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Contre Fauste, le manichéen
CHAPITRE V. LA FOI N'EST PAS MOINS NÉCESSAIRE QUE LES OEUVRES. CONSTANCE DEVENU CATHOLIQUE, DE MANICHÉEN QU'IL ÉTAIT.
A quoi bon nous vanter la perfection avec laquelle vous accomplissez, dites-vous, les préceptes de l'Evangile ? Et quand même vous les accompliriez véritablement, quel avantage vous en reviendrait-il, à vous qui n'avez pas la vraie foi? N'entendez-vous pas l'Apôtre s'écrier : « Quand je distribuerais tous mes biens aux pauvres, et que je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n'ai point la charité, tout cela ne me servirait de rien[^4]? » Pourquoi vous enorgueillir d'un simulacre de pauvreté chrétienne, quand la charité chrétienne vous fait défaut? Les brigands, eux aussi, pratiquent entre eux ce qu'ils appellent charité; ils se doivent d'être de fidèles complices dans le crime et l'infamie; mais ce n'est pas là la charité que recommande l'Apôtre. Pour la distinguer de toute autre charité condamnable et réprouvée, il dit ailleurs : « La fin des commandements a est la charité qui naît d'un coeur pur, d'une bonne conscience et d'une foi sincère[^1] ». Comment, avec une foi non sincère, pourriez-vous avoir la vraie charité? Ou quand cesserez-vous enfin d'envelopper votre foi de tous ces mensonges, par lesquels vous débitez que votre premier homme a combattu sous des formes changeantes et trompeuses, contre ses ennemis qui conservaient leur même nature, et vous insinuez que de la part du Christ qui a dit : « Je suis la vérité[^2] », sa chair, sa mort sur la croix, les plaies de sa passion, les cicatrices de sa résurrection n'ont été que des apparences mensongères? Vous vous placez au-dessus de votre Christ, si, lui n'étant qu'un fourbe, vous annoncez la vérité. Et si vous prétendez suivre ses traces, comment ne pas soupçonner en vous l'imposture, et ne pas voir dans la manière dont vous prétendez observer ses préceptes, une pure supercherie? Fauste a osé avancer que vous ne portiez aucune monnaie dans vos ceintures; il est vrai peut-être que vous n'avez pas de monnaie dans vos ceintures; mais vos coffrets et vos bourses sont pleines d'or. On ne vous en ferait aucun reproche, si votre conduite n'était en contradiction avec vos doctrines. Constance, maintenant l'un de nos frères et chrétien catholique, lequel vit encore, avait rassemblé un grand nombre d'entre vous dans sa maison à Rome, pour y pratiquer les préceptes de Manès, ces préceptes aussi vains que ridicules, et pour lesquels néanmoins vous professez la plus haute estime; mais votre faiblesse ne put en supporter le joug, et chacun n'eut plus d'autre règle que ses caprices. Ceux qui voulurent persister dans la pratique de ces préceptes, se firent secte à part, et prirent le nom de Mattariens, des nattes sur lesquelles ils dormaient. Il y avait loin de ces simples nattes, aux coussins de plumes et aux couvertures de peaux de chèvre de Fauste : environné de toutes les délicatesses, il n'avait plus que du dédain, non-seulement pour les Mattariens, mais même pour la maison de son père, citoyen pauvre de Milève. Faites donc disparaître au moins de vos écrits ce honteux déguisement, si vous n'avez pas le courage de la retrancher de vos moeurs, afin que comme votre premier homme avec la. race des ténèbres, votre bouche ne soit pas en lutte avec votre conduite, non par des éléments, mais par des doctrines mensongères.
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I Cor. XIII, 3.
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I Tim. I, 5.
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Jean, XV, 16.
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Reply to Faustus the Manichaean
5.
There is no need, then that you should extol so much the perfection of Christ's commands, because you obey the precepts of the gospel. For the precepts, supposing you really to fulfill them, would not profit you without true faith. Do you not know that the apostle says, "If I distribute all my goods to the poor, and give my body to be burned, and have not charity, it profiteth me nothing?" 1 Why do you boast of having Christian poverty, when you are destitute of Christian charity? Robbers have a kind of charity to one another, arising from a mutual consciousness of guilt and crime; but this is not the charity commended by the apostle. In another passage he distinguishes true charity from all base and vicious affections, by saying, "Now the end of the commandment is charity out of a pure heart, and a good conscience, and faith unfeigned." 2 How then can you have true charity from a fictitious faith? 3 You persist in a faith corrupted by falsehood: for your First Man, according to you, used deceit in the conflict by changing his form, while his enemies remained in their own nature; and, besides, you maintain that Christ, who says, "I am the truth," feigned His incarnation, His death on the cross, the wounds of His passion, the marks shown after His resurrection. If you speak the truth, and your Christ speaks falsehood, you must be better than he. But if you really follow your own Christ, your truthfulness may be doubted, and your obedience to the precepts you speak of may be only a pretence. Is it true, as Faustus says, that you have no money in your purses? He means, probably, that your money is in boxes and bags; nor would we blame you for this, if you did not profess one thing and practise another. Constantius, who is still alive, and is now our brother in Catholic Christianity, once gathered many of your sect into his house at Rome, to keep these precepts of Manichaeus, which you think so much of, though they are very silly and childish. The precepts proved too much for your weakness, and the gathering was entirely broken up. Those who persevered separated from your communion, and are called Mattarians, because they sleep on mats,--a very different bed from the feathers of Faustus and his goatskin coverlets, and all the grandeur that made him despise not only the Mattarians, but also the house of his poor father in Mileum. Away, then, with this accursed hypocrisy from your writing, if not from your conduct; or else your language will conflict with your life by your deceitful words, as your First Man with the race of darkness by his deceitful elements.