de leurs ennemis1 ?
Je laisse maintenant aux Manichéens l'audace de s'adresser à Dieu et de lui dire: Quoi donc! vous nous ordonnez d'aimer nos ennemis et vous vous disposez à nous venger de leurs outrages? Peut-être diront-ils qu'il agira contre la volonté de ses saints en punissant et en condamnant ceux qu'ils aiment? Loin de soulever cette calomnie aveugle, qu'ils se tournent vers Dieu, qu'ils étudient les deux Testaments, et ils comprendront que les saints n'ont d'autre volonté que de ne pas se trouver à gauche parmi ceux à qui le Sauveur dira : « Allez au feu éternel qui a été préparé pour le démon et ses anges. Car j'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger2 », et le reste. Ces misérables ne peuvent admettre que Dieu ait chargé son peuple d'exterminer ses ennemis, et ils défendent de donner un morceau de pain à un pauvre qui n'est pas ennemi, mais qui supplie. Qu'ils se rangent donc du côté de ceux, en petit nombre, qui comprennent que l'on peut se venger sans haïr. Tant que l'on n'est pas persuadé de cette vérité, on ne peut parcourir les livres des deux Testaments sans s'exposer continuellement à l'erreur et à rencontrer partout des contradictions dans les saintes Ecritures.