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Contre Fauste, le manichéen
CHAPITRE XX. COMMENT DIEU N'ÉPARGNE NI LE JUSTE NI LE PÉCHEUR.
Quant au dernier reproche que Fauste fait insidieusement aux livres de l'Ancien Testament de nous représenter Dieu menaçant de venir, le glaive à la main, et de n'épargner ni juste ni pécheur, quand nous aurions expliqué au païen dans quel sens il faut l'entendre, peut-être ne rejetterait-il l'autorité ni du Nouveau ni de l'Ancien Testament, et goûterait-il cette comparaison évangélique qui reste cachée pour certains prétendus chrétiens parce qu'ils sont aveugles, ou leur déplaît parce qu'ils sont pervertis.
En effet, le souverain maître de la vigne[^6] ne porte pas la serpe de la même manière sur les sarments qui donnent du fruit et sur ceux qui n'en donnent pas; cependant il n'épargne ni les bons ni les mauvais, mais c'est pour émonder les uns et retrancher les autres. Car, il n'y a pas d'homme si juste qui n'ait besoin de l'épreuve de la tribulation ou pour perfectionner, ou pour consolider ou pour éprouver sa vertu; à moins que par hasard on ne veuille pas compter parmi les justes, Paul l'apôtre, qui, malgré l'humble et sincère aveu de ses péchés passés, se déclare cependant, avec actions de grâces, justifié par la foi en Jésus-Christ[^7]. A-t-il été épargné par celui dont nos orgueilleux adversaires ne comprennent pas la pensée quand il dit : Je n'épargnerai ni le juste ni le pécheur? qu'ils écoutent donc Paul : « Et de peur que la grandeur des révélations ne m'élève, il m'a été donné un aiguillon dans ma chair, un ange de Satan pour me donner des soufflets; c'est pourquoi j'ai prié trois fois le Seigneur qu'il le retirât de moi, et il m'a dit : Ma grâce te suffit; car la puissance se fait mieux sentir dans la faiblesse[^8] ». Il n'épargnait donc pas le juste, afin de perfectionner sa vertu dans la faiblesse, celui qui lui avait donné un ange de Satan pour le souffleter; à moins que vous ne prétendiez que c'était le diable qui avait donné cet ange. Alors c'était le diable qui agissait pour que la grandeur des révélations n'élevât pas l'Apôtre et que sa vertu fût perfectionnée ! Qui oserait le dire? Il était donc livré à un ange de Satan pour être souffleté, par celui qui se servait de lui pour livrer les méchants à Satan, comme Paul l'affirme lui-même : « Que j'ai livrés à Satan, pour qu'ils apprennent à ne plus blasphémer[^9] ». Comprenez-vous maintenant comment Dieu n'épargne ni juste ni pécheur? Est-ce le mot de glaive qui vous fait horreur? Autre chose est, en effet, de recevoir des soufflets, autre chose d'être mis à mort. Comme si des milliers de martyrs n'avaient pas subi divers genres de mort, ou comme si leurs persécuteurs avaient pu les faire mourir sans la permission de Celui qui a dit: Je n'épargnerai ni juste ni pécheur; alors que le Seigneur même des martyrs, « ce Fils propre n que le Père n'a point épargné[^1] », a dit ouvertement à Pilate : « Tu n'aurais sur moi aucun pouvoir, s'il ne t'avait été donné d'en haut[^2] ». Ces vexations et ces persécutions des justes, ce même Paul les appelle un exemple du jugement de Dieu[^3]. Cette pensée est développée davantage par l'apôtre Pierre quand il dit ce que j'ai rappelé plus haut: « Que voici le temps où doit commencer le jugement par la maison de Dieu ». Or, continue-t-il, « s'il commence par nous, quelle sera la fin de ceux qui ne croient pas à l'Evangile de Dieu ? Et si le juste est à peine sauvé, l'impie et le pécheur, où se présenteront-ils[^4] ? » Voilà qui fait comprendre comment on n'épargne pas les impies qui sont retranchés comme des sarments pour être jetés au feu, ni les justes qui sont émondés pour devenir parfaits. Car Pierre lui-même atteste que tout cela se fait par la volonté de Celui qui a dit dans les anciens livres: Je n'épargnerai ni le juste ni le pécheur. Il dit en effet: « Il vaut mieux souffrir, si l'Esprit de Dieu le veut ainsi, en faisant le bien qu'en faisant le mal[^5] ». Si donc, par la volonté de l'Esprit de Dieu, on souffre en faisant le bien, c'est que les justes rie sont pas épargnés; si l'on souffre en faisant le mal, c'est que les pécheurs ne le sont pas davantage : mais l'un et l'autre arrive par la volonté de Celui qui a dit : Je n'épargnerai ni le juste ni le pécheur, corrigeant l'un comme un fils, punissant l'autre comme un impie.
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Jean, XV, 1.
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I Tim. I, 13.
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II Cor. XII, 7,9.
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I Tim. I,20.
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Rom. VIII, 32.
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Jean, XIX, 11.
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II Thess. I, 5.
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I Pier. V, 17, 18.
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Id. III,17.
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Reply to Faustus the Manichaean
20.
Lastly, as regards Faustus' crafty insinuation, that the Old Testament misrepresents God as threatening to come with a sword which will spare neither the righteous nor the wicked, if the words were explained to the Pagan, he would perhaps disagree neither with the Old Testament nor with the New; and he might see the beauty of the parable in the Gospel, which people who pretend to be Christians either misunderstand from their blindness, or reject from their perversity. The great husbandman of the vine uses his pruning-hook differently in the fruitful and in the unfruitful branches; yet he spares neither good nor bad, pruning one and cutting off the other. 1 There is no man so just as not to require to be tried by affliction to advance, or to establish, or to prove his virtue. Do the Manichaeans not reckon Paul as righteous, who, while confessing humbly and honestly his past sins, still gives thanks for being justified by faith in Jesus Christ? Was Paul then spared by Him whom fools misunderstand, when He says, "I will spare neither the righteous nor the sinner"? Hear the apostle himself: "Lest I should be exalted above measure by the abundance of the revelation, there was given me a thorn in the flesh, a messenger of Satan to buffet me. For this I besought the Lord thrice, that He would remove it from me; and He said unto me, My grace is sufficient for thee: for strength is perfected in weakness." 2 Here a just man is not spared that his strength might be perfected in weakness by Him who had given him an angel of Satan to buffet him. If you say that the devil gave this angel, it follows that the devil sought to prevent Paul's being exalted above measure by the abundance of the revelation, and to perfect his strength. This is impossible. Therefore He who gave up this righteous man to be buffeted by the messenger of Satan, is the same as He who, through Paul, gave up to Satan himself the wicked persons of whom Paul says: "I have delivered them to Satan, that they may learn not to blaspheme." 3 Do you see now how the Most High spares neither the righteous nor the wicked? Or is it the sword that frightens you? For to be buffeted is not so bad as to be put to death. But did not the thousands of martyrs suffer death in various forms? And could their persecutors have had this power against them except it had been given them by God, who thus spared neither the righteous nor the wicked? For the Lord Himself, the chief martyr, says expressly to Pilate: "Thou couldst have no power at all against me, except it were given thee from above." 4 Paul also, besides recording his own experience, says that the afflictions and persecutions of the righteous exhibit the judgment of God. 5 This truth is set forth at length by the Apostle Peter in the passage already quoted, where he says: "It is time that judgment should begin at the house of the Lord. And if it first begin at us, what shall the end be of those that believe not the gospel of God? And if the righteous scarcely are saved, where shall the ungodly and the sinner appear?" 6 Peter also explains how the wicked are not spared, for they are branches broken off to be burnt; while the righteous are not spared, because their purification is to be brought to perfection. He ascribes these things to the will of Him who says in the Old Testament, I will spare neither the righteous nor the wicked; for he says: "It is better, if the will of the Spirit of God be so, that we suffer for well-doing than for evil-doing." 7 So, when by the will of the Spirit of God men suffer for well-doing, the righteous are not spared; when they suffer for evil-doing, the wicked are not spared. In both cases it is according to the will of Him who says: I will spare neither the righteous nor the wicked; correcting the one as a son, and punishing the other as a transgressor.