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Contre Fauste, le manichéen
CHAPITRE LXXXIX. EXPLICATION SUR OSÉE. TEXTE DE SAINT PAUL.
Pour ce qui concerne le prophète Osée, je n'ai pas besoin d'expliquer le sens de son action ni de l'ordre qu'il reçut du Seigneur: « Va, épouse une femme de mauvaise vie, et qu'elle te donne des enfants de fornication », puisque l'Ecriture elle-même nous fait assez voir l'origine et la raison de cet ordre. Voici, en effet, la suite du texte : « Parce que cette terre se prostituera et s'éloignera du Seigneur. Et il alla et il prit pour femme Gomer, fille de Débélaïm, et elle conçut et elle lui donna un fils. Et le Seigneur lui dit : Nomme l'enfant Jézrahel, car, dans peu de temps, je visiterai le sang de Jézrahel sur la maison de Juda, et je ferai cesser et disparaître le règne de la maison d'Israël. Et il arrivera en ce jour-là que je briserai l'arc d'Israël dans la vallée de Jézrahel. Et elle conçut encore et elle enfanta une fille. Et le Seigneur dit à Osée « Nomme-la : Sans miséricorde (Loruchama), parce que je ne serai plus touché de commisération pour la maison d'Israël, mais que je l'oublierai entièrement: et j'aurai pitié de la maison de Juda, et je les sauverai par le Seigneur leur Dieu, mais je ne les sauverai point par l'arc, ni par le glaive, ni par la guerre, ni par les chevaux, ni par les cavaliers. Et Gomer sevra celle qui s'appelait : « Sans miséricorde[^4] », et elle conçut, et elle enfanta un fils. Et le Seigneur lui dit: Appelle-le: « Non mon peuple » (Loammi), parce que vous n'êtes plus mon peuple, et je ne serai plus votre Dieu. Et le nombre des enfants d'Israël sera comme le sable de la mer, qui ne peut se mesurer ni se compter; et dans ce lieu même où il leur a été dit: Vous n'êtes plus mon peuple, on les appellera : Les fils du Dieu vivant. Et les fils de Juda et les fils d'Israël s'assembleront, et ils se donneront un seul chef, et ils s'élèveront de la terre parce que le grand jour de Jézrahel sera venu. Dites à vos frères: Mon peuple, et à votre soeur : Qui a obtenu miséricorde[^1]». Quand donc le Seigneur explique lui-même clairement le sens figuré de l'ordre qu'il donne et de l'action qui s'ensuit, et quand les épîtres de l'Apôtre attestent que la prophétie s'est accomplie dans la prédication du Nouveau Testament: qui osera nier que cet ordre et cette action aient eu le but que lui assigne, dans les saintes lettres, celui même qui a fait agir le Prophète ? En effet, l'apôtre Paul nous dit : « Afin de manifester les richesses de sa gloire sur les vases de miséricorde qu'il a préparés pour la gloire, sur nous qu'il a de plus appelés, non-seulement d'entre les Juifs, mais aussi d'entre les Gentils, comme il dit dans Osée : J'appellerai celui qui n'est pas mon peuple, mon peuple : celle qui n'a point obtenu miséricorde, objet de miséricorde; et il arrivera que dans le lieu même où il leur fut dit : Vous n'êtes point mon peuple, ils seront appelés enfants du Dieu vivant[^2] », Paul prouve donc que cette prophétie concernait les Gentils. Pierre, à son tour, écrivant aux Gentils, reproduit la prophétie d'Osée, sans nommer le prophète : « Mais vous êtes, vous, une race choisie, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple conquis, afin que vous annonciez les grandeurs de celui qui des ténèbres vous a appelés à son admirable lumière; vous qui, autrefois, n'étiez point son peuple, mais qui êtes maintenant le peuple de Dieu ; vous qui n'aviez point obtenu miséricorde, mais qui maintenant avez obtenu miséricorde[^3]». Cela prouve donc clairement que ces paroles du Prophète: « Et le nombre des enfants d'Israël sera comme le sable de la mer, qui ne peut se mesurer ni se compter », et celles qui suivent. « Et dans ce lieu même où il leur a été dit: Vous n'êtes plus mon peuple, on les appellera: Les fils du « Dieu vivant » ; que ces paroles, dis-je, ne s'appliquent nullement à Israël selon la chair, mais à cet autre Israël dont l'Apôtre dit aux Gentils: « Vous êtes donc la postérité d'Abraham, héritiers selon la promesse[^5] » . Mais comme, dans l'Israël des Juifs, beaucoup ont cru et croiront, car de là venaient les Apôtres et tant de milliers d'hommes qui s'attachèrent à eux dans Jérusalem[^6]; de là venaient les Eglises dont Paul disait aux Galates : « Or, j'étais inconnu de visage aux Eglises de Judée qui sont dans le Christ[^7] » : ce qui fait qu'il entend par la pierre angulaire dont parle le Psalmiste[^8], le Seigneur lui-même, en ce sens qu'il a uni en lui deux murailles, à savoir, celles de la circoncision et de l'incirconcision « pour des deux former en lui-même un seul homme nouveau, en faisant la paix, et pour réconcilier à Dieu les deux réunis en un seul corps, détruisant en lui-même leurs inimitiés par la croix ; et, en venant évangéliser la paix à ceux qui étaient loin et à ceux qui étaient près », c'est-à-dire aux Gentils qui étaient loin, et aux Juifs qui étaient près; « car c'est lui qui est notre paix, lui qui des deux choses, en a fait une seule[^9] » : les choses, dis-je, étant ainsi, c'est avec raison qu'Osée désignant les Juifs par fils de Juda, et les Gentils par fils d'Israël, a dit: « Et les fils de Juda et les fils d'Israël s'assembleront, et ils se donneront un seul chef et ils s'élèveront de terre ». Par conséquent, quiconque rejette une prophétie si évidemment vérifiée par l'accomplissement des faits, ne contredit pas seulement un prophète, mais aussi les épîtres des Apôtres; il ne repousse pas seulement, dans son insolence, des écritures quelconques, mais il s'obstine contre des faits accomplis et d'une évidence éclatante. Peut-être, pour l'action de Juda, fallait-il étudier plus soigneusement la question, afin de pouvoir reconnaître sous le vêtement de la femme appelée Thamar, la prostituée qui représente l'Eglise de la prostitution du culte idolâtrique ; mais ici, comme l'Ecriture s'explique elle-même clairement, et comme le témoignage des Apôtres y apporte encore un nouveau jour, à quoi bon insister là-dessus, et ne pas passer à ce qui nous reste à dire de Moïse, le serviteur de Dieu, et voir ce que valent les objections de Fauste ?
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Matt. III, 12 ; XIII, 30.
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Os. I, 2-11; 11, 1.
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Rom. IX, 23, 26.
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I Pier. II, 9, 10.
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Gal. III, 29.
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Act. II, 41; IV, 1.
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Gal. I, 22.
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Ps. CXVII, 22.
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Eph. II, 11-22.
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Contra Faustum Manichaeum libri triginta tres
89.
De Osee autem propheta non a me opus est dici, quid illa iussio factumve significet, quod dixit dominus ad Osee: ‛Vade et accipe tibi uxorem fornicationis et fac filios de fornicatione, cum satis hoc ipsa scriptura demonstret, unde et quare sit dictum. p. 694,13 Sequitur enim: quoniam fornicans fornicabitur terra a domino’. Et abiit et accepit Gomer filiam Debeleim; et concepit et peperit ei filium. Et dixit dominus ad eum: ‛Voca nomen eius ″Iezrahel″, quoniam adhuc modicum, et visitabo sanguinem Iezrahel super domum Iuda et quiescere faciam et avertam regnum domus Israhel. Et erit, in illa die conteram arcum Israhel in valle Iezrahel’. Et concepit adhuc et peperit filiam. Et dixit ei dominus: ‛Voca nomen eius ″absque misericordia″, quia non addam ultra misereri domui Israhel, sed oblivione obliviscar eorum; et domui Iuda miserebor et salvabo eos in domino deo suo, et non salvabo eos in arcu et in gladio et in bello et in equis et in equitibus’. p. 694,26 Et ablactavit eam, quae erat ″absque misericordia″, et concepit et peperit filium. Et dixit ei dominus: ‛Voca nomen eius ″Non populus meus″, quia vos non populus meus, et ego non ero vester deus. Et erit numerus filiorum Israhel quasi arena maris, quae sine mensura est et non numerabitur; et erit, in loco, ubi dictum est eis ″Non populus meus vos″ dicetur eis ″Filii dei vivi″. Et congregabuntur filii Iuda et filii Israhel <pariter ?> et ponent sibimet caput unum et ascendent de terra, quia magnus dies Iezrahel. Dicite fratribus vestris ″Populus meus″ et sorori vestrae ″Misericordiam consecuta″’ . Cum ergo iussi et facti huius figuram ipse dominus per eandem scripturam evidenter aperiat cumque apostolicae litterae hanc prophetiam completam in novi testamenti praedicatione testentur, quis est, qui audeat dicere non propterea iussum et factum, propter quod se iussisse et prophetam fecisse ipse in sanctis litteris qui iussit exponit? p. 695,16 Ait enim apostolus Paulus: Ut notas faceret divitias gloriae suae in vasa misericordiae, quae praeparavit in gloriam; quos et vocavit nos, non solum ex Iudaeis, verum etiam ex gentibus. Sicut et Osee dicit: ‛Vocabo ″Non plebem meam″ ″Plebem meam″ et ″Non dilectam″ ″Dilectam″ et erit in loco, ubi dictum est eis: ″Non populus meus vos″, ibi vocabuntur ″Filii dei vivi″’ . Hoc ergo de gentibus prophetatum Paulus ostendit. Unde et Petrus scribens ad gentes propheta quidem ipso non nominato prophetiam tamen eius verbis suis inserit dicens: Vos autem genus electum, regale sacerdotium, gens sancta, populus acquisitionis, quo virtutes eius adnuntietis, qui de tenebris vos vocavit in illud admirabile lumen suum, qui aliquando non populus, nunc autem populus dei, quorum aliquando non misertus est, nunc autem miseretur. p. 695,30 Hinc evidenter apparet, quod per prophetam dictum est: Et erit numerus filiorum Israhel quasi arena maris, quae sine mensura est et non numerabitur, et quod consequenter adiunctum est: Et erit in loco, ubi dictum est eis ″Non populus meus vos″, dicetur eis, ″Filii dei vivi″, non omnino de illo Israhel esse dictum, qui est secundum carnem, sed de illo, de quo apostolus gentibus dicit: Vos ergo Abrahae semen estis, secundum promissionem heredes. Sed quoniam et de illa Iudaea multi crediderunt et credituri sunt – nam inde erant et apostoli, inde tot milia, quae in Hierusalem apostolis sociata sunt, inde ecclesiae, de quibus ad Galatas dicit: Eram autem ignotus facie ecclesiis Iudaeae, quae sunt in Christo -, p. 696,13 unde et lapidem angularem in psalmis appellatum dominum sic interpretatur, quod duos parietes in se ipso coniunxerit, circumcisionis videlicet et praeputii, ut duos conderet in se unum novum hominem faciens pacem, et commutaret utrosque in uno corpore deo per crucem, interficiens inimicitias in semet ipso, et veniens evangelizaret pacem his, qui longe, et his, qui prope, id est gentibus longe et Iudaeis prope; ipse est enim pax nostra, qui fecit utraque unum, merito et iste propheta filios Iuda ponens pro Iudaeis et filios Israhel pro gentibus, et congregabuntur inquit filii Iudae et filii Israhel pariter et ponent sibimet caput unum et ascendent de terra. p. 696,25 Huic itaque prophetiae tam manifeste ipso rerum effectu declaratae quisquis contradicit, non solum propheticis, verum etiam apostolicis litteris, nec solum quibuslibet litteris, verum etiam rebus impletis et clarissima luce perfusis, impudentissime contradicit. Aliquid ergo fortassis diligentioris requirebat intentionis Iudae factum, ut haec fornicaria, quae significat ecclesiam de gentilium superstitionum prostitutione collectam, in habitu mulieris illius quae Thamar appellata est, posset agnosci. Hic autem cum ipsa scriptura se aperiat cumque apostolorum consonantibus litteris illustretur, quid hic ulterius immoramur ac non iam videmus quod restat, de famulo dei Moyse, quid etiam ipsa significent, quae Faustus obiecit?