CHAPITRE XI. EXPLICATION DE L'AVEUGLEMENT DES JUIFS.
Peut-être le catéchumène manifesterait-il sa surprise de ce que ceux dont les livres contiennent ces prophéties aujourd'hui réalisées, ne vivent pas avec nous dans la communion de l'Évangile. Mais quand on lui apprendrait que cette circonstance même a été prédite par ces mêmes prophètes, quel puissant motif de foi n'y puiserait-il pas? Or, qui est assez aveugle pour ne pas voir cela? assez impudent, pour feindre qu'il ne le voit pas? Qui peut, en effet, douter que ce fait ait été prophétisé des Juifs, quand Isaïe dit : « Le boeuf connaît son maître, et l'âne son étable ; mais Israël ne m'a pas connu et mon peuple ne m'a pas compris[^1] » ; ou quand on lit ces paroles rapportées par l'Apôtre: «Tout le jour j'ai tendu les mains à ce peuple incrédule et contredisant[^2] » ; et surtout ce passage : « Dieu leur a donné un esprit de torpeur, des yeux pour ne pas voir, et des oreilles pour ne pas entendre et ne pas comprendre[^3]», et beaucoup d'autres de ce genre? Et s'il disait: Quel péché les Juifs ont-ils commis, pour que Dieu les ait aveuglés au point de ne pas reconnaître le Christ? nous montrerions, autant que possible, à cet homme encore peu instruit, que d'autres péchés secrets; connus de Dieu, ont justement attiré cet aveuglement; non-seulement que l'Apôtre a dit de quelques hommes : « Pour cela, Dieu les a livrés aux désirs de leurs coeurs, ou au sens réprouvé, en sorte qu'ils font ce qui ne convient pas[^4] » : voulant montrer que certains péchés manifestes sont la punition d'autres péchés secrets; mais encore que les Prophètes mêmes n'ont point passé le fait sous silence. Car, pour ne pas aller plus loin, le même Jérémie, dans l'endroit où il dit : « Et il est homme et qui le reconnaîtra ? » pour que les Juifs ne puissent être excusés par cause d'ignorance («Car », dit l'Apôtre, «s'ils l'avaient connu, ils n'auraient jamais crucifié le Seigneur de la gloire[^5] »), Jérémie, dis-je, continue et montre que-leur ignorance est la punition de quelques fautes cachées ; car il dit : « Je suis le Seigneur, qui interroge les cœurs et scrute les reins, pour rendre à chacun selon ses voies et selon le fruit de ses oeuvres[^6]» .
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Is. I, 3.
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Rom. X, 21 ; Is. LXV, 2.
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Rom. XI, 8 ; Is. VI, 10.
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Rom. I, 24.
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I Cor. II, 8.
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Jer. XVII, 10.