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Contra Faustum Manichaeum libri triginta tres
50.
Hic vero ille, quem Faustus tamquam impudicum clausis vel potius exstinctis oculis criminatur, si concupiscentiae, non iustitiae servus esset, nonne per totum diem in voluptatem illius noctis aestuaret, qua erat cum pulchriore cubiturus, quam certe amplius diligebat et pro qua bis septenarium annorum laborem gratuitum penderat. Cum ergo iam die peracto in eius iret amplexus, quando inde averteretur, si talis esset, qualem Manichaei nihil intellegentes opinantur? Nonne placito contempto mulierum intraret potius ad speciosam suam, quae illi noctem ipsam non solum coniugis more, verum etiam ordinis iure debebat? Utereturque potius ipse potestate maritali, quia et uxor non habet potestatem corporis sui, sed vir, et pro eo tunc servitutis illarum vicissitudo faciebat. p. 643,21 Coniugali ergo potestate multo vincibilius uteretur, si formae desiderio vinceretur, sed eo meliores feminae invenirentur, si illae pro filiis concipiendis, ipse autem pro concubitus sui voluptate certaret. Itaque vir temperantissimus, ut plane vir, quia tam viriliter feminis utebatur, ut delectationi carnali non subiceretur, sed dominaretur, magis quid deberet quam quid ei deberetur, attendit; nec ad propriam voluptatem sua potestate abuti voluit, sed illius debiti redditor quam exactor esse maluit. Unde consequens erat, ut ei redderet, quam pro se id accipere illa cui debebatur elegit. p. 644,5 Quo earum placito pactoque comperto cum repente atque inopinate a pulcherrima coniuge revocaretur et ad minus decoram vocaretur, non ira excanduit, non tristitia nubilatus est, non enerviter blandus, ut sibi potius Rachel noctem redderet, inter ambas sategit, sed maritus iustus et providus pater, cum illas prolis curam gerere videret, et ipse nihil aliud de concubitu quaereret, earum voluntati obtemperandum iudicavit, quae sibi singillatim filios optabant, suae nihil minui, cui ambae pariebant, tamquam diceret: Vobis inter vos, ut vultis, cedite atque concedite, quaenam vestrum fiat mater; ego quid contendam, quando sive inde sive inde nascenti non erit alius pater? p. 644,17 Hanc profecto modestiam, hanc concupiscentiae coercitionem et in commixtione corporum coniugalium solum appetitum posteritatis humanae, ut erat acutus Faustus, in illis litteris et intellegeret et laudaret, nisi eius ingenium detestabili secta depravatum et quid reprehenderet quaereret et unam nuptialis conventionis honestatem, qua mares et feminae liberorum procreandorum causa copulantur, hoc crimen maximum deputaret.
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Contre Fauste, le manichéen
CHAPITRE L. CONTINENCE DE JACOB.
Mais si ce patriarche, que Fauste, les yeux fermés ou plutôt en aveugle, accuse d'impudicité, eût été esclave de la concupiscence et non de la justice, n'eût-il pas brûlé toute la journée des flammes voluptueuses de la nuit où il devait posséder la plus belle de ses femmes, celle qu'il aimait certainement le plus, celle qu'il avait achetée au prix de quatorze ans de travail gratuit ? Quand donc la chute du jour lui procurait cette jouissance, comment l'en eût-on arraché, s'il eût été tel que les Manichéens se le figurent dans leur inintelligence? N'aurait-il pas dédaigné le bon plaisir des autres et préféré sa belle, qui lui devait cette nuit, non-seulement en qualité d'épouse, mais encore en vertu du droit que lui assurait son tour? Il eût plutôt usé de son pouvoir conjugal, puisque « la femme n'a pas puissance sur son corps, mais le mari », et que d'ailleurs l'ordre établi entre elles l'y autorisait. Il eût donc d'autant plus facilement usé de son droit marital, si le charme de la beauté eût exercé sur lui son empire. Mais les femmes nous auraient paru plus estimables, précisément parce qu'elles ne se seraient disputé que l'honneur d'être mères, tandis que leur époux n'aurait fait que céder aux attraits de la volupté. Ainsi, cet homme d'une continence parfaite, cet homme vraiment homme, puisqu'il use si virilement de ses épouses, jusqu'à maîtriser sa délectation charnelle, au lieu d'en être l'esclave, est plus disposé à payer ce qu'il doit qu'à exiger ce qu'on lui doit; il n'abuse point de son pouvoir au profit de sa passion, mais il aime mieux rendre le devoir conjugal que de l'exiger. Par conséquent, il devait le rendre à celle à qui l'avait transmis l'épouse qui y avait droit. Instruit de la convention qu'elles ont faite librement, quoique écarté tout à coup et sans s'y attendre de la plus belle pour passer à la moins belle, il ne se fâcha point, la tristesse ne voila pas son front, il ne recourut point à de molles caresses envers les deux pour ramener à lui Rachel ; mais mari juste et père prévoyant, la voyant désireuse d'avoir des enfants et lui-même n'ayant pas d'autre but dans le mariage, il jugea bon de condescendre à un désir qui était le même chez les deux épouses : sa volonté y trouvant aussi son compte, puisque toutes les deux lui donnaient des enfants. C'est comme s'il eût dit : Arrangez-vous à votre gré, voyez entre vous laquelle deviendra mère ; faites-vous les concessions que vous voudrez; je n'ai pas à m'en mêler, puisque, d'un côté comme de l'autre, je serai père. Or, cette modestie, cet empire sur la concupiscence, ce désir d'avoir des enfants, unique mobile qui le portât à l'acte conjugal, Fauste avait assez de pénétration pour les voir dans l'Ecriture sainte et pour en faire l'éloge, si son génie, perverti par une hérésie détestable, eût cherché autre chose que le plaisir de blâmer et n'eût regardé comme un très-grand crime l'honorable union conjugale, que l'homme et la femme contractent dans le but d'avoir des enfants.