CHAPITRE VI. OBSCÈNES RÊVERIES DES MANICHÉENS SUR LE SOLEIL.
Car vous dites de lui des choses si fausses, si abominables, que s'il pouvait venger ses injures, il vous consumerait tout vivants. D'abord vous en faites une espèce de vaisseau ; en sorte que vous ne vous égarez pas seulement, comme l'on dit, de toute la hauteur du ciel, mais que vous y naviguez. Ensuite, bien qu'il paraisse rond aux yeux de tout le monde, et que cette forme soit en rapport parfait avec le rang et la position qu'il occupe, vous prétendez qu'il est triangulaire, c'est-à-dire que sa lumière éclaire le monde est la terre en passant par une espèce de fenêtre ouverte en triangle. C'est ce qui fait que vous courbez le dos, il est vrai, et que vous inclinez la tête devant cet astre, mais qu'au lieu d'un soleil rond, un globe si lumineux, vous adorez je ne sais quel vaisseau, produit de vos rêves, d'où la lumière s'échappe à travers une ouverture triangulaire. Ce vaisseau, votre fabriquant ne l'eût pas construit, si, comme on achète du bois pour former l'assemblage d'un navire, il eût fallu aussi acheter des paroles pour composer des fables d'hérétiques. Cependant on peut encore supporter ce qu'il y a ici de ridicule ou de déplorable; mais ce qui est intolérable et criminel au plus haut degré, c'est que vous prétendez que sur ce navire sont exposés de belles jeunes filles et de beaux jeunes hommes, dont les éblouissants attraits enflamment les princes des ténèbres, mâles pour femelles, et femelles pour mâles, afin que, dans l'ardeur de la passion et l'avidité de la jouissance, les membres de votre dieu soient dégagés de leurs membres comme des liens odieux et impurs qui les enchaînent. Et c'est avec ces éléments obscènes que vous essayez de former l'ineffable Trinité, disant que le Père habite dans une certaine lumière à part; que la vertu du Fils réside dans le soleil, sa sagesse dans la lune, et l'Esprit-Saint dans l'air !