CHAPITRE VI. CONTRADICTIONS ENTRE LA DOCTRINE DE MOISE ET CELLE DU CHRIST.
La suite du texte n'est pas plus vraisemblable : « Si vous croyiez Moïse, vous me croiriez sans doute aussi » : car la doctrine de Moïse et celle du Christ sont tellement dissemblables, tellement différentes, que les Juifs, en admettant l'une, devraient nécessairement rejeter l'autre. En effet, Moïse prescrit avant tout de s'abstenir de tout travail le jour du sabbat, et le principal motif qu'il donne à cette observance religieuse, c'est que Dieu ayant mis six jours à former le monde et ce qu'il contient, se reposa le septième, qui est le sabbat; et que pour cela il le bénit, c'est-à-dire le sanctifia, comme le port où il était entré dans le repos, et établit en loi que quiconque le violerait serait mis à mort[^5]. Les Juifs, sur la parole de Moïse, en étaient pleinement convaincus ; aussi ne voulaient-ils pas même prêter l'oreille au Christ quand il affirmait que Dieu agit sans cesse, qu'il ne s'est fixé aucun jour pour le repos, parce que sa puissance est continuelle et infatigable, et que lui, par conséquent, ne doit non plus jamais cesser d'agir, pas même les jours de sabbat car, dit-il : « Mon Père agit sans cesse et il faut que j'agisse aussi[^6] ». De même Moïse range la circoncision parmi les rites sacrés et agréables à Dieu ; il ordonne que tous les mâles soient circoncis dans leur chair, il enseigne que c'est là la marque indispensable de l'alliance que Dieu a faite avec Abraham, et il affirme que tout homme qui ne portera pas ce signe, sera chassé du milieu de sa tribu et n'entrera point en partage de l'héritage promis à Abraham et à sa postérité[^1]. Et, cela encore, les Juifs le croyaient fermement, sur l'affirmation de Moïse ; et c'est pourquoi ils ne pouvaient ajouter foi au Christ qui infirmait cette doctrine, et prétendait même que quiconque était circoncis, encourait deux fois le supplice de la géhenne[^2]. De même encore Moïse établit une distinction rigoureuse entre les chairs servant d'aliments, et, à la façon d'un gourmet, se fait juge des poissons, des oiseaux et des quadrupèdes ; il veut que les uns soient mondes et puissent être mangés, que les autres soient immondes, et ne soient pas même touchés; et parmi ceux-ci, il range le porc et le lièvre, tous les poissons qui n'ont pas d'écailles, et les quadrupèdes qui n'ont pas le sabot fendu et ne ruminent pas[^3] . Les Juifs ont aussi fortement adhéré à ces prescriptions écrites par Moïse; et pour cela encore, ils ne pouvaient croire au Christ qui enseignait que tous les aliments sont indifférents, qui les interdisait presque tous, il est vrai, à ses disciples, mais permettait aux gens du peuple de manger tout ce qui peut se manger, et leur déclarait que rien de ce qui entre dans la bouche n'était capable de les souiller : vu que les choses mauvaises qui sortent de la bouche peuvent seules souiller l'homme[^4]. Personne n'ignore que Jésus a enseigné cela et bien d'autres choses encore, opposées à la loi de Moïse.
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Ex. XX, 8-11 ; XXVI, 13-17.
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Jean, V, 17 ; IX, 4.
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Gen. XVII, 9-14.
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Matt. XXIII, 15.
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Deut. XIV, 3-20.
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Matt. XV, 11-20.