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Contra Faustum Manichaeum libri triginta tres
9.
Verum si in istis tam eminentibus notissimisque luminibus sic erratis, ut in eis non quod sunt, sed quod vobis dementissime fingitis adoretis, quid de ceteris vestris fabulis dicam? Quis enim Splenditenens suspendit mundum et quis Atlas cum illo supportat? Haec et innumerabilia, quae similiter deliratis, omnino non sunt et colitis ea. Hinc vos paganis dicimus deteriores, eo tantum similes, quod multos deos colitis, eo vero in peiorem partem dissimiles, quod illi pro diis ea colunt, quae sunt, sed dii non sunt, vos autem colitis ea, quae nec dii nec aliquid sunt, quoniam prorsus nulla sunt. Habent quidem et illi quaedam fabulosa figmenta, sed esse illas fabulas norunt et vel a poetis delectandi causa fictas esse asserunt vel eas ad naturam rerum vel mores hominum interpretari conantur, p. 544,20 sicut Vulcanum claudum, quia ignis terreni motus eiusmodi est, et Fortunam caecam, quod ex incerto accidant, quae fortuita dicuntur, et tria Fata in colo et fuso digitisque filum ex lana torquentibus propter tria tempora, praeteritum, quod in fuso iam netum atque involutum est, praesens, quod inter digitos nentis traicitur, futurum in lana, quae colo implicata est, quod adhuc per digitos nentis ad fusum tamquam per praesens ad praeteritum traiciendum est; et Venerem Vulcani uxorem, quia ex calore voluptas naturaliter asciscitur, et Martis adulteram, quia belligerantibus incongrua est; et Cupidinem puerum volitantem ac sagittantem, quod irrationabilis et instabilis amor corda vulneret miserorum, p. 545,5 et alia permulta in hunc modum. Quocirca hoc in eis irridemus, quod interpretata sic adorant, quae non intellecta quamvis damnabiliter, tamen excusabilius adorarent. Ipsis quippe interpretationibus convincuntur non se illum deum colere, cuius solius participatione mens beata fit, sed ab illo conditam creaturam, nec solas virtutes ipsius creaturae, sicut Minervam, cuius fabulam, quod de Iovis capite nata sit, ad prudentiam consiliorum interpretantur, quae rationis est propria, cui sedem capitis etiam Plato dedit, sed etiam vitia, sicut de Cupidine diximus, unde quidam eorum tragicus ait: Deum esse Amorem turpis et vitio favens finxit libido. p. 545,18 Nam et corporalium vitiorum simulacra Romani consecraverunt, sicut Palloris et Febris. Ut ergo omittam, quod simulacrorum adoratores circa ipsas corporum figuras habent affectum, ut eas ipsas formas in locis honorabilibus sublimatas, quibus tantum obsequium exhiberi vident, tamquam deos timeant: illae ipsae interpretationes, quibus haec muta et surda et caeca et exanima defenduntur, dignius accusantur. Verumtamen et ista quoquo modo sunt, quamvis, ut iam dixi, ad salutem vel aliquam utilitatem nihil sint, et, quae ex his interpretantur, in rebus inveniuntur. Vos autem primum hominem cum quinque elementis belligerantem, et spiritum potentem de captivis corporibus gentis tenebrarum an potius de membris dei vestri victis atque subiectis mundum fabricantem, et splenditenentem reliquias eorundem membrorum dei vestri habentem in manu et cetera omnia capta, oppressa, inquinata plangentem, p. 546,4 et Atlantem maximum subter humeris suis cum eo ferentem, ne totum ille fatigatus abiciat, atque ita fabula vestra velut in tapete theatrico ad illius ultimi globi catastolium pervenire non possit, et alia innumerabilia pariter inepta et insana nec pingendo aut sculpendo nec interpretando demonstratis et ea, cum omnino nulla sint, creditis et colitis et insuper christianis fide non ficta pias mentes mundantibus tamquam temere credulis insultatis. Ut enim multa non quaeram, quibus haec ostendantur omnino non esse, quia subtilius sublimiusque tractare de mundi fabrica, etsi mihi difficile non esset, certe nimis longum est, hoc dico: Si ista vera sunt, dei substantia commutabilis est, corruptibilis, coinquinabilis. p. 546,16 Hoc autem credere plenum est sacrilegae insaniae. Illa igitur omnia vana sunt, falsa sunt, nulla sunt. Proinde vos paganis istis, qui vulgo noti sunt et antiquitus fuerunt et in reliquiis suis iam nunc erubescunt, prorsus deteriores estis, quod illi colunt ea, quae dii non sunt, vos autem, omnino quae non sunt.
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Contre Fauste, le manichéen
CHAPITRE IX. CE QUE LES PAÏENS ADORENT, EXISTE : CE QUE LES MANICHÉENS ADORENT, EST PUR NÉANT.
Mais quand vous vous trompez si grossièrement à propos de ces astres si distingués et si connus, au point d'adorer en eux, non ce qu'ils sont, mais ce qu'y suppose votre extrême folie, que dirai-je de vos autres fables ? Qu'est-ce, en effet, que ce Porte-lumière qui tient le monde suspendu et cet Atlas qui le supporte avec lui ? Ces êtres et une foule d'autres, produits de votre imagination en délire, n'existent en aucune façon; et vous les adorez. Voilà pourquoi nous vous `disons au-dessous des païens; vous leur ressemblez en ce point que vous adorez beaucoup de dieux ; vous en différez et vous descendez au-dessous d'eux en ce sens qu'ils adorent comme dieux ce qui n'est pas dieu mais qui existe, tandis que vous adorez non-seulement ce qui n'est pas Dieu, mais ce qui n'est rien, ce qui n'existe en aucune façon. Sans doute ils ont aussi des inventions fabuleuses, mais ils savent que ce sont des fables : ils affirment que les poètes les ont imaginées pour amuser, ou ils tâchent d'y trouver un sens conforme à la nature des choses ou aux moeurs de l'humanité. Ainsi ils nous peignent Vulcain boiteux, parce que telle est la nature des tremblements de terre, causés par le feu; la fortune aveugle, à cause de l'incertitude des événements appelés fortuits ; les trois Parques filant les destinées humaines avec de la laine et tenant, l'une la quenouille, l'autre le fuseau et la troisième le fil, emblème des trois divisions du temps (le passé, qui est déjà filé et enroulé autour du fuseau, le pré. sent qui passe actuellement entre les doigts de la fileuse, l'avenir encore attaché à la quenouille et qui doit passer par les doigts, c'est-à-dire glisser du présent dans le passé) : ils nous parlent de Vénus, épouse de Vulcain,, parce que la chaleur produit naturellement la volupté, et adultère de Mars, parce que les guerriers s'accommodent peu de l'amour; de Cupidon, enfant ailé et armé de flèches, parce que l'amour déraisonnable et inconstant blesse le coeur de ses malheureuses victimes, et ainsi de beaucoup d'autres. Et voilà pourquoi nous nous moquons d'eux: parce qu'ils adorent en connaissance de cause ce qu'ils seraient encore coupables, quoique excusables, d'adorer, s'ils ne le comprenaient pas. Leurs propres interprétations leur démontrent qu'ils n'adorent pas le Dieu dont la jouissance fait seule le bonheur, mais une créature, oeuvre de ses mains; et qu'ils ne se bornent pas à adorer les vertus de cette créature (comme ils le font pour Minerve, par exemple, que la fable représente sortie de la tête de Jupiter et qui est pour eux le symbole de la prudence, attribut propre de la raison, dont Platon place le siège dans la tête) ; mais qu'ils adorent même ses vices, comme nous l'avons remarqué de Cupidon. Ce qui a fait dire à un de leurs auteurs tragiques :
Une passion honteuse et amie du vice a fait un Dieu de l'amour, (Sénèque, Hippolyte, act. I, sc. II, vers. 194,195,)
Les Romains ont même consacré des statues aux infirmités du corps, comme à la Pâleur et à la Fièvre. Ainsi, pour ne pas parler des sentiments que les adorateurs d'idoles éprouvent pour ces statues mêmes, au point de les redouter comme des dieux, en les voyant élevées dans des places d'honneur et objet de tant d'hommages; nous avons de plus justes motifs d'accuser les interprétations mêmes, à l'aide desquelles on cherche à défendre ces signes muets, sourds, aveugles, inanimés. Néanmoins ils existent d'une manière quelconque, bien qu'inutiles au salut ou à quoi que ce soit, comme je l'ai déjà dit, et le sens qu'on y attache se retrouve dans les réalités de la vie. Mais votre premier homme luttant avec cinq éléments ; votre esprit puissant fabriquant le monde avec les corps captifs du peuple des ténèbres, ou plutôt avec les membres de votre dieu, subjugués et vaincus; votre Porte-lumière tenant en sa main les restes de ces mêmes membres de votre dieu, et frappant tous les autres qui ont été pris, écrasés, souillés; votre gigantesque Atlas en soutenant avec lui le poids sur ses épaules, de peur que la fatigue ne l'oblige à tout lâcher, et que votre fable ne puisse se prolonger jusqu'au jour où le manteau, comme une toile de théâtre, doit couvrir les restes du globe : ces absurdités, ces folies et une multitude d'autres, vous ne les peignez pas, vous ne.les sculptez pas, vous ne les interprétez pas : elles n'existent en aucune façon, et vous y croyez et vous les adorez ; et, de plus, vous insultez les chrétiens en traitant de folle crédulité la foi non feinte avec laquelle ils purifient les pieuses affections de leurs cœurs. Pour passer sous silence une foule d'arguments qui démontrent que tout cela est pur néant (car un traité détaillé et digne sur la création du monde ne me serait pas difficile mais m'entraînerait trop loin), je me contente de dire que, si tout cela est vrai, la substance de Dieu est sujette au changement, à la corruption, à la souillure. Or, c'est l'excès d'une folie sacrilège que de le croire. Donc tout cela est vain, faux, nul. Par conséquent vous êtes pires que les païens, tels qu'ils sont connus, tels qu'ils l'ont été dans l'antiquité et qui aujourd'hui rougissent, dans leurs restes; vous êtes au-dessous d'eux, parce qu'ils adorent des choses qui ne sont pas dieux, et que vous adorez des choses qui ne sont pas.